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Biographie

Nine Inch Nails

  Nine Inch Nails est né en 1987, à l'initiative d'un tout jeune musicien, Trent Reznor, 22 ans à l'époque. Deux ans après sa naissance le groupe sort son premier album Pretty Hate Machine . Immédiatement, le ton est donné sur le contrôle du créateur sur sa machine de guerre : "Nine Inch Nails is Trent Reznor". L'album a peu de succès au départ, mais le groupe tourne et se fait connaître. En 1991 c’est l’explosion, le disque se vend finalement très bien (multiplatine aux Etats-Unis) permettant à NIN d'envahir le monde avec un son déjà bien particulier, où les guitares voisinent avec des claviers très présents. La bataille entre Trent Reznor (leader du groupe) et son label, TVT Records, fait rage suite à ce succès, l'artiste désirant conserver son identité musicale. Et c’est dans ce contexte que sort le surpuissant Broken véritable concentré de violence comme NIN n'en produira jamais plus. Reznor fonde par la suite Nothing Record (qui signe entre autres Marilyn Manson que Reznor lance et produit à ses débuts). The Downward Spiral sort en 1994. Considéré par beaucoup comme le meilleur album de Nine Inch Nails, porté par ses singles Closer et March Of The Pigs, sublimé par Hurt, il finit d’asseoir la réputation du groupe dans le monde. En 1999 sort enfin un nouvel opus (même si NIN est productif et sort un excellent album de remixes Further Down The Spiral et quelques EP et singles entre 1994 et 1999). The Fragile est un double album, et là encore les critiques saluent le brio de NIN,  et de Reznor, "l'homme malade du rock" (Le Monde). En 2002 le groupe sort son premier album live intitulé And All That Could Have Been (enregistré lors de la tournée Fragility v2.0 en 2000, meilleur tournée de l'année selon le magasine Rolling Stone). NIN compose en 2004 son nouvel album, sur lequel on retrouve Dave Grohl en guest (décidément partout, ex Nirvana, Foo Fighters, ex  Queens Of The Stone Age, Probot), intitulé Bleed Through. L'album sort finalement en 2005 sous le nom de With Teeth, il reçoit un bon accueil critique et public, bien que le son soit plutôt adouci. Il est à noter que Jordie White (aka Twiggy Ramirez), ex- bassiste de Marilyn Manson, et actuellement membre de A Perfect Circle, a rejoint le groupe pour la tournée qui s'en est suivie. En 2007, le groupe revient avec un album conceptuel intitulé Year Zero, développant pour l'occasion un jeu de piste cybernétique novateur, encourageant notamment les fans à dénicher des morceaux avant leur sortie officielle.
Après avoir quitté sa maison de disque et annoncé une fin de la forme rock de Nine Inch Nails Trent Reznor revient début 2008. A l'image de Radiohead (qu'il critique tout de même vivement) il lance Ghosts, album électronique vendu via le net et sans maison de disque et en profite pour annoncer un retour scénique, ainsi que la sortie, gratuitement, de The Slip. Ces deux albums sont également en licence gratuite, signifiant qu'ils peuvent être partagés légalement sur le net.En août 2013, Hesitation Marks marque le retour de NIN sur une major, à savoir Columbia. Une fois de plus, le disque fait parler de lui, notamment grâce à son mix audiophile, créé par Reznor pour se démarquer de toutes les sorties récentes, marquées par la "Loudness War". 
2016 est l'année de deux événements importants dans la carrière du groupe. Tout d'abord, le compositeur Atticus Ross est officiellement intégré au groupe. Ensuite, la sortie de l'EP Not The Actual Events sur le label de Reznor, The Null Corporation. 
En 2017, c'est au tour d'un deuxième EP, Add Violence, de voir le jour toujours sur le même label. 

13.5 / 20
24 commentaires (13.04/20).
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Hesitation Marks ( 2013 )

2013 marquait le grand retour de  Nine Inch Nails avec Hesitation Marks. Trent Reznor a entre temps enregistré deux EP et un album avec sa femme, Mariqueen, sous le nom de How To Destroy Angels, pour un résultat controversé. Il a aussi composé les bandes originales de The Social Network, avec un oscar à la clé, et de Millenium. Si le précédent opus de NIN, The Slip, n'avait guère renouvelé le logiciel NIN, que pouvait-on attendre cette fois-ci? L'excellent single Came Back Haunted annonçait un virage electro pop avec un coté catchy à la With Teeth. Le reste des compositions  offre une musicalité proche de Pretty Hate Machine pour le coté synthétique et des Ghosts voire des BO pour les rythmiques et la construction des morceaux. De plus les thématiques abordées, toujours intimes, et même l'artwork de la pochette, semblent nous renvoyer à The Downward Spiral. Reste qu'au premier abord, tout cela semble manquer d'originalité et d'audace. Plusieurs écoutes attentives et même volontaires seront nécessaires pour appréhender cet opus.  

Dès l'entame Copy Of A Reznor apparaît d'ailleurs en proie au doute. Une crainte nouvelle se fait jour, celle d'être perdu dans la multitude à jouer un rôle plutôt qu'à s'incarner véritablement. La piste suivante Came Back Haunted le confirme, Trent est hanté par de nouveaux démons. Ainsi, si musicalement NIN enchaîne deux morceaux bien balancés et accrocheurs, Trent semble peu sûr de sa démarche créatrice cette fois, et le fond du disque le confirme piste après piste. La bien nommée et syncopée Find My Way s'avère à ce titre une supplique au créateur, Trent cherchant sa voie dans le marasme. Trent bégaye en fait ses thématiques même si on ne peut douter de sa sincérité. All Time Low évoque ainsi sur le mode groovy la sexualité comme échappatoire, exactement comme Closer 20 ans auparavant, tandis que Disappointed enfonce le clou de la dépréciation sur un beat entêtant. On est à ce stade en terrain plus que familier, ce qui fait en partie la faiblesse de ce nouvel opus. Et même si Everything surprend, elle sonne comme une étrangeté de la part de NIN. Si les paroles (I survived Everything / I have tried everything) expriment un sentiment puissant, elles sont posées sur une orchestration up-tempo qui rappelle de façon incongrue The Cure, sans convaincre. 

