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Biographie

Sabre

Si Sabre, alias Gove Kidao, a fait ses premiers pas aux Seychelles, c'est bien loin de ses racines qu'il grandit et éveille son oreille musicale. Émigré en Grande Bretagne depuis la toute fin des années 80 ce n'est que quelques années plus tard qu'il va se découvrir une passion pour le Hip-Hop et le Turntablism à l'époque ou Londres s'affirme comme une des capitales mondiales des courants électroniques. Délaissant progressivement ses premières amours au profit de la spécialité locale, le jeune producteur peine quelque peu à se faire remarquer mais finit par percer pour, depuis le milieu des années 2000, voir son nom grandir sur une scène embouteillée.En 2010, Sabre, habitué des sorties au coup par coup - il a à son actif une pleine brouette de singles 12" - passe à la vitesse supérieure à tous les niveaux en sortant un premier véritable album en rupture avec ses productions passées: A Wandering Journal.

Chronique

15.5 / 20
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A Wandering Journal ( 2010 )

A Wandering Journal c'est un peu l'histoire d'un malentendu. Déjà bien (agréablement) secoués en 2009 par la sortie de 1984 et ses références appuyées à Flying Lotus et à l'IDM qui aura révélé Alix Perez comme un producteur à l'univers bien plus riche que ne le laissaient paraitre ses sorties passées, beaucoup attendaient de pied ferme les premiers pas de Sabre. L'autre valeur montante qui traîne ses productions depuis quelques temps dans l'arrière cour de la scène londonienne devait en effet se lancer dans l'exercice toujours un peu particulier du full length. Même si le jeune belge surdoué ou encore les patrons néerlandais de Noisia se sont penché sur ce disque il n'en reste pas moins vrai que si produire de petites bombes au coup par coup est une chose, tenir la distance sur la durée d'un album en alliant efficacité et cohérence est une toute autre paire de manches.

2010: lorsque A Wandering Journal sort enfin l'accueil est mitigé. Des articles se montrent intéressés par le son proposé, quelques autres sont même parfois plutôt élogieux, certains retours, parmi les amateurs d'électro de pedigree londonien, sont en revanche plutôt frileux et, globalement, une sorte d'anonymat général englobe la sortie d'un disque ambitieux qui prend probablement un peu trop les attentes soulevées à rebrousse poil et ne fait pas frissonner grand monde hors d'une sphère plutôt restreinte.
Force est de reconnaitre que pour un premier disque, le pari du double album (pour 27 titres et 2 heures de musique) est loin d'être le plus évident qui soit. Trop long, trop lourd à encaisser, trop de risques de se planter. En étirant le format, la probabilité de s'éparpiller/se louper à un moment ou à un autre augmente proportionnellement, forcément. Et quand bien même le second disque est peu ou prou une déclinaison "Club mix" du premier, une variante de l'échec resterait encore, à priori, un raté.
Mais voila, Sabre, de son propre aveu avait ce disque en vue depuis une éternité. A Wandering Journal trouve son origine dans une mine d'idées jusqu'alors non dévoilées, un trop plein à exploiter le moment venu, lorsque se présenterait l'opportunité. Une petite révolution à peine voilée, annoncée plusieurs mois avant la sortie de A Wandering Journal et qui aurait du mettre la puce à l'oreille. Elle l'a surement fait d'ailleurs, attisant les espoirs en tous genres mais visiblement tout le monde ne s'attendait pas à la sortie d'un tel pavé.

A Wandering Journal est une création incroyablement dense. La première approche est indigeste, déroutante. Où sont passé les liens avec la Drum&Bass? Brisés. Où est la percussion? Enterrée. Où sont les accroches? Envolées.
Ici les beats sont enfouis, répétitifs, puissants et hypnotiques, les rythmiques lentes, l'ambiance lourde, les titres à peine différenciés, les mélodies... absentes. Loin de s'éparpiller, Sabre centre son propos et s'adonne à un numéro d'équilibriste casse-gueule au possible, refuse l'essentiel du temps de s'encombrer de vocalistes, n'use de samples que lors d'interludes, pour maintenir l'atmosphère d'un disque étouffant, expliciter son récit et accompagner l'auditeur dans son voyage. A Wandering Journal est un album faussement dilettante, travaillé à l'extrême et au dépouillement réfléchi, au minimalisme oppressant, construit pour sauter volontairement les étapes de l'accessibilité et de l'efficacité immédiate, pour remuer en profondeur et interroger. De beats sourds et breaks tordus en groove souterrain, ce disque construit comme une seule pièce avance inexorablement, rampe, happe son auditeur pour mieux le perdre, rend aux à l'électro son coté aventureux, une part de mystère et une certaine abstraction quelque peu égarée au fil des années. Sabre se révèle être dans cet exercice un producteur subtil et perfectionniste, ne laissant pas une sonorité s'échapper au hasard, retenant ses ardeurs passées pour faire grimper la tension. A Wandering Journal est un authentique voyage solitaire, sombre et désespéré aux atmosphères insaisissables. Une bande son de l'errance au titre judicieux dont on se demande s'il est la cause ou la conséquence des sonorités qui l'/qu'il illustre(nt). Un disque concept plein, exigeant, qui se créé sa propre niche, à l'initiative d'un type qui semble d'avantage l'avoir composé pour lui-même, invitant qui le souhaiterait à le suivre dans son trip personnel - ce qui, forcément, obligera à laisser à l'entrée ses propres exigences - que pour le voir distribué à grande échelle et programmé sur les ondes.

Qu'il se rassure: si telle était son intention, A Wandering Journal échappera à ce destin qui n'était de toute façon pas le sien. Ce disque est trop exigeant et confidentiel pour connaitre un tel sort, surtout par chez nous. Au delà de ces considérations rien n'empêche pour autant de remarquer son excellence. Car c'est ce qu'il est. Un de ces disques à la marge, vaguement opportunistes mais trop étranges pour réellement bénéficier de tout effet de mode, qui continuent de garder vivace, loin des spotlights, la partie immergée de l'iceberg électronique.

16 titres de A Wandering Journal sont en écoute sur le site de Criticalmusic.

A écouter : d'une traite.