Biographie

Moss Icon

Moss Icon, groupe à l’existence instable, voit le jour en 1986 sous l’impulsion de Jonathan Vance, Tonie Joy et Monica DiGialleonardo, trois jeunes musiciens de cette génération qui, les épaules encore chauffées par le soleil mutin du Revolution Summer, allait se dresser et mettre à jour un nouveau visage du Hardcore plus tard reconnu sous le nom d’Emo. Suite à de longues recherches afin de compléter le lineup de la formation, Moss Icon finira par se stabiliser en 1987. S’en suivra une série d’enregistrements et de concerts confinés aux limites du mouvement underground, réalisés avec les moyens du moment, typiques d’un groupe qui, bien qu’extrêmement jeune, participera pleinement aux balbutiements d’un courant musical nouveau au même titre que Rites Of Spring, Fugazi ou encore Husker Du. Le groupe se sépare en 1991 et leur premier LP, Lyburnum, ne sortira que de manière posthume en 1994, suivi de près par l’EP It Disappears. Deux livraisons qui reprennent en partie des titres de leur discographie passée, jusqu’alors uniquement composée de 3 EP’, d’une démo-tape, d’apparitions sur d’obscures compilation et d’un Split avec Silver Bearing. Certains travaux du groupe sont par ailleurs trouvables réinterprétés sur le seul et unique album de Breathing Walker, side project dans lequel on retrouve Mark Laurence et Jonathan Vance et à l'optique plus Folk et tribale sorti en 1991. Tonie Joy se consacre alors quelques années durant à Universal Order of Armageddon et The Great Unraveling, deux groupes dont les périodes d'activité cumulées n'excèdent pas les cinq ans mais à l'activité discographique dense. On le croise aussi au poste de bassiste chez Born Against peut avant leur split. MI  se réunira en 2001 pour quelques concerts avant de disparaître pour un nouveau long hiatus.

Début 2008, Moss Icon annonce pourtant que l’écriture de nouvelles compositions est en cours dans l’optique d’une nouvelle sortie et laisse entendre que des prestations live sont envisageables.
Moss Icon, groupe culte et originel ayant posé les bases et ouvert la voie à la plupart des évolutions majeures de l’Emotional Hardcore, continue de traverser les ages et en dépit d’une histoire écrite en pointillés et semble ne jamais pouvoir rester éloigné de ses racines… Grand bien leur en prenne.

Chronique

18.5 / 20
2 commentaires (17/20).

Lyburnum (Wit's End Liberation Fly) ( 1994 )

Lyburnum ou le chant du signe. C’est du moins ce que l’on aura longtemps, et à juste titre, pensé avant que Moss Icon ne semble devoir renaître de cendres restées fumantes 17 ans durant. C’est dire l’intensité de l’incendie provoqué par les quatre de Baltimore…

A l’époque, Lyburnum parait de manière posthume. En 1994 pour être plus précis. Cliniquement mort depuis trois ans et alors que la parution de End On End (Rites Of Spring) venait de remettre de la braise sous une flamme toujours vacillante, Moss Icon continuait pourtant de creuser son sillon, d’imprimer son empreinte, de marquer profondément les esprits.
Dix ans plus tôt sortait Zen Arcade (Husker Dü), contre-pied originel et album déclencheur… Simple coïncidence peut être, mais toujours est il que Lyburnum vient clore une décennie folle sans avoir rien demandé à personne. Une époque à part où un mouvement hardcore moribond s’en ira survivre loin de ses démons, bien dissimulé au cœur d’une scène alternative émergente tenue à bouts de bras par une poignée de jeunes cons n’ayant aucune autre prétention que de… jouer, tout simplement.
Lyburnum est là pour nous rappeler ce que furent ces années. En dépit d’une approche moins frontale, faite de tempos ralentis, de compositions dépouillées, de thématiques plus variées, fouillées et personnelles, tout ici ne reste qu’urgence. Au commencement de cette époque, Moss Icon n’était pas ; à son terme il n’était déjà plus. Emergence, existence éclair au cœur de la tourmente et fin anonyme. Une trajectoire météorique et singulière pour un impact à quelques dizaines de miles de Washington DC.
Le Revolution Summer alluma l’incendie et Moss Icon est un de ces groupes s’y étant entièrement consumé, participant ainsi à la subsistance d’une étincelle, que rien ne prédestinait à être vivace, à la charnière des années 1980-90. Sauf que Moss Icon n’était pas n’importe lequel d’entre eux. Au Hardcore, à l’«Emo» - terme honni - Moss Icon a apporté l’apaisement, la maîtrise et l’intimisme revendiqué là où d’autres se laissaient encore aller à un déferlement d’émotions brutes, sans jamais rien renier de la scène l’ayant enfanté. Spoken words et montées progressives (les 11 minutes quasi incantatoires de Lyburnum wit’s end liberation fly) côtoient ici explosions fulgurantes (The life) et emballements passionnés (Kick the can) ou encore brûlots Punk Rock faussement enjoués (Criketty rise). Lyburnum témoigne de l’existence d’un groupe courant d’air, fort d’une identité musicale précoce et une maturité un brin désabusée - Lyburnum wit’s end liberation fly et son ironie terrible, symptomatique d’un certain désenchantement conté le sourire en coin tout du long des dix titres - cachant un bouillonnement interne profondément juvénile. N’importe qui vous le dira : les textes de ce groupe ont cette aura étrange, cette dualité trouble que l’on retrouve dans le rapport qu’ils entretiennent avec la musique via une interprétation écorchée et sincère, qui les rend passionnants. Même éteint, et bien que plusieurs titres apparaissaient déjà sur des sorties antérieures, Moss Icon n’avait toujours pas fini de livrer ce qui lui pesait sur l’âme via sa musique viscérale, simple et un brin allumée. Lyburnum ou la révolte profonde travestie en douce mutinerie.

Une sortie comme un petit bout de l’histoire d’une formation éphémère dont le message, l’état d’esprit et l’empreinte musicale finirent par déborder du strict cadre temporel de son existence. En 1994, l’incendiaire n’est plus et ses complices (Still Life, Policy Of 3…) ne tarderont pas à le rejoindre. Lyburnum brandit une dernière fois un flambeau repris de manière fugace  et passionnée par Native Nod, Closure, Manrae, Knotwork et bien d’autres encore. Et tous se feront écho, à leur manière, d’une certaine façon de pratiquer la musique, profondément marqués par l’empreinte laissée par leurs (jeunes) aînés et le contexte historique de la genèse d’une scène sortie de nulle part, à jamais ancrée dans le décalage, dont Moss Icon aura été malgré lui un des pionniers et, plus encore, un des plus éminents ambassadeurs.

A écouter : Pour comprendre.