Satellite nous montre cependant un Trent Reznor qui s'infiltre dans nos synapses (I'm part of you/ I'm Inside your head) sur un beat bien cadencé. Ce morceau est par ailleurs emblématique d'une vraie nouveauté. Trent adopte en effet une nouvelle approche de sa nature torturée qui affronte le monde extérieur au lieu de se focaliser sur elle-même dans un dialogue bipolaire. Various Methods of Escape est à ce titre tout aussi pertinente, Trent y révélant une envie de lâcher prise sur une partition vocale pas loin de The Fragile. Cependant, même si, répétons le, la sincérité de Trent est un de ses meilleurs atouts, cette seconde partie du disque est plus faible. Running et son leitmotiv obsédant est trop répétitive pour accrocher durablement. De même pour I Would for You. On y voit certes un Trent pris au piège de ses névroses qui voudrait changer pour sa compagne, mais le morceau n'est pas aussi puissant que ses paroles. Ailleurs, la schyzophrénie n'est pas oubliée, le temps du percussif In Two. Mais c'est la conclusion While I'm Still Here - Black Noise qui rehausse vraiment le niveau, se révélant riche de nuances tant par l'orchestration que par les lyrics fatigués d'un Trent qui se désinteresse de tout sauf de l'être aimé (Stay With Me / Hold Me Near).    

Au final, malgré les griefs évoqués, on est tout de même agréablement embarqué par ce Hesitation Marks. Il s'agit d'un voyage intime où l'intégrité de Trent affleure, celle d'un être tourmenté dont les soubresauts intérieurs nous touchent encore. Néanmoins, musicalement le parti pris electro pop de Hesitation Marks donne un écrin trop light à une telle noirceur, là où le rock industriel de The Downward Spiral offrait l'emballage idéal aux obsessions de son géniteur. Et de ce fait, l'album se découvre sur le long terme, passé une première impression mitigée. C'est donc un bon disque, mais un peu décevant. 

NB : la version collector du disque offfre trois remixes plutôt intéressants du fait d'une approche musicale plus variée. Find My Way y gagne notampment en emphase. All Time Low s'enrichit de percussions et de choeurs. While I'm Still Here devient plus étrange et glauque. 

  

A écouter : Came Back Haunted, All Time Low, Various Methods of Escape, While I'm Still Here
17 / 20
15 commentaires (15.5/20).

Ghosts ( 2008 )

Il n'aura pas fallu longtemps à Trent Reznor pour profiter de sa liberté fraichement acquise après son départ du label Interscope. Toujours désireux de s'affranchir du modèle commercial dominant après l'expérience NiggyTardust avec Saul Williams, voilà qu'il propose, toujours via le web, Ghosts, recueil en quatre volumes d'instrumentaux propices au voyage de l'esprit.

36 pistes, chacune illustrée d'une image évocatrice profitant des possibilités numériques, nous entraînent ainsi dans un voyage lancinant en terres Nine Inch Nails. Si la musique peut être un prolongement de l'esprit, alors celui de Reznor est habité de contrastes, de fêlures et de décrochages soudains. Tantôt harmonieuse ou dissonnante, mélodique ou bien bruitiste, impétueuse mais aussi apaisante, la musique de Ghosts respire la singularité.

Si le piano se fait entendre, et si certaines tournures évoquent The Fragile voire Still, Nine Inch Nails ne se répète pas pour autant. Tout au long d'une écoute attentive demeure ce sentiment d'un magnétisme fait de sons et d'images imprimant ombres et lumières bien au delà de la rétine. Boucles cristallines, respirations étouffées, rythmes concassés et aplats vaporeux s'entremêlent, créant un magma sonique néanmoins ordonné.

Ghosts répond ainsi à une courbe sinusoide, oscillant entre langueurs songeuses et dérapages abrasifs. Cette bipolarité assumée est comme une signature de la part de Reznor qui nous plonge dans des abimes noise pour mieux nous envoyer sur orbite à l'occasion. Cette méditation éprouvante s'éloigne ainsi des canons de "la musique pour rêver" tant elle abonde d'entailles industrielles, percussives et grinçantes, aux nappes ambiancées attendues.

Le foisonnement mécanique de sons, typique de Nine Inch Nails, est donc bien présent, mais il subsiste de l'ensemble une impression d'unité organique, d'enracinement dans un même creuset sans cesse renouvelé. Enfantin, et même foetal par instants, Ghosts s'enfle et devient colossal, voire écrasant à d'autres moments. Expérimental et pourtant antédiluvien, il tourne et s'enroule dans l'esprit de l'auditeur en cercles concentriques, piste après piste, couche après couche de conscience, semblable à une onde.

Fermez les yeux si vous le voulez bien, cette fois Nine Inch Nails vous invite à partager le sommeil paradoxal de son géniteur. Autant vous dire que la nuit va être longue et mouvementée. 

4 pistes en écoute sur le MS

A écouter : en sommeil paradoxal
16 / 20
24 commentaires (14.98/20).

The Slip ( 2008 )

Ce n'est pas un secret, Trent Reznor est un perfectionniste acharné, un bosseur qui connaît des phases de créativité de plus en plus rapprochées ces dernières années. Pensez, entre la sortie de With Teeth en 2005 et celle de ce The Slip, à peine 3 ans et le dyptique Year Zero / Y3ARZ3R0R3M1X3D (2007) entre autres sorties. Ce nouveau recueil de chansons suit ainsi la route commerciale entamée avec la production du Rise Of Niggytardust de Saul Williams (2007) et poursuivie par le quadruple album Ghosts (2008), tous deux sortis directement sur internet. Adepte de la Creative Common License, Trent a cette fois choisi la gratuité totale, joli cadeau aux fans. Mais alors il vaut quoi ce The Slip?

La première chose à dire, c'est qu'on a là quelque chose de simplissime venant de Nine Inch Nails, à savoir du rock industriel en surchauffe assez régulièrement (1,000,000 assez désenchanté, proche d'un NIN période The Downward Spiral), des passages ambients spectraux (l'intro 999,999), une symbolique abstraite, mais toujours aussi imprégnée de la foi tourmentée dont Reznor ne se départit jamais depuis le début de sa carrière et qui prend plus de place en lui à mesure qu'il mûrit. Les visuels (en PDF) renvoient ainsi à une imagerie empreinte d'ombres, mais aussi de lumières, toujours à la recherche d'un équilibre et d'une vérité personnelle, touchant à l'universel (Letting You / Echoplex).

Proposant une vision humainement apocalyptique des temps à venir sur Year Zero, avec un sens aiguisé du choc et de la mise en scène digitale, Trent impose au binaire sa marque depuis bien longtemps déjà, et The Slip ne fait pas exception à sa règle, aussi tortueux que baroque dans ces développements explosifs. Discipline tout comme Head Down en appellent encore une fois à la violence intérieure d'un machiniste dopé aux incertitudes du temps présent, mais Trent use à l'occasion tout autant des beautés impérissables jaillies de son piano. Les notes graves et impérieuses de Lights in the Sky renvoient immanquablement à l'esprit en éveil, conscient du funeste, mais aspirant à la clarté et à la fraternité.

