Arrêtez ce que vous faites, prenez votre casque, allongez vous. Paul Jebanasam est enfin de retour, trois ans après Rites, et le moins que l’on puisse dire est que la demie mesure n’est pas au programme. Continuum voit l’artiste Sri Lankais redevenir artisan du son, malaxer de ses assauts aiguisés les limbes de nos esprits. Une œuvre volontairement jusqu’au-boutiste, traitant à la fois de nos rixes intérieures et des déchainements déshumanisés d’un monde si lointain.

En chute libre. L’écoute de Continuum ne peut que laisser l’auditeur a priori perplexe. Quarante minutes pour seulement trois titres aux noms aussi déstabilisants que la musique. Quelques mots ci et là déposés et entrecoupés de formules mathématiques énigmatiques. Paul Jebanasam met les choses au clair à brûle pourpoint : vous vous apprêtez à pénétrer en zone inconnue ; êtes-vous prêt ?
Etouffant. L’asphyxie vient inexorablement saisir l’auditeur, prisonnier de son impact, tel un gaz capturant l’espace d’une salle close. La production globale est d’une profondeur si précise qu’elle effraie. Les innombrables cahots déciment, virevoltent, violentent sans relâche alors que les coups de tonnerre viennent zébrer l’écoute. Les genres s’entremêlent continuellement, créant un magma sonore indéfinissable. Drone, Dark Ambient, Noise, Classique moderne, l’importance des étiquettes est dérisoire face à tant de maitrise et d’aplomb créatif.

Captivant. Tel l’accélérateur de particules sur la jaquette, l’auditeur est projeté dans un trou noir infini où les espaces temps s’imbriquent, où la condition humaine est confrontée à son insolente petitesse. Magnanime et punitif, Continuum est la bande originale du Big Bang. Si le premier et le dernier morceau projettent avec une infinie violence l’auditeur dans ses certitudes, le second, plus court, laisse quant à lui place à la contemplation. Une douceur mélodique que l’on retrouve par ailleurs en filigrane à travers l’œuvre, malgré l’éruption continue qui semble ne jamais finir.
Innovant. Paul Jebanasam se joue des dynamiques, créé des brèches sensorielles, de partout les craquellements envahissent le paysage sonore, même dans ses moments les plus apaisés. Imaginez donc Ben Frost, Steve Roach et Deathprod composer la bande originale de 2001, L’Odyssée de l’Espace et vous aurez une vague idée de ce qui vous attend ici. La grandiloquence de l’œuvre en rebutera certainement certains. Le dernier coup de semonce a lieu au cœur du dernier morceau, où l’accélération cyclique du tempo vient aspirer de sa puissance toute oxygène. L’on ne peut que rester bouche bée devant un tel déchainement cataclysmique.

Continuum est une œuvre à part dans l’univers des musiques électroniques. D’une richesse incommensurable, il causera le même hébètement à chaque nouvelle écoute. Sans compromis, Paul Jebanasam vient sceller au firmament la friction des sons, ne laissant aucune échappatoire à ses auditeurs.