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Biographie

Soap&Skin

Soap&Skin est le nom de scène d'une jeune artiste autrichienne, Anja Plaschg. 

Après de nombreuses années passées à étudier le piano, elle sort un premier EP éponyme en 2008, et l'accompagne d'une série de concerts dans son pays qui font connaître ses ballades mélancoliques au piano et sa voix fragile. D'inspiration tant classique que cinématographique, son premier album parait chez Pias en 2009 et a pour titre Lovetune for Vacuum, ses vocaux tout en mélancolie non sans rappeler Nico (Velvet underground), ses arrangements piano et violon aussi soudains que glaciaux, et ses expérimentations electroniques dissonantes tellement personnelles en font déjà une artiste inclassable.

Après notamment une collaboration sur le titre Goodbye de l'album The Devil's Walk par Apparat, il faudra attendre 2012 pour voir Anja revenir avec un nouvel album, Narrow débarque dans un contexte particulier, puisque la jeune femme a perdu son père peu avant son écriture, et que bien évidemment cet évennemment a énormément influencé l'orientation de celui ci, qui pourtant paradoxalement est moins solitaire et douloureux que son prédecesseur, l'essai sera suivi peu de temps après par un EP 3 titres du nom de Sugarbread, dans lequel on retrouve une reprise de Me And The Devil de Robert Johson.

15 / 20
4 commentaires (16.5/20).
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Narrow ( 2012 )

Trois ans après son premier album, on garde d'Anja Plaschg, alias Soap&Skin, le souvenir d'une enfant mélancolique, tourmentée par des accès mortifères saisissants. Un piano au classicisme romantique foudroyé çà et là par de menaçantes machines modernes.
 
Dans ce contexte, Narrow est une pierre (tombale) de plus sur la stèle du désenchantement. Les huit morceaux qui la composent s'inscrivent en effet dans le deuil, suite à la mort du père de la jeune femme. Ils sont les courts témoignages cathartiques d'une âme abandonnée, tantôt submergée par le désespoir, ou emportée par la colère et tantôt empreinte de nostalgie, enfin apaisée par les souvenirs.

En ouverture, les lignes de Vater, hommage évident, évoquent ainsi, dans une somptueuse descente, le regret puis la colère naissante avant un final éclatant. La marche militaire Deathmental matérialise cette dualité en tranchant brutalement par rapport aux mélodies délicates et épurées qui l'entourent (Cradlesong, Wonder, qui voit l'ajout de cordes et de voix additionnelles). Le morceau renvoie aux machines industrielles de sa Marche Funèbre, sans y atteindre forcément l'intensité. C'est néanmoins une parenthèse nécessaire, un combat psychologique qu'elle doit gagner pour préserver son humanité, et qui précède un lourd travail de deuil.

Dans le prolongement, Lost est un aveu terrifiant : "I lost you" répète Anja Plaschg, comme pour s'en convaincre. Il s'agit maintenant d'accepter, il n'est plus temps de se révolter. Sa voix, grave et majestueuse, sonne usée. La transparence de son timbre fait écho à son épuisement moral. On l'imagine, blême, le regard absent et le souffle glacial, donnant naissance à ses compositions les mains légères mais l'esprit grevé de douleur. C'est ce même fantôme qui sublime l'étonnante reprise de Desireless, Voyage, Voyage, point d'orgue de l'ep. Le morceau, qui n'a plus grand chose à voir avec l'original (il n'en conserve que les paroles, en français), prend ici un sens autrement plus dramatique, un adieu poignant, dernière étape avant l'acceptation devant la mort.

Par son ton solennel, sa teinte bleue gris glaciale, le portrait qui ornait la pochette de Lovetune For Vacuum semblait lointain, d'une temporalité difficilement définissable. Son regard, certes fatigué, est désormais fier. Ses yeux ont appris, ils possèdent la force de ceux qui, revenus de loin, ont su surmonter certaines épreuves de la vie. La guérison n'est pas totale; d'une certaine manière, elle ne le sera jamais tant elle contribue aujourd'hui à son expression d'artiste. Malgré sa courte durée, il faut prendre Narrow comme une oeuvre romantique totale, une mise à nu sincère, toute en fouge contenue. Anja Plaschg a trouvé dans sa musique de quoi revivre. Et le fait qu'elle le fasse avec autant de talent ne peut que la rendre plus forte. 

16 / 20
4 commentaires (16.5/20).
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Lovetune For Vacuum ( 2009 )

L'exercice stylistique du songwriting au piano a ceci de dangereux - et de précieux, qu'aussi personnel qu'il peut être, il a souvent tendance à tirer facilement sur la corde sensible. A inventer des sentiments. A Jouer l'émotion.

Quand, pourtant, arrivent les premières notes de Sleep, que s'avance, enfantine, la voix d'Anja Plaschg, il ne s'agit plus de feindre. On s'ouvre à soi, à son environnement. L'univers de Soap&Skin est peuplé de fantômes d'enfants (la très Mumienne Cry Wolf), empreint d'une nostalgie blanche que quelques cordes discrètes viennent faire resurgir, sur fond d'Electronica (White Snow). Lovetune For Vacuum est un album d'hiver, froid, aux couleurs noires et blanches d'un Etrange noël de monsieur Jack, relent d'une farce macabre (comme sur la sombrement lyrique Thanatos ou la très electronique Marche Funèbre, dont le style industriel détonne au milieu des mélodies classiques et fébriles du piano) et poignant jusqu'à la dernière note.

On n'est jamais très loin de la solennité d'un White Chalk (PJ Harvey), on y atteint les mêmes pics émotionnels, qu'ils se trouvent dans les silences ou dans la voix éteinte d'Anja. Sur fond d'espérances brisées, d'enfance perdue, ou de fantômes de la nuit, elle pose des mots sur ce qui aurait pu être des pièces instrumentales composées par Matthew Cooper (aka Eluvium) sur son An Accidental Memory In Case Of Death, n'hésitant pas à se livrer et à s'abandonner aux astres (Sleep, The Sun).

Il est difficile de sortir de cet album très personnel, tant la jeune femme fait preuve d'un réel talent et d'une soufflante sincérité. Lovetune For Vacuum est une catharsis indispensable, d'une beauté douloureuse qui force le silence.