Si bien que loin d'être une création de plus, l'originalité de The Slip réside dans la confrontation de l'artiste à l'inconnu, comme si l'universalité de sa musique devenait plus prégnant ces derniers mois, en même temps qu'il la rend directement accessible par le biais du net. Loin de s'éloigner dans sa tour d'ivoire, Trent a choisi de revenir sur le devant de la scène avec un line-up réactivé et revitalisé par ses nouvelles compositions, ce qui promet des concerts habités et sans aucun doute plus encore imprécateurs que par le passé, en témoigne ce Corona Radiata en forme de mélopée lancinante. Quant au corrosif The Four of Us Are Dying et au plus percussif Demon Seed, il y subsiste un poison ancien, comme un révélateur originel amenant Reznor à se défendre avec vigueur.

Michael Trent Reznor, celui que les journalistes appellent parfois dieu (Michael signifiant d'ailleurs "celui qui est comme dieu" en hébreu), vient encore de frapper fort dans le ventre mou de la création musicale avec une offrande pour le moins ambivalente, remplie de ses doutes du moment. Si le rythme qu'il tient avec régularité dans la catharsis créative impressionne, l'intensité atteinte sur The Slip n'est pas à négliger, à travers quelques échos de The Downward Spiral, mais bien davantage une hybridation With Teeth/Year Zero.

La moitié de l'album en écoute sur le MS

A écouter : Comme un voyage mystique
16 / 20
9 commentaires (17.44/20).
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Beside You In Time ( 2007 )

Performance capturée lors de la tournée hivernale 2006 de Nine Inch Nails aux Etats-Unis, Beside You In Time apparaît très vite comme un DVD bien plus sobre que ne l'était l'excellent All That Could Have Been, mètre étalon en matière de DVD live.

Techniquement, son et image sont de qualité, avec un choix de pistes sonores judicieux (tout dépend ensuite de votre installation). En tous les cas, la copie est très propre permettant de se replonger sans difficultés dans l'ambiance du concert, avec en prime quelques choix d'angles sur certains morceaux. Beside You In Time se présente sous la forme d'un concert d'environ 90 minutes en programme principal, auquel s'ajoutent 5 morceaux captés lors de la tournée d'été, ainsi que 3 pistes joués live en studio en 2005 et deux clips issus de With Teeth, Bite The Hand That Feeds et Only. Petite déception tout de même, le contenu live est un peu redondant, quant aux clips, NIN a déjà fait beaucoup mieux (et ce malgré la caution David Fincher pour Only).

Quid alors du plat de résistance? Comme prévu, la set-list fait la part belle au dernier album en date avec pas moins de 8 morceaux pour With Teeth (et conséquence?, des miettes de bonus pour The Fragile). Le groupe apparaît soudé autour d'un Trent Reznor plus musculeux que jamais, crâne rasé de près en prime. On (re)découvre aussi Aaron North, ce guitariste débraillé au jean troué, déniché en bout de course à L.A. Le show est de qualité, plein de feeling, au point que le même pois sauteur Aaron North se retrouve en plein slam porté par le public enthousiaste sur March Of The Pigs. La simplicité et l'énergie sont de mise tout du long, aussi bien dans le jeu de lumières que dans le jeu de scène des mercenaires et du frontman. La floppée de classiques joués y gagne en impact, notamment Closer, qui a rarement été aussi dansant. Ce qui ressort le plus, c'est une impression d'un groupe agité, organique, suant sang et eau. Bien sûr, on a connu NIN plus monstreux de puissance et de maîtrise, mais ce qui fait le charme de cette nouvelle formation c'est son authenticité et son agressivité primaire, et pour tout dire plus rock que jamais.

Evidemment un concert de NIN, c'est aussi une expérience sensorielle, et on a droit aux images projetées sur une poignée de morceaux choisis, au premier rang desquels l'abyssal Eraser. Là, les myriades de cellules et les armées de fourmis donnent un écho originel à la sourde menace musicale. Magnifique. Un grand nombre d'images renvoient également à l'actualité la plus récente, et notamment au conflit irakien et aux errements du gouvernement Bush. Ces images là trouvent un écrin désabusé en Right Where It Belongs, dans une version acoustique dépouillée; l'universel y rejoint la sensibilité particulière de Reznor, ordonné prêcheur d'une humanité salie et désenchantée. Monkey business que ce monde là. Et c'est précisément là que Beside You In Time prend des allures de manifeste de la trajectoire parallèle de cet homme hanté qui questionne le monde, incertain de lui-même et de ses réponses, souvent mortifères, décomposées et autodestructrices. Empoisonnées en somme, comme leur auteur à la recherche d'un équilibre avec With Teeth, cathartique durant ce concert. C'est en ces quelques pistes que se trouve le coeur du concert. On en retiendra encore une version explosive de Wish, et bien sûr Hurt, chef d'oeuvre intime revisité une nouvelle fois avec fragilité et sensibilité.

Bon (voire très bon) concert, DVD moyen. Pas étonnant que Reznor n'en soit pas satisfait, lui le perfectionniste. Pour autant, Beside You In Time demeure tout à fait recommandable tant pour l'amateur averti que le néophyte, comme le témoignage honnête de la renaissance humaine, plus encore qu'artistique, que constitue With Teeth.

A écouter : � voir en fait, tiens donc
17.5 / 20
55 commentaires (17.08/20).
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Year Zero ( 2007 )

2007, sortie du nouvel album de Nine Inch Nails. Year Zero, accroche ambitieuse que celle-là à peine deux ans après With Teeth. On aurait pu craindre le pudding de chutes de studio, un nouvel album à chansons, plus rock que novateur. On se retrouve finalement avec un disque tortueux et vicieux, aussi dense que prenant. Conceptuel, véritable anticipation pessimiste, Year Zero a bénéficié d'une campagne de promotion virale à base de sites internet mystérieux, de clés USB baladeuses. Tout pour faire monter la pression autour d'un album tordu et foisonnant d'électro-indus.

Car c'est là la première clé de ce nouvel opus, NIN n'a jamais sonné comme ça, quand bien même on ne se retrouve pas en terrain inconnu, cet album surprend vraiment. Témoignage de Reznor sur un futur incertain, mais indéniablement sombre, ce disque montre une Amérique de plus en plus fondamentaliste et dictatoriale et nous plonge dans le même temps dans les tourments d'un monde courant au chaos multilatéral. Musicalement aussi, NIN joue sur deux tableaux, à la fois les hymnes sautillants dance-floor façon The Beginning Of The End et bien sûr Survivalism, excellent premier single, et les boucles déchirées, les sons triturés (Hyperpower, superbe intro chaotique), les infrabasses concassées et autres rythmes syncopés. Guitares et claviers imbriqués déclinent des toiles opaques tandis que Reznor nous abreuve de lignes de chant malignes. A l'écoute, on croirait entendre un mix improbable entre la limpidité mélodique de Pretty Hate Machine et les expérimentations bizarres des albums de remix de NIN.

