Throw Me Off The Bridge par mail, 2015

Quand Quentin Sauvé ne fait pas du bruit dans - au choix - As We Draw, The Brutal Deceiver, Calvaiire, il se saisit de sa guitare acoustique avec son projet Folk très personnel, Throw Me Off The Bridge. L'occasion d'en apprendre d'avantage sur le musicien et sa musique.

Te sens tu parfois limité artistiquement par le propos mélancolique de Throw Me Off The Bridge? Que ce soit dans les textes, la musique, jusque dans le nom du groupe, il est clairement question de tes démons et de tes angoisses. Ne crains tu pas d’être un jour pris dans un paradoxe si tu décides d’approfondir les aspects plus joyeux et heureux de ta vie ?

Quentin : Alors ça on peux dire que c'est une très bonne question car je suis en plein dedans en ce moment ! Je vais en effet tout simplement mieux dans ma vie ces temps-ci, et il y a quelques mois je n'arrivais plus trop à écrire... Dans ce projet les textes avaient l'habitude de sortir tout seul quand je déprimais, alors que là pour le nouvel EP qu'on enregistre fin août, j'ai dû plus creuser la chose. Au final c'est tout aussi intéressant : au lieu d'écrire pour ensuite faire un constat de mon état avec du recul, je constate puis ensuite je prend du recul et enfin j'écris. Il en ressort des choses pas forcément plus joyeuses, juste différentes... Et concernant la musique en elle même je n'ai pas ressentis de réels changements dans ma manière de composer, ça vient toujours comme ça vient et tant mieux.

A la fin du morceau From The Top, on peut t’entendre chanter "While others build their homes I’m wondering if I need one. While others build their lives I’m roaming in mine". Tu fais énormément part de tes doutes dans ces textes, ce qui contraste avec le fait que tu sois un musicien reconnu et accompli malgré ton jeune âge, que tu voyages dans le monde entier pour jouer avec tes différents projets… Tu te reconnais toujours dans ces propos malgré tout?

Avec le recul encore une fois je n'ai plus la même vision, mais je m'y retrouve toujours oui. C'est pareil avec tous mes morceaux : d'abord je les joue en vivant le texte en temps réel, et au fur et à mesure mon point de vu change et je les joue plutôt en revivant l'état dans lequel j'étais au moment de l'écriture. C'est à double tranchant : exorciser ou replonger, mais le plus souvent ça me fait plus de bien que de mal, et c'est ça qui fait que je continue ce projet.

Cela rejoins la précédente question mais à mon sens, ce qui ressort surtout des textes de cet album est l’angoisse de ne pas trouver sa place dans ce monde, de souffrir de ne pas rentrer dans une case et d’être en marge de la société. Quel est ton regard actuel sur la chose?

Alors je ne m'étais pas du tout rendu compte que, pris dans sa globalité, cet album parlait de ça mais en effet tu as raison... à la base les morceaux parle de choses très précises, intimes, on pourrait dire secrètes même... mais au final ces choses arrivent à tout le monde.

Plus ça va et plus je suis content de ne pas être dans un case précise. En essayant de suivre qu'un seul et unique chemin parfois on tombe de haut et on est déçu, voir même dégouté. J'ai toujours eu le "cul entre deux chaises", que ce soit musicalement entre ce projet et mes projets post-hardcore, que ce soit entre mon travail (régisseur lumière) et ma passion, que ce soit entre le DIY et le non-DIY... C'est dur à vivre parfois mais tant mieux car c'est hyper enrichissant. J'aime mélanger tous les "styles" qui me parlent dans mes projets, j'aime pouvoir vivre (de) la musique que ce soit sur scène ou non, et même si toutes les "scènes" sont envenimées de clichés ridicules, il y a du bon a prendre partout.



Pour te l’avoir déjà dit, voir Throw Me Off The Bridge sur scène a été un grand moment pour moi, j’ai été bluffé par l’émotion qui émanait du concert. J’ai cru te voir essuyer quelques larmes entre deux morceaux. Pour autant, tout était très calé et rigoureux. Quel est le plus dur pour toi dans Throw Me Off The Bridge? Le travail sur l’émotion, ou sur la technique? Essayes-tu de gérer l’émotion afin de rester concentré sur la technique ou bien au contraire tu n’as pas peur de te laisser parfois submerger, quitte à être moins concentré sur la technique?

C'est ça qui pour moi est le plus beau dans la musique, que ce soit en la jouant ou en l'écoutant, c'est justement se laisser submerger. Mais pour pouvoir vraiment profiter de se lâcher-prise, il ne faut pas être en train de penser aux accords, au son, aux pédales d'effets, à la lumière, aux gens, au micro... Si tout à été bien bossé en amont c'est là que ça devient vraiment intéressant en concert. La technique c'est juste la forme, l'émotion c'est le fond. 

