Ghost Gibson France, Paris, le 25 juin 2015

Constituant indéniablement un des plus gros buzz de ces dernières années dans le milieu metal, Ghost en brulerait presque les étapes. Avec un troisième album en approche, et un troisième Pape/chanteur fraichement élu à sa tête, il était normal d'aller poser quelques questions à l'une des Nameless Ghouls afin d'essayer de lever le voile sur certains mystères entourant ce groupe.

Quelle est ta place dans le groupe ?


Je suis le guitariste solo.

Combien de personnes connaissent votre vraie double identité ?


Une poignée seulement ! Mais beaucoup plus connaissent nos visages, sans connaître pour autant nos noms, car on ne peut pas passer toute une journée promo de huit heures avec notre costume sur le dos. Déjà, rien que de jouer un concert d'une heure trente avec, c'est la mort ! (rire)

Comment s’est passé le conclave pour l’élection de votre nouveau pape, Papa Emeritus III ?

On ne s'occupe pas vraiment de ces affaires là, mais apparemment, tout s'est bien déroulé (rires).

Est-il un meilleur pape que le précédent ? Est-il plus progressiste ?


Papa Emeritus I et II étaient des papes progressistes, dans le sens où ils étaient en quelque sorte le négatif de la représentation du Pape de l'Eglise catholique. Papa Emeritus III est forgé sur le même modèle. Mais je ne le connais pas encore très bien, je ne l'ai rencontré que quelque fois.

Meliora sonne bien plus metal qu’Infestissumam, la batterie et la basse sont bien mises en avant, ce qui s’entend particulièrement sur Cirice, Mummy Dust ou From The Pinnacle to the Pit, pourquoi ce choix ?

En fait, c'est plutôt que le précédent album a un son faible, ce qui n'était pas intentionnel. Il y a eu un gros problème au niveau du mixage et du mastering. C'était une période difficile pour nous à ce moment là et nous n'avions pas pu superviser ça. Nous avons appris de nos erreurs et Meliora sonne vraiment comme Infestissumam aurait dû sonner. Peut-être aurons nous l'occasion de lui rendre justice dans le futur et de le remasteriser comme il se doit !

Tes solos de guitares sont très posés, très mélodiques sur Meliora. Quelles sont tes influences ?

Mes influences sont assez classiques mais je suis très limité au niveau technique. Ce ne serait pas du tout dans mon style de tenter de schredder, je n’y arriverai pas de toute façon. Je m’inspire donc des mélodies des chansons pour tricoter par dessus mes solos.

Pour le clip de Cirice, ce sont des enfants qui jouent vos rôles sur scène, comment vous est venue cette idée ?

C’est une sorte d’hommage à nos jeunes années, quand nous pouvions imiter les rockstars dont nous étions fans. Voir des gamins mettre le feu comme ça, c’est vraiment quelque chose de fort et je me sens toujours touché quand je vois des enfants qui font de la musique, ou même qui font simplement du air guitar avec un balai.

Vous avez fait appel au même artiste pour la pochette de Meliora ?


Oui, c’est Zbiegniew Bielak, comme pour les albums précédents. Il est Polonais et très talentueux et c’est également un excellent architecte. Il a transfiguré ce que nous lui avions demandé de nous faire. Nous avons l’habitude de lui donner de nos nouvelles quand nous sommes en studio, de lui faire écouter les morceaux au fur et à mesure, de façon à ce qu’il s’imprègne de tout ça et fasse partie complètement du processus créatif. Il arrive à traduire nos albums, nos chansons, en dessins. Par contre, ce n’est pas lui qui fait les artworks pour les singles, ni pour les tshirts, car nous voulons vraiment que tout cela soit dissocié et différent.

Au niveau des guitares, quel est votre matos pour obtenir ce son vintage ? Vous jouez sur des Gibson RD Artist en live, vous les utilisez aussi en studio ?

Non ! (rires – NDLR : il regarde autour pour vérifier si personne ne l’a entendu) Les RD Artist, ce sont des guitares neuves, c’est parfait pour le live, car ça permet d’éviter de mauvaises surprises, des problèmes techniques notamment. En studio par contre, on utilise un set de plusieurs guitares, des vieilles. On n’utilise aucun effet, la seule astuce à laquelle on a recours, c’est de brancher les guitares sur trois amplis différents chacune. On utilise une Gibson Les Paul Goldtop, deux SG et une Fender Telecaster. On cherche à avoir un son analogique, très brut, et il n’y a aucune bidouille derrière au niveau de la table de mixage. Le signal audio est donc très pur et ça nous permet d’ajouter de la couleur au son. La seule pédale qu’on utilise en fait, c’est notre accordeur (rires).