Cet album ne ressemble à aucun autre du groupe et multiplie les collages inédits, avançant masqué derrière les basses dansantes pour mieux planter les germes de la confusion à coup de décrochages bruitistes et autres dérapages électroniques. Year Zero est tout sauf ennuyeux, au contraire, c'est un album vivant, autant dans le maëlström synthétique que dans le chant organique de Reznor. Celui-ci se fait plus ténu que jamais, s'essayant à des accents inédits sur Capital G, offrant une sensualité bienvenue à des morceaux sinueux comme Me I'm Not, tenant toujours le fil de compositions par ailleurs exigeantes. En effet une chose frappe dès la première écoute, lorsqu'on croit saisir dans quelle direction avance un morceau, c'est pour mieux être bluffé par une outro déglinguée décapante ou bien une destructuration progressive et saturée. En témoigne par exemple le remarquable titre Vessel.

On se retrouve ainsi avec un album formidablement schizo, capable d'accrocher par un refrain ultra mélodique comme de désarçonner l'auditeur par des expérimentations en roue libre. Grâce aussi à ses thématiques plus que jamais dirigées vers le monde extérieur, Reznor parvient à se renouveler avec brio. Loin de s'incarner dans l'utopie, il propose une vision désabusée et terriblement réaliste d'un futur possible. Cette vision chaotique transpire d'un bout à l'autre d'un album novateur et éclatant d'ambition à tous les niveaux. Promu messager des temps modernes, Reznor s'incarne en prophète revenu de son propre enfer pour prêcher l'apocalypse imminente, sur des boucles musicales aussi groovy que débridées (redoutable God Given). Poussé par le souffle de la fin qui vient, par un rêve qu'on devine obsédant, le voilà devenu mystique allumé, cramé aux actualités les plus sombres de notre civilisation en chute libre. Passés au crible de l'analyse, les textes de Year Zero sont des mantras perturbants (The Greater Good), des prières alarmistes ( Meet Your Master) ou bien encore des brûlots accablants (The Great Destroyer, décharge électronique achevée en combustion spontanée) . Pas de quoi pavoiser, Reznor est là pour nous clouer au mur de nos lamentations. Tout est en décomposition, aucune échappatoire ici, même musicale, le piano si cher au maître n'apparaissant que sur un instru minimaliste (Another Version Of Truth) ou en conclusion moraliste d'un exposé tétanisant (Zero-Sum).

Year Zero est une oeuvre lunaire, le manifeste nihiliste d'une humanité paumée, d'un monde en perdition, dont les soubresauts ridicules n'appellent que le mépris, assené en toute décontraction sur des compositions écartelées entre groove inimitable et dérive sonique non identifiée. Voilà un cocktail molotov plein de saveur musicale et de venin salvateur distillé par un Trent Reznor (re)gonflé à bloc après With Teeth, désormais habité de mille voix vindicatives, réincarné en vaisseau d'un dieu vengeur présent en filigrane tout le long de l'album. Que dire? Come on, Meet Your Master.

L'album est en écoute sur le myspace du groupe.

A écouter : Comme un concept album remarquablement ma�tris�
15.5 / 20
6 commentaires (15.25/20).
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Y34RZ3R0R3M1X3D ( 2007 )

A peine six mois après la sortie du génial Year Zero, Nine Inch Nails reparaît déjà dans les bacs avec Y3ARZ3R0R3M1X3D, qui préfère au banal recueil de remixes une véritable relecture de sa matrice originelle. Le résultat? Une nouvelle leçon de perfectionnisme de la part du maître d'oeuvre Trent Reznor.

Saul Williams démarre le show en posant son flow sur l'instru de Hyperpower devenue Guns by Computer pour l'occasion, sorte de rap martial et destructeur furieusement original. On le retrouve d'ailleurs un peu plus tard avec Survivalism, ralentie et plus menaçante que jamais. D'une manière générale, ce nouvel opus ne démérite jamais grâce au travail de bidouilleurs qui ne dénaturent pas les morceaux, mais leur donnent un nouveau souffle percutant. D'un Great Destroyer adouci, semi acoustique presque "nature", on passe ainsi à une version grésillante et méchamment industrielle de My Violent Heart. Un paquet de pistes sonnent d'ailleurs encore plus électro-indus qu'à l'origine, en particulier l'excellente The Beginning of the End, avec son petit clin d'oeil mélodique à Closer sur la fin, mais aussi Capital G qui enflammerait sans problèmes tous les dance-floor de la planète. L'homogénéité de l'album surprend agréablement, au point que ce Y3ARZ3R0R3M1X3D ressemble vraiment à une deuxième version de Year Zero.

Ainsi, même si l'on s'ennuie un tantinet avec le remix minimaliste hanté Me I'm not (14 minutes tout de même...), c'est pour mieux prendre son pied avec les carrément cybernétiques Meet Your Master et God Given ou bien encore Another Version of the Truth dans une livrée de cordes baroques qui doit beaucoup à l'apparition du Kronos Quartet. Ce second passage en territoires post-industriels se révèle alors terriblement addictif dans son architecture robotisée, quasi extra-terrestre par moments (Zero-Sum met Reznor sur orbite). Oeuvre collective en continuel mouvement, à l'image du génial cadeau fait aux fans avec ce DVD-ROM renfermant toutes les pistes de l'album Year Zero, Y3ARZ3R0R3M1X3D offre ainsi un happening de première bourre. Nine Inch Nails s'ouvre de plus en plus au monde à l'instar de son créateur, alors que paradoxalement ce dernier a décidé de passer à l'indépendance totale en quittant son label Interscope Records et en se séparant de ses musiciens live.

Trent Reznor ne se fiche donc pas de son public avec cette nouvelle sortie. Le travail effectué sur les textures sonores est de très haut niveau et il se dégage une vraie ambiance du réagencement opéré sur les pistes. On profite d'un tout numérique qui n'exclue pas le facteur humain (très bons featurings notamment, jolies réinterprétations de Reznor) et donne vie à cet écho flamboyant d'un album déjà exceptionnel.

3 remixes en écoute sur le myspace du groupe.

