Zombi en faisait trop, dans son minimalisme virevoltant, il a fallu que son foutu batteur A.E Pattera y aille de son projet à lui, pour encore plus mourir d’amour pour les aventures claustrophobiques et cosmiquement géniales de Carpenter. Il lui fallait plus progressif, plus entêtant encore, deux caractéristiques pourtant inséparables des créations de Zombi. Peut-etre d’ailleurs n’est-ce là qu’une parenthèse qui sera sans suite, Majeure est pourtant né et sort son premier effort, qui vous en demandera d’ailleurs pas mal pour atterrir chez vous (édition ultra limitée en vinyles, déjà épuisée à ma connaissance), Timespan réunit seulement trois pièces, longues et hypnotiques, mais si vous y êtes sensibles, elles vous emmèneront bien loin.

En tempi obsédants de constance soutenue ne laissant aucunement place à une mollesse redoutable des musiques électroniques minimalistes, Majeure construit des arrondis de toutes sortes très posément, prenant le temps de naissances mélodiques digitales à plusieurs étages, entre soubassements acerbes et leads criards, disco juvénile et odyssées spatiales rétro-futuristes. Si la recette n’aurait aucun sens sans le déploiement d’une armada de synthétiseurs moogréants, dont le simple étalage des sonorités distordues suffit à créer une atmosphère aérienne et rêchement rétroviseur, où attentisme n’est plus, figuration inexistante et charisme ne peuvent avoir d’autre choix que l’irrémédiable en timbres puissants, alliant froideur electrique et forte présence. Pattera s’agenouille et martèle ses mélodies simples, simplicités obsédantes de facilité, facilement superposées les unes aux autres, allant venant sans heurt aucun, produisant une musique qui déforme l’espace temps et les lois physiques, même si le retour à la réalité après les 42 minutes de Timespan semble quelque peu prématuré et abrupte, en douceurs angoissantes, fictions thriller bleutées.

Mais vous n’avez rien vu, car l’unique cervelle de Majeure est avant tout batteur, et même s’il a une propension à tournicoter avec sentiment des potentiomètres vintage pour sortir de ses vieilleries poussiéreuses des grains de son fantasques, c’est bel et bien le travail rythmique de Pattera qui fait littéralement exploser les transes de l’univers développé sur les trois morceaux de Timespan. Mécanique comme jamais, monotone comme une autoroute allemande, construisant fantomatiquement  avec son léger et discret son acoustique des rythmiques aux évolutions et variations aussi lentes que les mélodies s’appuyant dessus, où l’energie ne se perçoit presque plus dans un étouffement rituel que crée Majeure. Et là où Zombi sait varier, rendre cabossées ses cavalcades stressantes, Pattera en solo se cantonne à un tambourinage quasi constantes léger et motorik, esthétique tant que méthodique, hypnotisations obsédantes qui rendent chaque tournant du disque, chacune des trois pièces à la fois mégalomaniaques d’immensité vide et génialement accessibles dans une angoisse charnelle plaisante et cinématographique.