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Biographie

Ulver

Ulver (loup en norvégien) a été créé en 1992 à l'initiative de Kristoffer Garm Rygg. Il s'agit du groupe probablement le plus aventureux de toute la scène métal et assimilé norvégienne. Leur premier album, Bergtatt, d'inspiration folk, conserve les rythmes rapides et la voix hurlé du black metal, tout en y incorporant des passages acoustiques. Kveldssanger, le deuxième album,  contraste en faisant la part belle au folk et à l'acoustique pour appuyer le chant clair de Garm.  Dans Nattens Madrigal, le son se fait brutal et agressif, rappelant la demo Vargnatt, avec une production volontairement brute, qui évoque le style de Darkthrone. Tous les lyrics de ces albums sont dans un danois archaique.

En 1998, la surprise est de taille lorsque sort Themes from William Blake's The Marriage of Heaven and Hell. Avec le compositeur Tore Ylwizaker, Garm repousse ses limites esthétiques pour créer un album définitivement enchanteur. Les sons électroniques voisinent avec le superbe texte du poème de William Blake,  The Marriage of Heaven and Hell. L'album est aussi riche de guests tels que Fenriz, Ihsahn et Samoth. Bouleversant les fans, mais accueilli avec enthousiasme par la critique, l'album est suivi de deux nouvelles sorties encore plus expérimentales : l'EP Metamorphosis et un nouvel album, Perdition City en 2000, ambient et éthéré. Le groupe a muté , se dirigeant vers des régions bien plus électro, loin des racines rock et metal des débuts, plus près d'un groupe comme Coil. Avec les classiques et minimalistes Silence Teaches you how to Sing et Silencing the Singing  (regroupés en 2004 dans Teaching In Silence), Ulver conquiert le cinéma et compose plusieurs BO dont notamment les Lyckantropen Themes et Svidd Neger.

Blood Inside, leur dernier album est sorti en 2005. Celui-ci revient à des instruments rock, que ce soit les guitares ou la batterie "classique", mais les combine à un arsenal synthétique élaboré, des instruments classiques, des samples, voire même le son du cor, si bien que l'album est d'une grande richesse et véritablement à part dans la musique moderne, et l'avant-garde en particulier. Parmi les projets du groupe, on note une collaboration avec Sunn O))) et la reprise de Strange Ways de Kiss sur l'album Gods Of Thunder - A Norwegian Tribute To Kiss. Par ailleurs, Garm a sorti un premier album de rock alternatif avec son groupe Head Control System, et participé à The Adversary de son ami Ihsahn en 2006. Et si vous êtes un fan die hard, il vous faudra vous pencher sur Arcturus, l'autre groupe metal avant-garde de Garm (qu'il a quitté en 2003), et Borknagar (Garm chante sur les deux premiers albums). En 2005 sort Blood Inside, sorte d'énigmatique réconciliation avec la chrétienté (Garm change de pseudonyme et se fait appeler "John Paul 2" pour l'occasion) mais surtout avec la sanité. Certains titres de chansons, "For the Love of God", "Christmas" , témoignent du retour d'Ulver, après son extraordinaire parcours, à une musique apaisée, d'une nouvelle maturité, et pourtant avec un son résolument plus Rock que les opus précédents. Pas de reniement, mais un syncrétisme des diverses influences passées, présidé par le travail (que l'on sent acharné) de Garm au chant, qui jamais n'a été autant présent dans Ulver. 2007 voit l'arrivée de Shadows of the Sun, qui marque le retour d'instruments classiques (violons et violoncelle) sans toutefois oublier le penchant électronique : on remarquera la présence du thérémine joué par Pamelia Kurstin, invitée spécialement sur l'album. Sombre et intense, il est chanté de façon plus retenue par un Kristoffer G. Rygg tout en nuances (passages parlés voire chuchotés sur "Vigil"). On peut noter sur cet album la reprise d'un titre de Black Sabbath, « Solitude », plus léger que les autres compositions. Un opus fantastique, et surement une des œuvres les plus abouties et les plus personnelles d'après les membres du groupe. En 2009 le groupe pourtant exclusivement « studio » depuis 15 ans, annonce qu'il donnera son premier concert le 30 mai 2009, à l'occasion du festival de littérature de Lillehammer. Événement rare qui sera pourtant réitéré par la suite au festival Brutal Assault mais aussi dans des lieux plus chics tels que le Queen Elizabeth Hall à Londres. 2009 aura donc été un tournant pour le groupe qui s'est enrichi d'un nouveau membre, Daniel O'Sullivan, et qui annonce des projets pour l'avenir : une tournée européenne en 2010 (avec notamment une participation au Hellfest), une collaboration avec le groupe Sunn O))) et un album de reprises de chansons hippies des années 60. Wars of the Roses, sorti le 11 avril 2011, est finalement un album studio, contrairement à ce que le groupe avait laissé penser à l'origine. Celui-ci ouvre de nouveaux horizons pour le groupe, avec notamment une orientation plus art Rock, mais tout en conservant les éléments électroniques et ambient chers aux Norvégiens depuis de nombreuses années. Wars of the Roses est paru durant une tournée du groupe, au cours de laquelle l'album fut joué en intégralité durant les concerts, et disponible en format vinyle en avance sur la date de sortie.