A écouter : comme l'�cho de Year Zero
16 / 20
41 commentaires (16.01/20).
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With Teeth ( 2005 )

Il est impossible de vraiment donner matière à comprendre cet album de Nine Inch Nails sans revenir sur sa génèse. With Teeth n'a pas été composé en 6 ans mais seulement en une année, mais il est bien riche de l'expérience de six années, et même davantage, de toute une vie artistique. Assaini psychologiquement, désintoxiqué, moins torturé, moins apeuré, ainsi apparaît en apparence Trent Reznor. Il s'est défait de son ami John Malm, a fermé leur label Nothing Records, quitté les Nothing Studios de La Nouvelle Orléans pour Los Angeles. Dans ses interviews, il se dit heureux, plus serein, content d'avoir trouvé ses pairs à Los Angeles et de repartir sur les routes avec le désormais classieux Jordie White (ex-Marilyn Manson, A Perfect Circle) ou le furieux guitariste Aaron North.

With Teeth sonne un peu comme un retour à l'électro et la new-wave 80's de Pretty Hate Machine accouplés aux habituels éléments metal indus comme cette basse saturée et mixée en avant et ses boucles d'une batterie très en verve. C'est un album plus dépouillé et minimaliste dans sa conception que le précédent The Fragile. Il en conserve certe le piano très présent en touches habiles, mais occulte tout ses penchants destructurés. Reznor n'avait pas envie de sonner bizarre ou arty, mais de proposer la meilleure collection de chansons possible. Tout ça pour livrer un disque moins conceptuel, axé sur sa voix et ses textes, avec un son plus rock (Dave Grohl en guest à la batterie), aux limites du format pop. Tout est dit, sauf la vérité des mots, essentiels ici. Reznor fait sa thérapie, se répand comme sur chaque album de NIN, et si vous vous penchez sur les textes, ça vous saute à la gueule. La plupart des morceaux sont construits comme des dialogues bipolaires de Reznor à Reznor, héritage de Mr Self-Destruct sur The Downward Spiral.

Le planant All The Love In The World interroge l'artiste torturé, solitaire et misanthrope pourtant adulé des foules et chouchou des critiques et se termine en hymne dansant, avec un tempo technoïsant. You Know What You Are?, baffe typique des déraillements indus de NIN qui rappellera de bons souvenirs aux adeptes de Broken, sonne comme un constat de douleur : "You're only fooling yourself  / Go on get back to where you belong / You are not one of them". A coup sûr, les démons du passé ne vont pas être faciles à enterrer, ceux de The Collector, qui étouffent incessamment sur ce morceau très electro-rock. On passera sur The Hand That Feeds single en forme de charge virale très dance-floor adressée à tout américain doté d'une bible-cerveau assez idiot pour réélire Bush. Ce que ce titre montre, c'est une ouverture sur le monde nouvelle pour Reznor et symbolisée aussi par le "We" de Love Is Not Enough. Reznor revient aussi sur la morsure de la drogue pense-t-on sur With Teeth, comme sur son rejet des autres sur le single Only, à la forme disco-rock sautillante. Décidemment, il y a des surprises sur ce disque.

Mais finalement, on se rend compte que cet album progresse comme son auteur, qu'il y a une véritable ligne directrice dans ses chansons. Le punk n'est pas si loin sur Getting Smaller qui nous renseigne sur les nouvelles craintes du leader de NIN : "I'm getting smaller and smaller and smaller / And I have nothing to say / It's all been taken away/ I just behave and obey / I'm afraid I am starting to fade away". Et l'on comprend sa démarche, oui, l'icône torturée, droguée, déglinguée de La Nouvelle Orléans est en train de crever, de se changer en figure de Los Angeles, en musicien respecté et talentueux, bref, en ce que les médias et les fans aiment souvent à retenir. Et elle a peur d'y laisser son âme, d'y laisser les fêlures qui ont nourri sa création depuis plus de 15 ans. Des chansons aussi simples que Every Is Exactly The Same ou Sunspots avec leurs orchestrations qui rappellent Pretty Hate Machine,  très synthétiques, toutes en tempo, montrent un Reznor qui revient à ses premières amours, avant la gloire, et le tourbillon des 90's. 

Si l'on s'attarde encore un peu, on retrouve des paroles qui se croisent comme sur The Line Begins To Blur, morceau saturé, rugueux, surgi des tréfonds de la spirale où les incertitudes se font obsédantes. Et toujours, inscrit dans le sang, la solitude, la crainte de ne pas trouver sa place, de ne pas pouvoir laisser tomber ses penchants destructeurs, fantômes imprégnant chaque texte de Reznor sur ce disque. Quand enfin s'achève With Teeth, le minimaliste Right Where It Belongs sonne comme un retour sur le passé, entrecoupé de cris de foule au moment où le son se fait moins assourdi, faisant aussi écho au misanthrope "Watching all the insects march along / Seem to know just right where they belong" du morceau d'ouverture. Dans ses couplets et ses refrains, il y a tout l'apaisement du survivant et les relents de peur, ce guide créatif si précieux autrefois, celle de ne pas être sorti du bois : "You can live in this illusion / You can choose to believe / You keep looking but you can't find the woods / While you're hiding in the trees" .

Sur ce disque en forme de journal intime comme à l'accoutumée, dont le style dépouillé (pour du NIN s'entend) pourra décevoir les nombreux adeptes du foisonnement de The Fragile, Trent Reznor renoue avec le monde extérieur, perdu de vue depuis Pretty Hate Machine. Avec une confondante sincérité, il tente de retrouver ses marques, loin de ses démons, qui continuent pourtant de le hanter.  Tout adepte de NIN sera inévitablement tiraillé au sujet de With Teeth entre le regret d'un son plus travaillé et complexe, indissociable de la personnalité torturé de son auteur, et la découverte d'un album de bonnes chansons, à la direction musicale allégée. Pour les néophytes, ce disque sera une bonne entrée en matière avant de plonger dans les eaux plus troublées du passé. Avec le recul de quelques mois, un album très personnel et tout bonnement essentiel.

 

 

Only et The Hand That Feeds en écoute sur la page myspace du groupe.

A écouter : You Know What You Are?, Every Day Is Exactly The Same, Getting Smaller, Right Where It Belongs...
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10 commentaires (18.2/20).
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And All That Could Have Been (Deluxe Edition) ( 2002 )

Faisant suite à la tournée américaine Fragility v2.0 en 2000, And All That Could Have Been constitue à ce jour le seul album live officiel de la discographie de Nine Inch Nails. Il s'agit d'un témoignage incomparable de la démonstration de puissance dont fait preuve le groupe sur scène, avec une setlist idéale en forme de greatest hits. Mais, c'est en version deluxe, dans son sobre boitier gris, que cet album devient totalement indispensable. En effet, on y trouve un second disque, perle de sensibilité intitulée Still, contenant des pistes acoustiques et des morceaux inédits.

