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Biographie

Portal

Quintet australien, Portal est formé en 1994 et passe quelques années probablement sombres dont il est peut-être une bonne chose de ne rien savoir. Après quelques enregistrements, le groupe sort son premier album en 2003, Seepia, à la diffusion limitée mais dont l’accueil confidentiel d’une communauté pointue est plutôt positif, si tant est qu’un tel mot puisse être utilisé pour une telle formation. Avec son deuxième album, Outre’ le groupe affirme son identité en développant un metal abstrait, jusqu’au-boutiste et détruit. Ses univers death metal extrémiste en friche, en brouhaha abscons en font une formation assez unique dans le paysage du metal international. Avec Swarth en 2009, la formation conserve cette orientation en adoptant une teneur relevant plus d’un post-black metal à la Blut Aus Nord, s’éloignant quelques peu d’un death technique écrabouillé.

Chroniques

Ion Swarth
17 / 20
7 commentaires (15.43/20).
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Ion ( 2018 )

Est-il encore permis aujourd'hui de croire que l'on peut casser les codes musicaux ? Peut-on sincèrement imaginer que quelque chose de neuf est envisageable ? N'est-ce pas une gageure de penser qu'en jouant « autrement », on créera « autre chose » ? La musique codifiée n'a cessé d'être violentée depuis un siècle et demi ; Wagner et ses dissonances « résolues », son « accord de Tristan », Schoenberg et ses assonances « intolérables » (op.10), John Cage et son silence de « 4:33 », le dodécaphonisme, la musique spectrale, concrète, électro-acoustique, l'ambient, le bruitisme... Ces révolutions sonores ont transformé la musique, par intégrations successives. Au mieux ont-elles généré de nouveaux codes, devenus rapidement de nouvelles normes. Au pire ont-elles déplacé légèrement le paradigme de la « classique manière ». Ainsi s’agrège et se désagrège l'histoire récente de la musique... Alors tout est foutu ? Tout a été fait ? Votre violoncelle joue de la flûte ? Pas de panique ! Par le jeu des croisements de styles, de leurs superpositions, de leurs fusions, la musique continue de créer et de recréer, de nous faire rêver... et certaines de ces aventures acoustiques paraissent tellement « révolutionnaires » qu'on les croirait presque inédites : Portal.
Depuis Seepia, leur premier album sorti en 2003, le groupe australien n'a pas vraiment cassé de codes, se « contentant » de définir les contours de sa « mystérieuse identité » : pseudo latinisant pour chaque membre, déguisements alambiqués sur scène (dont certains semblent tout droit sortis de l’imagination de Night Shyamalan – « The Village »), secret absolu autour du line-up, paroles inaudibles voire illisibles. Portal continue de jouer du death-metal expérimental qui rappelle quelquefois Morbid Angel (période Altars of Madness) ou Pestilence (Consuming Impulse) et y insère des vocaux growlés frigorifiques, atténués par un mixage façon joyeux bordel hors de contrôle.Trois albums aussi sales et miasmatiques que la graisse d'une friteuse qui vient de cuire 300 croquettes de fromage, puis Vexovoid en 2013 ou la crasse qui sort quelque peu de l'ombre. Un petit quelque chose de différent. Léger.
ION, le très attendu cinquième LP du groupe, sort enfin et confirme ce que l'on soupçonnait depuis les débuts : à force de donner à chaque effort « un peu mieux de la même chose », Portal finirait par atteindre les cimes et, surtout, mettrait tout le monde d'accord ! C'est chose faite. En trente-sept minutes, les australiens réussissent à résumer les diverses influences croisées qui conglomèrent leur style depuis vingt ans : de la Noise / dark-ambient de l'intro (Nth) qui vient cureter les membranes du tympan à la lime à ongles, à l'outro (Olde Guarde) qui sert à vérifier que l'oreille interne n'est plus que fibres déchiquetées ; du death metal "expérimental" (ESP ION AGE, Husk) lorsque les guitares explosent et brisent les tempos, dès les premières secondes, de riffs en riffs, comme si les tritons d'un Trey Azaghtoth se frayaient un chemin parmi les descentes de manche d'un Patrick Mameli ; des expériences micro-tonales de Phreqs, nouveau mètre-étalon de la discographie de Portal où la guitare de Horror Illogium descend par quarts de tons tandis que celle d'Aphotic Mote hypnotise à l'octave... Jute Gyte n'est pas loin...
Mais si ION nous donne à entendre tout cela, avec précision, c'est que la production est limpide, presque propre ! Pour la première fois, Portal assume ses extrémités et n'a plus peur de laisser entendre les détails. Et tout s'éclaire. La masse grasse des premiers albums s'est muée en une densité presque raffinée où l'on distingue chaque note de guitare, chaque frappe de batterie (phénoménale comme toujours) et chaque nuance de l'empreinte vocale de The Curator (Husk, Phathom). Pour toutes ces raisons et pour l'artwork sublime créé par Zbigniew Bielak (digipack, booklet), ION marquera son époque. A n'en point douter.
Portal n'a jamais eu besoin de tenter de casser des codes : cela fait bien longtemps qu'il les a transcendés !
Un album indispensable.