Le 10 février 2014, Ulver sort en compagnie de Sunn O))) l'album Terrestrials issu de sessions d'enregistrement organisées en 2008 à Oslo (Norvège).

12 / 20
6 commentaires (15/20).
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Flowers Of Evil ( 2020 )

Ulver est du genre imprévisible et touche à tout. On ne se risquera pas à lister ici tous les genres auxquels se sont essayés Garm et ses compagnons de voyage depuis les débuts de l’aventure, soulignons simplement que la routine n’est pas franchement dans leurs habitudes. Flowers Of Evil fut donc une surprise, car une fois n’est pas coutume, les Norvégiens dévoilaient un album sorti du même moule que son prédécesseur. 

Par sa couleur Synthpop classieuse et ses textes bardés de figures mythiques, ce petit dernier donne l’impression d’être un The Assassination Of Julius Caesar II, la surprise en moins. On y retrouve la touche 80’s qui hantait à merveille le disque de 2017, sorte de New Wave solennelle et réactualisée (un certain revival généralisé étant passé par là). 
Malheureusement Flowers Of Evil convainc moins, les élans entêtants sont plus rares (il faut dire que sur huit titres de The Assassination… on dénombrait bien 7 tubes) et plus laborieux. Russian Doll aurait mérité une dose d’adrénaline supplémentaire, Nostalgia a un goût d’eau tiède, tandis que Apocalypse 1993 passe complètement à côté de son refrain avec une mélodie qui finit dans le fossé. 

Décidément bien proche de son prédécesseur, le dernier né des nordiques multiplie lui aussi les allusions bibliques et historiques. Mais là encore le bât blesse. Machine Guns And Peacock Feathers donne clairement l’impression d’un empilement maladroit et grossier de références culturelles. Se succèdent Saint Michel, Icare, Iron Maiden, Le Jardin des Délices et Philip K. Dick, rien que ça (sans oublier La Belle Au Bois Dormant). 

Heureusement par endroits, Ulver sauve les meubles avec ses qualités musicales. Le groupe trouve tout de même le moyen de donner ce petit goût de reviens-y grâce à des titres qui infusent malgré tout après quelques écoutes. One Last Dance est judicieusement placé en introduction et marque des points assez vite. Même constat pour Hour Of The Wolf et son aura nocturne ou Little Boy plus martelé (bombe atomique oblige). Ces quelques morceaux forts sont menés de front par le chant de Garm, essentiel dans cet album qui parsemé par une instrumentation plutôt discrète. 

Dans l’ombre de son aîné, Flowers Of Evil rentre dans la discographie plus secondaire d’Ulver. Ses huit pièces ne sont pas dénuées d’intérêt mais on lui préférera le grandiloquent The Assassination Of Julius Caesar, Shadows Of The Sun ou Perdition City

17 / 20
20 commentaires (16.9/20).
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The Assassination Of Julius Caesar ( 2017 )

C'est peu dire que chaque nouvel album des norvégiens de Ulver est attendu. La cuvée 2017 n'aura une nouvelle fois pas déçu. The Assassination of Julius Caesar donne cette fois dans un style pop new wave à la Depeche Mode, pour faire simple, mais témoigne d'une personnalité unique propre à Garm et sa bande. 