La partie live de l'album est remarquable autant par l'énergie déployée et la performance du groupe que par le son très clair et lisible dont elle bénéficie. Gage supplémentaire de qualité, le line up est "historique" avec Danny Lohner, Charlie Clouser, Jerome Dillon et Robin Finck. La plupart des principaux hits du groupe s'enchaînent ainsi de la brutalité coutumière de Terrible Lie à la sensualité crapoteuse de Piggy, sans rien perdre de leurs arrangements, mais avec encore plus de puissance, en particulier Sin et Suck. The Fragile n'est évidemment pas négligé avec un bon tiers de la setlist dont une superbe version de The Frail / The Wretched notamment. Le show semble se diviser en deux parties contenant les mêmes ingrédients avec l'instrumental marécageux The Mark Has Been Made pour établir la césure. Le live est ainsi construit comme une courbe sinusoïde de la violence débridée à l'émotion, en passant par le délabrement intérieur, le désenchantement, la mort, la colère et le sexe, en somme tout ce qui fait le souffre de Nine Inch Nails. Gave Up et Wish se révèlent redoutablement enfiévrées, brutes et déchaînées tandis que Reznor électrise avec une très belle interprétation de The Great Below, "La" ballade de The Fragile. Contrairement à l'habitude prise ces dernières années, Head Like a Hole intervient en cours de route, s'insérant dans la redoutable machinerie développée par le groupe. Nine Inch Nails est précis, compact, implacable comme un rouleau compresseur lancé à toute force. Peu de place pour les atmosphères déglinguées et reptiliennes donc, hormis le temps de The Day The World Went Away, mais un impact sec et sans faiblesse aucune du début à la fin, symbolisée évidemment par Hurt placée là comme un point d'expiration, forcémment touchant et morbide.

Véritable antithèse de la brutalité métallique exprimée sur le disque live, Still incarne le versant le plus mélancolique et le plus déchirant d'un Trent Reznor qui s'épanche sur son piano. On y trouve tout d'abord quatre morceaux déjà connus dans des versions plus dépouillées, au premier rang desquels Something I Can Never Have, où percent du chant habité de Reznor le dénuement et le désespoir. La délicatesse d'Adrift and At Peace est d'autant plus surprenante, cette première piste inédite exhalant une douceur inattendue et apaisante que viennent contrebalancer les percussions de The Fragile ainsi que la rythmique entêtante de The Becoming. Le minimalisme ambiant de Gone Still reflète tout aussi bien le mal-être rampant de Reznor, qui place d'ailleurs une nouvelle fois la lancinante The Day The Whole World Went Away dans la tracklist. C'est là que les fantômes se font plus palpables, ceux de And All That Could Have Been, seul titre inédit chanté de Still, amorce indus des pensées funestes et des regrets empoisonnants. Quoique prenant, ce morceau là n'est rien comparé aux deux instrumentaux exceptionnels qui concluent ce disque. D'abord le funèbre The Persistance Of Loss, d'où suintent des cordes l'amertume d'avoir perdu quelqu'un et la tristesse de le savoir égaré à jamais. Puis le séminal Leaving Hope, dont la profondeur des ambiances, entre bulles aériennes et toiles opaques, invite autant au recueillement qu'à l'abandon de soi. L'âme damnée de Reznor s'y envole d'une aile malade. Probablement une de ces plus belles créations, aussi hantée qu'émouvante.

And All That Could Have Been est peut-être le dernier témoignage de Reznor du tréfonds de son enfer personnel, entre la catharsis enragée du live et la douceur faussement rassurante de Still. Avec le recul des ans, on peut aujourd'hui le voir comme l'ultime chapitre de la première partie de la carrière de Nine Inch Nails, avant la rédemption entamée avec With Teeth, et suivie de l'imprécateur Year Zero. En tous les cas, c'est du grand Nine Inch Nails, à ne pas manquer.

A écouter : entre ombres intimistes et lights d'un show d�vastateur
18 / 20
44 commentaires (18.42/20).
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The Fragile ( 1999 )

1999, cinq ans que les fans attendent. La suite, la confirmation ou une nouvelle illumination. The Downward Spiral est encore dans toutes les mémoires, comment faire mieux? Trent Reznor a bataillé contre lui-même pour finalement livrer un double album riche et difficile d'accès. Il nous avait laissé sur la douleur contenue de Hurt,et c'est exactement là qu'il reprend. Reznor a fait appel à des musiciens jusque là extérieurs à son univers comme pour symboliser l'ouverture qui prévaut sur ce disque. Le son est moins torturé, peut-être davantage mélodieux quoique souvent saturé, mais le fond est toujours aussi triste et assombri. Après une période troublée qui l'a vu produire le monumental Antichrist Superstar et se brouiller avec son poulain Marilyn Manson, mais également superviser la BO du film Lost Highway de David Lynch, Reznor a connu la douleur de perdre, pendant l'écriture de The Fragile, sa grand-mère maternelle qui l'a élevé. On le découvre ainsi plus humain que jamais ce qui transparaît dans chaque minute de cette oeuvre cohérente et aboutie. 

Somewhat Damaged ouvre et à l'écoute de cette guitare qui semble percuter un mur invisible on se dit que la suite va être éprouvante ce que semble confimer le single The Day The World Went Away (une aberration pour l'industrie du disque) à l'intro complètement saturée, au son rugueux et lourd. Mais The Frail annonce la nouveauté. Le piano apparaît et tout est chamboulé. The Wretched envoie un refrain qui pourrait passer pour un clin d'oeil « It didn't turn out the way you wanted it, didn't it? » et on commence à entrer dans la structure des nouvelles compositions toutes en mouvement entre calme et tempête, rage et douceur, utilisant de nombreuses boucles typiques de l'indus façon NIN, en particulier sur We're In This Together. Le morceau-titre, The Fragile, est une nouvelle réussite et prend le contre-pied du « I will let you down » de Hurt par son refrain leitmotiv « I won't let you fall apart ». La suite de ce premier disque, ce sont de très bonnes chansons mais aussi et surtout le plaisir de découvrir des instrumentaux en forme de bijoux, à commencer par Just Like You Imagined entre son distordu et cascade de notes au piano, mais aussi le surprenant Pilgrimage, scandé par des cris de foule en marche, au rythme tout en ascension, ainsi que La Mer d'une langueur bienvenue et apaisante entrecoupée de murmures. Et puis The Great Below, sommet de l'album, ballade cristaline soutenue par une guitare et un piano discrets, surlignée de légères sonorités indus, dont les paroles touchent au coeur « I descend from grace/ In arms of undertow/ I will take my place/ In the great below ». On comprend vite que ce « I can still feel you, even so far away » est dédié à celle qu'il a perdue.