Puisque nous sommes dans les bureaux de Gibson France : est-ce qu’une guitare signature Nameless Ghoul est en préparation ?

Pas que je sache ! Mais c’est en discussion depuis quelque temps, apparemment il commence à y avoir une demande qui grandit donc, qui sait, d’ici un an ou deux ? En attendant, nous sommes très contents d’avoir la confiance de Gibson.

Le maquillage de Papa Emeritus est-il inspiré de la religion vaudou ?


Je comprend tout à fait cette comparaison avec le vaudou, mais pour le nouveau design du "masque" de Papa, nous avons simplement cherché à obtenir une certaine représentation artistique d’un crâne et non pas la représentation réelle d'un crâne humain. Beaucoup de personnes n’ont pas compris ça et nous demande "mais où sont ses dents ?" Cette représentation est artistique, futuriste. C’est vrai que c’est très "vaudouesque" si je puis dire, mais c’est surtout un assemblage de carrés articulés.

En 2014, vous avez joué live au Music Feeds Studio, les vidéos sont disponibles sur Youtube (Ritual, Year Zero et If You Have Ghosts), et Papa Emeritus ne portait aucun maquillage (NDLR : il porte un masque moulé, le faisant ressembler à Hugh Heffner). C’était une première ? Pourquoi avoir fait ça ?

Oui c’était une première, et c’était intéressant de le faire. On réfléchit à l’idée que Papa puisse revêtir différentes formes. A la rentrée, pour notre tournée en tête d’affiche, je pense qu’il devrait y avoir des happenings du genre sur scène. Il y aura le Papa façon traditionnelle, mais il y aura également quelques changements de costume au cours des concerts. Parce que lorsque que tu joues pendant plus d’une heure trente, ça devient long et cela nous permettra de casser la monotonie. Attendez-vous donc à des changements, vous y aurez droit en France aussi !

Vous jouerez fin août en France.

Oui, nous venons à Rock en Seine, mais ce n’est pas un concert comme tête d’affiche, donc vous aurez droit à un concert traditionnel, si on peut dire, avec quand même quelques surprises.

Vous êtes habitués maintenant à jouer dans des festivals de ce genre, ouverts à tous styles de musique.

Oui ça nous arrive de plus en plus souvent.

Ça doit être différent que de jouer devant un public composé uniquement de metalleux. Est-ce que ça vous donne envie d’en rajouter une couche pendant vos concerts, histoire d’essayer de marquer encore plus les esprits ?

Non, on ne change rien au niveau du show. Après c’est vrai que c’est beaucoup plus marrant de jouer devant son propre public. Je préfère jouer devant mille personnes qui sont vraiment là pour ta musique que devant dix mille personnes dont les trois quarts n’en ont rien à foutre. Mais en ce qui nous concerne, lorsqu’on joue dans des festivals pop/rock, le public semble vraiment s’intéresser à notre concert, et même s’ils n’headbanguent pas, ils ont l’air d’apprécier. Parfois ils dansent (rires). C’est une des facettes du fait de devenir populaire. Et même pour les concerts où nous sommes tête d’affiche, il y a toujours un grand mélange au niveau du public, même s’il y a une majorité de metalleux. Il y a des jeunes, des vieux, plein de filles... Ça nous convient parfaitement.

Sur scène, Papa Emeritus parle beaucoup entre les chansons, est-ce écrit à l’avance ou bien il improvise ?

Il y a des thèmes récurrents donc les discours sont un peu similaires d’un concert à l’autre, et il y a des blagues aussi qui reviennent de temps en temps, suivant l’ambiance ou ce qui peut se passer durant le concert. Papa Emeritus I était silencieux, jamais un mot entre les chansons, ce qui est parfait si tu joues dans de petites salles et ça convenait à notre notoriété de l’époque. Après quand tu joues devant deux milles personnes, ça peut être marrant... jusqu’à ce que le public se mette à hurler ! Le public en veut toujours plus et c’est normal. Je crois d’ailleurs que Papa Emeritus III sera très bavard.

Vous avez prévu d’enregistrer de nouvelles reprises ?

Oui, il nous faut encore trouver du temps dans nos agendas respectifs pour nous retrouver tous en studio.