Cet album épate d'abord par un superbe travail de composition et d'arrangements. Nemoralia résonne ainsi avec force pour nous faire pénétrer ce nouvel univers musical que s'approprient les défricheurs d'Ulver. Le disque fonctionne ainsi par son caractère cinématographique, la musique devenant régulièrement la bande son d'un hypothétique péplum aux temps de l'empire romain. Par ailleurs, l'évidence mélodique d'un morceau comme Rolling Stone n'empêche pas le titre, véritable tube en puissance, de s'achever en maëlstrom musical. So Falls the World réussit le grand écart entre une première partie lancinante et une seconde beaucoup plus électronique et percutante. Ces deux pistes nous montrent ainsi l'envie du groupe de nous surprendre. C'est aussi le cas de 1969 par ces lyrics qui évoquent la tuerie perpétrée par la famille de Charles Manson cette année là. 

The Assassination of Julius Caesar emballe aussi par une science affirmée du refrain catchy qui transpire de chaque morceau. L'un des gros atouts de ce disque, et ce n'est pas une surprise, c'est la voix de Garm qui emplit l'espace avec une maîtrise impeccable. Angelus Novus en est un parfait exemple, mais la patine éthérée du chant, sa douce mélancolie, profite à tout l'album, comme sur Transverberation. Cet opus réussit l'équilibre entre une apparente simplicité d'accès et une richesse évidente, fourmillant de motifs musicaux, de détails dans les compositions qui tirent le disque vers le haut. Coming Home, qui clôt l'album, montre par ailleurs une nouvelle facette du disque avec un côté cold wave plus prononcé. 

Ce nouvel album d'Ulver s'avère dès lors un plaisir de tous les instants. Si l'approche musicale semble plus directe, le disque se révèle d'une grande profondeur et d'une qualité de composition ébouriffante. Si on ajoute la perfection du chant de Garm dans ce style, on tient là un excellent disque d'Ulver ainsi qu'un album majeur de l'année 2017. 

A écouter : Nemoralia, Rolling Stone, So Falls The World
17 / 20
14 commentaires (18/20).
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Shadows of the Sun ( 2007 )

S'il y a bien une chose sur laquelle il est facile de s'accorder concernant Ulver c'est leur capacité à se remettre toujours en question à chaque album, offrant ainsi à l'auditeur des voyages sans cesse renouvelés. ce nouvel album Shadows of the Sun fait suite à Blood Inside de façon antinomique. Là où le second délivrait des collages électroniques et des expérimentations, le premier remue les trippes avec mélancolie et un art délicieux de l'esquisse classique.

Garm s'y montre comme à l'accoutumée à son avantage, son chant éthéré prenant l'espace sans forcer, au diapason de compositions ciselées avec soin, pleines de grâce funeste, de regrets éternels et de beautés périssables. Perdu dans un sommeil paradoxal, Ulver livre des pièces musicales parmi ses plus émouvantes, dans la lignée des très réussis Svidd Neger et Perdition City. Subsiste ça et là une certaine liberté de ton (superbe saxophone sur All The Love) qui fait de ce disque une oeuvre des lumières et des ombres, comme si voir les unes de trop près condamnait à se désespérer des autres. L'ensemble des cordes et le piano gracile rendent ainsi l'exploration tragique et vibrante (Like Music). Une aura de ténèbres plane sur cet album, tourmenté et pourtant encore empli d'espoir d'échapper au néant, aura magnifiée par des titres de la trempe de Vigil, dont les élans emphatiques touchent au coeur.

Ulver on le sait n'est pas une formation comme les autres, mais bel et bien un groupe d'aventuriers. Chacune de leur pérégrination artistique témoigne d'un talent intarissable pour créer des atmosphères d'une richesse insoupçonnée. Shadows of the Sun dévoile ainsi doucement ses merveilles habitées, sans qu'Ulver se départisse de son goût pour les constructions alambiquées voire un petit peu trop destructurées (Shadows of the Sun). Mais qu'importent les incartades quand ce disque libère des formes aussi vivantes que celles de Let The Children Go, percussive et baroque. Tempéré, funèbre et néanmoins enivrant, cet album joue aussi de mots et d'images nées de visions mystiques qui en font un univers créatif à part entière. Dernières notes mesurées de piano et samples fantômatiques avant l'extinction des feux (Funebre), chaque parcelle de Shadows of the Sun apporte la preuve de l'inspiration des norvégiens. Son des blessures de l'esprit et des peines de l'âme, cet album s'achève dans un classicisme éclatant de pureté, What Happened révélant une fois encore des trésors de sensibilité.

Un bien bel album. L'admirateur d'Ulver sera comblé, quant au néophyte, on ne saurait trop l'encourager à découvrir la discographie du groupe, ce Shadows of the Sun étant peut-être leur opus le plus réussi.

Deux titres en écoute sur le myspace du groupe.