Tu exposes tes doutes, tes peurs, tu es même parfois cruel avec toi-même dans tes textes. Est-ce que cela a un effet thérapeutique pour toi? Dans le sens où tu évacues ces sentiments négatifs et cela te permet de passer à autre chose, ou bien au contraire cela reste douloureux chaque fois que tu es amené à chanter des textes aussi violents vis-à-vis de toi-même?

Comme je disais plus haut, c'est à double tranchant... J'ai mis beaucoup de temps à apprécier jouer ses morceaux. Les premiers concerts étaient douloureux, vraiment durs à vivre, du fait de mes textes mais aussi du fais d'être tout seul, mis à nu... j'ai tout de même persévérer et un jour en tournée j'ai eu un déclic, j'ai fini le concert presque en pleurs mais j'étais soulagé... J'étais bien, juste bien. Aujourd'hui il y a encore des concerts difficiles mais c'est beaucoup plus rare.

Si tu devais définir la différence entre les textes d'As We Draw, ton groupe de Post-Hardcore, et ceux de Throw Me Off The Bridge?

Avec As We Draw on s'efforce d'avoir un concept avant d'attaquer l'écriture d'un album, avec Throw Me Off The Bridge j'écris et le plus souvent le concept se dessine lui même par la suite. Mais j'avoue que l'écriture du dernier As We Draw n'était pas évidente, je venais de sortir Blindfolded Traveler avec Throw Me Off The Bridge, je n'arrivais pas à trouver l'inspiration et surtout à écrire de manière différente, mais une fois la ligne directrice, "l'histoire" trouvé, ça à roulé tout seul. Avec As We Draw il faut vraiment que je me détache des textes pour qu'ils soient moins personnels, surtout qu'on est trois à les chanter... Les gars écrivent aussi certain morceaux de texte pour compléter d'ailleurs. Ici on raconte l'histoire d'un personnage qui n'est pas nécessairement moi, alors que dans Throw Me Off The Bridge, je suis le personnage. 

Comment s’est passé pour toi la transition d’un chant hurlé dans As We Draw au registre uniquement chanté de Throw Me Off The Bridge? 

C'était compliqué ahah! Trouver une manière d'hurler c'est déjà pas évident, mais une fois que tu as trouvé c'est ok. Chanter à proprement-dit je n'avais jamais vraiment essayé alors ça m'a prit beaucoup de temps avant d'être à l'aise, avant de supporter entendre ma voix, avant de ne plus trop avoir honte devant les gens en concert... J'ai beaucoup de travail à faire et c'est toujours dur d'arriver en studio et de se rendre compte de ce qui ne va pas.

Comment gères-tu l’exposition sur scène ou même à travers tes textes de sentiments aussi intimes ? Est-ce que cela te rend plus fort car ça te permet d’assumer clairement qui tu es, dans le bon comme dans le moins bon, ou bien cela reste effrayant parfois?

Les deux je dirais... ça dépend vraiment des concerts et des morceaux. Se sentir en confiance sur scène c'est bien mais ce sont pour moi les faiblesses qui vont être le plus intéressant pour ceux qui écoutent.

Cet album a été enregistré par ton frère, tu fais parfois référence à tes parents dans les textes… Dans quelle mesure cet album est-il imprégné de ta propre famille selon toi?

C'est surtout mon premier album Everlasting Folks qui parle comme son nom l'indique, de mes proches. C'est d'ailleurs à eux que je m'adresse dans le nom du projet. Quand je dit "jetez moi du pont", ça veux dire "aidez moi à me lancer, aidez moi à faire ce projet car je vais pas y arriver tout seul". 
Mes parents nous on toujours soutenus mon frère et moi quand on a commencé la musique tout jeune, on est très chanceux et le morceaux With Our Own Words parle de ça. J'ai toujours tout fait avec mon frère, et commencer ce projet, sans lui, était une très grosse marche à franchir dans ma vie. C'est très important pour moi qu'il en fasse tout de même partie d'une certaine manière... Je ne joue jamais un nouveau morceaux en live sans lui avoir joué avant, j'enregistre avec lui, on fais les arrangements ensemble, et je compte sur lui pour tout remettre en question quand il le faut. 

Tes projets futurs?

On enregistre donc un nouvel ep fin août qui sortira normalement en avril 2016. Et je dis "on" car cette fois-ci, en plus de mon frère qui sera là pour enregistrer et arranger, les potes qui on rejoint le projet cette année pour la version full-band enregistrerons leur parties. Je ne sais pas ce qu'il y aura en suite mais pour moi cet EP c'est en quelque sorte une transition entre Throw Me Off The Bridge purement solo, et Throw Me Off The Bridge le groupe.

Tu as tribune libre : si tu as un message à faire passer ou une dédicace?

Franchement merci d'avoir des questions intéressantes à poser, c'est un plaisir d'y répondre. Et puisque je parlais de studio, voici celui de mon frère Amaury Sauvé
Allez tous chez lui !!!

Tortue Rouge (Septembre 2015)

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