Avez-vous déjà choisi les chansons que vous aller reprendre ?  Vous avez prévu de faire à nouveau un EP ?

Oui, ce sera très certainement un EP mais il y aura au moins un nouveau morceau original dessus, histoire de ne pas faire exactement pareil que pour le précédent EP où il n'y avait que des reprises. On sait déjà ce qu’on veut enregistrer, mais je ne peux que te donner le nom des artistes qu'on va reprendre : Leonard Cohen, Echo And the Bunnymen et le groupe suédois Imperiet.

Vous avez révélé avoir déjà joué en live avec Dave Grohl habillé en Nameless Ghoul. Est-ce qu’il y a d’autres artistes qui vous ont demandé de jouer avec vous ?


Non c’est la seule fois. Mais sinon, nous avons rejoint Phil Anselmo et Down sur scène au Download Festival pour jouer Bury Me In Smoke, on a joué aussi avec Mastodon une chanson de l’album The Hunter, je ne sais plus laquelle. On a beaucoup de demandes de groupes qui veulent que Papa fasse une apparition avec eux, mais c’est très compliqué car il n’est souvent pas dans les parages, ou alors il n’est pas ou plus maquillé ni costumé. C’est dommage de devoir dire non alors que ça pourrait être génial à faire.

C’était comment de travailler aux côtés de Dave Grohl pour votre EP If You Have Ghost ?

L’éclate ! (rires) Ce mec est une vraie source d’inspiration et un grand pédagogue. Il est prolifique au niveau musical, c’est un des tout meilleurs batteurs que j’ai entendu et pour ne rien gâcher, c’est un mec charmant.

Est-ce que vous avez encore des problèmes avec des ligues ou associations religieuses ?

À ma connaissance et au moment où l’on parle, non... Mais je pense que ça ne tardera pas dès qu’on commencera notre prochaine tournée (rires). Pour le moment c’est calme, nos détracteurs nous ont un peu oublié depuis la fin de la tournée précédente. Mais dès qu’on repartira en tournée, avec la médiatisation, ça ne fait aucun doute que ça reprendra.

Le Hellfest, où vous avez joué en 2011 et 2013, a été victime de vandalisme cette année, trois semaines avant la tenue de l’édition 2015, apparemment pour des raisons religieuses...

C’est vraiment risible et stupide surtout : pourquoi faire ça trois semaine avant, et pas la veille ? (rires) C’est vraiment triste que des gens n'aient rien de mieux à foutre que ça.

Est-ce que tu penses que vous aurez toujours quelque chose à dire sur le satanisme pour votre quatrième album ?

C’est un sujet intarissable au niveau de la façon dont les gens ordinaires perçoivent le satanisme. Dans le milieu metal, le satanisme est quelque chose de très présent, je ne veux pas dire que tous les groupes de metal sont sataniques, mais simplement que Satan est un personnage important dans la culture metal, et que généralement les metalleux apprécient ça. Nous ne sommes pas Watain, ni Behemoth, ni Deathspell Omega. Eux parlent du satanisme de façon très intense et brute. Nous n’abordons pas le satanisme de la même façon, même si nous avons peut-être le même état d’esprit sur la question. On prend une posture plus sociétale, qui reflète le monde et les rapports entre les hommes et leurs dieux, ou leurs non-dieux. Donc oui, je pense que nous aurons toujours de la matière même quand on en sera au sixième ou septième album, car nous n’axons pas nos paroles sur Satan, mais sur l’Homme, sa place dans l’univers et sa situation face au progrès.

Tu parlais de Behemoth ou Watain, de quels groupes vous sentez vous proches musicalement ou spirituellement ?

Je me sens très proche d’eux oui, malgré les différences que je t’ai expliquées. Mais par exemple, Behemoth travaille également avec Zbiegniew pour leurs artworks, depuis quinze ans. Je pense aussi que nos styles de vie doivent être assez similaires, mais ce qui est marrant, c’est que lorsqu’on se rencontre, lors de festivals, on ne parle absolument pas de ça (rires). Je pense que c’est parce qu’on sait ce qu’on est, qu’on n'a pas besoin d’en débattre puisqu'on est du même côté et que de toute façon, on ira tous bruler en enfer (rires). On est plutôt cool avec ça !

Grum (Août 2015)


Merci à Gibson France pour leur accueil.
Merci à Olivier et Replica Promotion pour l'organisation de cette entrevue.

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Commentaires

Baptiste08Le Jeudi 20 août 2015 à 07H37

Très sympa et instructif! Merci