A écouter : Comme une ode mystique d�senchant�e
18 / 20
6 commentaires (17.42/20).
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Bergtatt ( 1994 )

Aujourd'hui Ulver est l'un des acteurs les plus émérites de la scène avant-garde metal, il ne faut pas en oublier qu'il est l'un des fondateurs de la scène Black Metal Norvégienne du début des années 1990 : groupe intègre, authentique, loin des préoccupations d'autres groupes de l'époque, évoluant dans leur propre Monde. Mieux encore, il est pour beaucoup LE groupe qui donna ses lettres de noblesse au Black Metal en dépeignant ces atmosphères si particulières. Cette chronique vous propose une plongée de16 ans dans le passé, une épopée Ulverienne dans les contrées dépeintes sur ce Bergtatt.

Cette épopée, divisée en 5 chapitres, s'ouvre sur Kapitel I : I Troldskog faren vild d'inspiration Folk ;  Atmosphère féerique, riff mélodique, chant clair, Viking, Scandinave de Kristoffer « Garm » Rygg du meilleur effet ; tout de suite, Ulver veut se distinguer de la scène Black Metal de l'époque : l'on sent , au travers de cette production « sale » mais délicieusement mystique, de ces riffs mélodiques et terriblement profonds, que le féerique, le sublime côtoie une mélancolie et une folie sous-jacente, mais très intense ; Ulver est magique. Cela se confirme sur le magnifique Kapitel II : Soelen gaaer bag Aase need . Là où ce chapitre s'ouvre sur ces guitares acoustiques (Les Opeth, Agalloch et autres Nest y ont incontestablement trouvé ici leur maître spirituel) , le morceau sombre soudainement dans les profondeurs abyssales du genre Black. On est ici en présence de la quitessence du style, c'est à dire lorsque ses musiciens se laissent posséder totalement par leur musique : la folie, la furie cotoîe alors la noirceur et la tristesse la plus profonde.

Chaque chapitre définit un peu plus cette essence Black : De la surprenante partie centrale du Kapitel III : Graablick blev hun vaer -où le riff et le blast furieux laissent place, sous les oreilles meurtries de l'auditeur, à un piano funèbre et à des murmures énigmatiques- , à l'interlude folk du Kapitel IV : Een Stemme locker. On se receuille alors devant cette beauté tellement pure sur le dernier chapitre, le chapitre V Bergtatt - ind i Fjeldkamrene. Ce riff.. : Mais quel est ce feeling qui transpire à fleur de peau, qui prend aux tripes ? Impossible d'y répondre. On ferme les yeux, on admire, on se surprend à afficher un sourire béat d'admiration pour une telle beauté ; A l'auditeur de faire sa propre expérience. La voix de Garm est ici plus belle que jamais, le chant clair cotoyant les hurlements furieusement désespérées.. Et toujours cette mélancolie sous-jacente, un peu à la manière de la montagne de l'artwork dont on ne que voit au final qu'un seul versant. L'épopée se termine sur ce riff secondé par des guitares acoustiques... C'est l'apocalypse. L'album s'effondre sur lui même, laissant à l'auditeur la seule force et le courage de contempler les ruines et les cendres.

Au final, que retenir de cette épopée ? Eh bien, qu'Ulver dépeint ici l'essence d'un style, tout en y ajoutant sa propre touche pour une oeuvre unique. Un chef d'oeuvre intemporel. Pour un Black Metal plus primitif, mais toujours incroyablement complexe, on se tournera alors vers le dernier album de la "trilogie" Black Metal du groupe, Nattens Madrigal. Ulver décidant ensuite d'explorer d'autres contrées plus urbaines/jazz/électro avec Themes From William Blake... Les détracteurs du Black Metal pourront critiquer plusieurs aspects de cette musique, toutefois, on ne peut nier son authenticité, sa sincérité lorsque l'on rend compte d'une oeuvre de l'envergure de Bergtatt.

PS : Bergtatt étant un concept album, nous avons décidé de ne pas nous consacrer à l'étude du concept et de l'histoire - pour des raisons évidentes de longueur de l'article.. - Mais pour une expérience encore plus fascinante, on recommende chaudement de s'intéresser aux paroles, poétiques et féeriques.. De nombreuses traductions de la langue Norvégienne ancienne utilisée ici sont disponibles sur Internet.

A écouter : Kapitel II : Soelen gaaer bag Aase need ; Kapitel V Bergtatt - ind i Fjeldkamrene.