Après cette première partie de très grande qualité et relativement déroutante pour les habitués de NIN, on se demande si 11 titres de plus et deux disques, ce n'est pas un peu trop. The Way Out Is Through reprend une architecture musicale tout en mouvement, concentrée de boucles aux paroles minimalistes mais riches de sens « Underneath it all / We feel so small / The heavens fall / But still we crawl ». Where is Everybody étonne par le phrasé presque "rappé" de Reznor lors des couplets posés sur une orchestration syncopée. Un nouveau morceau instrumental frappe l'oreille dès la première écoute, The Mark Has Been Made, petit concentré de score de film, qui sera d'ailleurs utilisé à bon escient dans le Man On Fire de Tony Scott. Pesant, menaçant, ce morceau respire la délabrement y compris dans ses parties calmes. Starfuckers Inc., assez basique et électro-métal, mérite qu'on s'y attarde pour son background. Il s'agit en fait d'une décharge de rancoeur pure à l'encontre de Marilyn Manson (qui l'a quelque peu éreinté dans son autobiographie), dans laquelle l'Antichrist devenu Omega est comparé à une pute à médias vaniteuse et hypocrite, avide de limousine et de couvertures de magasines, superficiellement élitiste. Paradoxe incroyable, le clip de Starfuckers Inc. est l'oeuvre de Manson, qui y apparaît même déguisée en prostituée. Il poussera le vice jusqu'à jouer le morceau live avec NIN sur The Fragile Tour, ainsi que The Beautiful People dans la foulée. On trouve d'autres bonnes chansons sur ce second disque un peu en deça du premier, I'm Looking Forward to Joining You Finally et The Big Come Down décrivant la difficulté qu'éprouve Reznor à être heureux et serein, mais aussi Underneath It All, autre chanson particulièrement tortueuse dédiée par Reznor à sa grand-mère. Enfin, l'oeuvre est bouclée alors que résonne encore Ripe (with decay) , ultime instrumental qui fait partie des morceaux les plus étranges de The Fragile. Guitare légère, monotone, mais hypnotique, avant une montée progressive, semblable aux derniers soubresauts d'une âme en partance.

Avec cet album, Trent Reznor offre un opus en forme de journal intime d'un homme malade de l'intérieur, en deuil, trahi, solitaire et bien moins sûr de lui et de son talent qu'on pourrait le supposer, mais dont la souffrance semble adoucie, comme le son de Nine Inch Nails . The Fragile est réellement organique, rempli de fêlures et de déraillements entre l'indus travaillée et les sonorités naturelles des instruments. Si le disque parvient à la première place du BillBoard à sa sortie, il déclinera vite, ce qui n'enlève rien à cet authentique chef d'oeuvre et ses compositions sur le fil du rasoir.

A écouter : The Great Below, The Wretched, We're In This Together, The Fragile, Starfuckers, Pilgrimage, The Mark Has Been Made...
19 / 20
63 commentaires (18.37/20).
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The Downward Spiral ( 1994 )

Paru en 1994, après deux années d’écriture et de travail intensif sur chaque son, chaque seconde de musique, The Downward Spiral est un voyage obsédant dans l’esprit tourmenté de Trent Reznor, un Reznor esclave de ses machines qui remplissent à plein régime leur fonction cathartique  ("I beat my machine, it's part of me it's inside of me" sur The Becoming).

Le fil conducteur, la peine et la douleur, idées fixes qui reviennent tout au long de quatorze pistes particulièrement abouties et originales. L’atmosphère de perdition, sale et désespérée qui se dégage doit sûrement aussi au lieu d’enregistrement, puisqu’il s’agit de la maison où Sharon Tate et ses convives furent assassinés par les disciples de Charles Manson. Il en résulte un disque étouffant et particulièrement dérangeant s’ouvrant sur le bien nommé Mr Self-Destruct, avec son intro faite des cris d'un homme qu'on (a)bat, suivi d'une sorte de dialogue schizophrène dévastateur. La suite ne déçoit pas puisqu’on trouve quelques uns des titres les plus connus de NIN. A commencer par les singles March Of The Pigs, étonnant morceau où le piano le plus classique voisine avec les guitares abrasives,  et le très disco déglingué Closer (qui figurera sous forme de remix au générique du film Seven de David Fincher), un titre dont le refrain "I want to fuck you like an animal " scande une sexualité plutôt agressive servant d’échappatoire par l’oubli de soi.

On retrouve par ailleurs le désespoir comme leitmotiv dans Piggy et Ruiner à travers des paroles telles que "nothing can stop me now cause i don’t care anymore", mais aussi I do not want this et son refrain martelé "Don’t you tell me how i feel". L’excellent morceau Heresy, rugueux et furieux, préfigure même ce que sera bientôt l’antichrist superstar Marilyn Manson au détour de paroles évocatrices de la mort symbolique de dieu. L'instrumental A Warm Place assure une pause ambiante dans ce déluge autodestructeur, mais son titre lui-même évoque le piacenta originel qu'on voudrait parfois ne jamais avoir quitté. En fait, chaque parole, chaque son de chaque chanson est un pas de plus vers la déchéance et l’abandon de tout, The Downward Spiral morceau titre qui implose de cris de désespoir et de douleur.  Cette décharge émotionnelle culmine avec la sublime Hurt, ballade dépouillée d'artifices, névrosée, touchant à l’automutilation libératrice, autant qu'à l'abus de dope, systématiquement jouée en concert et bien évidemment morceau préféré des fans.

The Downward Spiral est un album d’une rare violence intérieure, organique, aussi brutal que pouvait l’être Broken, mais sans omettre d’y intégrer l’électronique ultra léchée de Pretty Hate Machine. Le son saturé et les paroles douloureuses, l’implication totale de Trent Reznor qui s’y met à nu en font une perle du métal industriel et un album rare tout simplement, riche en émotions et en vérité. Il faut noter que l’album de remixes qui en a été tiré, Further Down The Spiral, est tout aussi intéressant.

A écouter : Closer, Hurt, March Of The Pigs, I Do Not Want This, A Warm Place
18 / 20
22 commentaires (17.75/20).
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Broken ( 1992 )

1992, année où le métal industriel prend son envol. Sortie de Psalm 69 de Ministry et de Broken de Nine Inch Nails. Reznor vient d'achever une tournée énergique et pleine de violence pour Pretty Hate Machine, et se trouve en conflit avec son label TVT Records. Il en ressort ce disque, presque un maxi, enregistré en secret avec Flood. Un album explosif, d'une brutalité exceptionnelle qui révèle le côté dérangé de Reznor.