A écouter : Parce qu'après, comme aurait pu le dire Thierry Roland: on peut mourir
14.5 / 20
2 commentaires (16.25/20).
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Swarth ( 2009 )

Swarth est une sorte de marécage obscure et vaporeux, où fermentent chaudement d’inconnues bactéries non référencées et peu engageantes. Il est d’apparence totalement impénétrable et n’engage absolument pas à le faire, explorant des notions d’extrême des extrêmes, de focalisation sur une chute dans un trou sans fond ni contours. Si l’on est habitué à des projets, de plus en plus nombreux, sillonnant des formes jusqu’auboutistes de metal, Portal fait partie des plus insaisissables, des plus lointains d’entre eux dans les confinements de l’abstraction musicale. Swarth, troisième pierre de la discographie des australiens, tient le cap que l’on sent lointain d’un groupe aspirant à créer, ou du moins brasser, une polémique déjà vieille (lisez leurs interviews si vous en trouvez) : y a-t-il des limites aux formes que revêt la musique pour se détruire ? Evidemment non, la réponse est une évidence, mais tout le credo subversif du quintet australien repose là-dessus. Toujours est-il que oui, Portal est probablement, au même titre qu’un Bunkur, qu’un Khanate, un Spektr ou un Blut Aus Nord, l’une des formes les plus abjectes de musique qui soit.

Crapoteux au possible, Swarth, à l’image de ses prédécesseurs , propose une forme de post-black/death metal jouant avec les limites de nos capacités d’ingestion, provoquant le dégout par son obstination monomaniaque et sa constance totale, son âme tellement cohérente et obsédante de part en part du disque. Les blast-beat sont poussifs et sales, allant et venant sans cesse, les vocaux indiscernables et caverneux, les guitares grondent sourdement sans le moindre répit dans leur amplitude phonique et leurs riffs techniques mais inintelligibles, exemptes de mélodies mues en sons sans hauteur, juste un timbre irrévérencieux et dégoulinant. Et si l’on perçoit régulièrement des semblants de phrasés chromatiques, ils restent noirs, marrons foncés, sales et surtout éphémères, car la constance de la forme de l’art pratiqué sur Swarth est bougrement monocorde, plus que précédemment même. Tout suinte en évolutions extrêmement lentes et vous pénètre, Portal fantasmant votre future en gerbant sa tambouille d’abats pourris pleine de chiures humaines. Le disque s’en retrouve sacrément vomitif, abjecte et fiévreux, tant il est linéaire dans son abstraction, et c’est tout là son grand défaut. Si Portal est indéniablement maitre dans l’exercice de création d’un bloc allant titiller nos peurs primales, faisant monter chaudes fièvres et peurs primales, il a du mal à créer une réelle profondeur à sa musique, bien loin de captiver de manière comme les précepteurs du genre. On retiendra tout de même quelque faculté à élever certains passages au dessus du rendement de base, provoquant systématiquement un effet superbement malsain à la montée puis à la redescente dans les soubassements du disque.

On retiendra de ce disque la volonté de Portal d’explorer si loin le putride, force étant de constater que la formation excelle dans cet art. Malheureusement ayant du mal créer la continuité et à se créer une personnalité, Swarth se retrouve comme étant loin de terroriser comme MoRT une fois l’effet de surprise, manquant manifestement de profondeur. Il conviendra de retenir le nom du projet, l’insalubrité de sa musique, et on les suivra probablement avec intérêt à l’avenir.

 

A écouter : mais les pr�c�dents sont plus int�ressants.