Les morceaux sont tous incisifs, surpuissants, carrément taillés pour la scène avec des plans de batterie plus organiques, des guitares monstrueuses et un chant agressif. Dès l'entame Pinion, courte intro toute en tension allant crescendo, on sent que l'impact va être terrible. Ca ne loupe pas avec Wish, un morceau d'une violence jouissive dont l'accroche "This is the first day of my last days" est en elle-même une promesse d'un disque sans concessions. Last est plus carrée, sans perdre en force de frappe. Partant de là, tout s'enchaîne sans temps mort. Reznor règle ses comptes avec Steve Gottlieb, le patron du label TVT Records, et se lance à corps perdu dans une débauche émotionnelle inquiétante qui culminera deux ans plus tard avec The Downward Spiral. Des morceaux comme l'interlude Help me I am In Hell et le cultissime Happiness in Slavery (avec un clip sadomasochiste bien extrême) le montrent plus haineux et dégoûté que jamais.

Surnommé le "fuck you record" par Reznor, Broken est un disque rempli de textures musicales en acier trempé, de secousses telluriques et de grisaille industrielle, beaucoup moins lisse que ne l'était Pretty Hate Machine. Non, ici tout est sale, dégénéré, bruyant jusqu'à l'abrutissement. Reznor s'est pris dans la toile aliénante du succès, de la dope et des emmerdes qui accompagnent la vie de rockstar qu'il est devenu malgré lui. Il en découle cet autre classique monumental qu'est Gave Up où on l'entend se lamenter "I hate myself for what I've become". Un morceau pilonnage qui agit comme un rouleau compresseur achevé en outro bruitiste. A l'époque, on trouve en complément sur un second disque deux reprises : la très rock Physical (morceau de Adam Ant sur l'album Kings Of The Old Frontier) et Suck (de Pigface sur Feels Like Heaven) piste aussi sensuelle que le chant de Reznor avec une ligne de basse funky sans perdre en potentiel destructeur ("I am so diiirty..."). 

Broken demeure l'album le plus violent jamais enregistré par Nine Inch Nails, seuls des morceaux comme March Of The Pigs ou Starfucker Inc. se rapprochent de l'agression pure dont Nine Inch Nails fait ici étalage. Pas étonnant que tous ces morceaux trouvent très régulièrement place dans les concerts du groupe, tant ils débordent d'énergie brute. Broken s'accompagne par ailleurs du Broken Movie, rareté jamais officiellement sortie, remplie d'images quasi snuff entre lesquelles s'insèrent les clips de NIN.

A écouter : Wish, Gave Up, Suck, Happiness In Slavery
17.5 / 20
25 commentaires (17.2/20).
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Pretty Hate Machine ( 1989 )

En 1989, Trent Reznor est un jeune homme de 25 ans dont les groupes (Option 30, Exotic Birds entre autres) ont été éphémères. C'est en travaillant seul sur ses propres morceaux dans le studio The Right Track de Cleveland qui l'emploie que la machine s'emballe. Down In It sera la première pierre d'un édifice très personnel. Nine Inch Nails est né, et Nine Inch Nails est à jamais Trent Reznor. Pretty Hate Machine impose sa marque.

Reznor s'y dévoile pour la première fois avec toute la sensibilité et la crudité intime dont il ne se déparera jamais plus. Influencé par Ministry dont les albums The Mind is a Terrible Thing to Taste et The Land of Rape & Honey secouent à l'époque la planète indus, il revendique aussi l'héritage electro de Skinny Puppy, mais aussi de David Bowie (en particulier la trilogie berlinoise Low/Heroes/Lodger qui imprègne sa musique durablement) et d'artistes plus confidentiels comme Coil. Citant à l'occasion des univers non musicaux comme celui du romancier Clive Barker (Hellraiser), Reznor impose d'emblée un univers puissant et musicalement abouti fait de rythmes sautillants, d'habillages synthétiques, de violence froide et de sentiments douloureux. Même entouré de Chris Vrenna, du guitariste Richard Patrick et de l'arrangeur Flood, Trent Reznor est le seul maître à bord, leur rôle étant des plus réduits. Nine Inch Nails est sa chose et toutes les compositions ses bébés. Seul John Fryer est présent tout du long, à la production et au mix.

Utilisant les guitares comme textures musicales, au même titre que les claviers, Reznor montre sur Pretty Hate Machine un art consommé du son trituré et du recours aux machines. Sa voix est bien en place, mais à l'époque peu sûr de son chant, il n'en exploite pas encore toutes les capacités. Et pourtant déjà il signe un chef d'oeuvre de déchirement et de frustration avec Something I Can Never Have, bijou pianistique devenu classique au fil des ans. Reznor chante ses tourments et ses obsessions, de l'amour pénible à la foi déçue, ce qui nous donne deux énormes tubes, le bondissant Sin et l'implacable Terrible Lie. Anticonformiste, il clame son goût de la liberté et sa maniaquerie du contrôle sur Head Like a Hole, le hit single de cet album dont le potentiel hargneux et percussif prend feu en live. Près de 20 plus tard, ce quatuor, auquel on peut ajouter évidemment Down In It, n'a pas pris une ride.

Pretty Hate Machine ou jolie machine à haine, c'est aussi une succession de messages à la salope qui l'a baladé et blessé. Ca peut passer par le venimeux Sin, mais aussi par les beats dansants du trio Sanctified, Kinda I Want To et That's What I Get. On y lit toute la tension née d'une relation d'amour et de rejet mêlés, où le sexe est vécu comme un exutoire presque mystique (The Only Time proche d'un INXS en amont de Closer) et l'abandon de soi comme une issue inévitable (percutant Ringfinger). Le disque y trouve une ambiance unique où l'on sent parfois même poindre une filiation avec d'autres grandes âmes torturées telles que Ian Curtis (Joy Division). Clairement Reznor souffre intérieurement et trompe la décrépitude  morale par la création, et même si on n'atteint pas (encore) les tréfonds de l'autodestruction, cet album est déjà le manifeste d'une carrière placée sous le sceau de la confession très personnelle (enfin... jusqu'au bien nommé Year Zero bien sûr).

Pretty Hate Machine mit du temps à rencontrer son public, mais fut au final un énorme succès. Bien sûr, certaines sonorités peuvent aujourd'hui paraître un peu datées, on peut lui préférer l'explosion névrotique et l'émotion toujours plus palpable des albums suivants, il n'en demeure pas moins que ce disque est un incontestable classique aux confluents de l'industriel et de la new wave. 

A écouter : Head Like a Hole, Down In It, Sin, Terrible Lie, Something I Can Never Have