Biographie

Life Of Agony

Quatuor formé à Brooklyn (NY) dans les touts derniers mois des années 80, Life of Agony devient un groupe essentiel pour la décennie qui suit dès son premier album.A l'origine composé de Keith Caputo, (chant) Joey Z. (Guitare) et Alan Robert (basse), ce n'est qu'avec l'arrivée derrière les fûts de Sal Abruscato (Type O Negative)  quelques temps avant l'enregistrement de ce premier long que le groupe prend sa forme définitive. Bien que le lineup de Life Of Agony ait connu par la suite des changements au fil des albums, c'est avec celui-ci que le groupe accouche de River Runs Red en 1993, ce qui lui vaut encore d'être considéré comme seul véritable lineup historique. Le disque, mélange de Hardcore de Metal et d'influences Heavy, Gothiques et  Doom fait un carton et reste à ce jour l'album le plus réputé du combo New Yorkais qui bien qu'ayant remis le couvert dès 1995 (Ugly, puis en 1997 voit son style évoluer vers le Metal Alternatif et ses membres se disperser. Le départ de Keith Caputo, de moins en moins en phase avec la musique de son groupe, peu après l'enregistrement de Soul Searching Sun sonne le début de la fin pour Life Of Agony qui finit par splitter deux ans plus tard.

Capitalisant sur le succès jamais démenti de ses débuts, Life Of Agony se reformera néanmoins sous sa composition originelle en 2003, année anniversaire de la sortie de River Runs Red. En dépit d'un nouvel album studio sorti en 2005, le groupe parvient à nouveau au point de rupture courant 2011 alors que Keith, désormais "Mina", Caputo, arrivé au terme d'une longue réflexion, officialise sa décision de changer de sexe et de poursuivre en tant que femme sa carrière solo entamée dans les années 90. Le groupe se reforme finalement et sort en 2017 un nouvel album, A Place Where There's No More Pain.

16 / 20
2 commentaires (14/20).

A Place Where There's No More Pain ( 2017 )

Life Of Agony est un groupe qui peut se montrer agaçant. C’est pourtant ce qui lui donne tout son intérêt. Affilié, en partie contre son gré, à la scène Hardcore new-yorkaise du début des années 90 après la sortie du monumental River Runs Red, le quatuor n’a cessé de vouloir, consciemment ou non, effacer ses traces derrière lui. Des allées et venues du chanteur Keith Caputo et du batteur Sal Abruscato à l’évolution mélodique aboutissant à un Soul Searching Sun décrié en passant par plusieurs splits, Life of Agony semble n’avoir jamais connu la paix et la sérénité dans lesquelles il semble s’ennuyer et dépérir. Le convaincant Broken Valley, en 2005, montrait cependant que le groupe en avait toujours sous le pied. Douze ans plus tard, Keith s’appelle Mina et Life Of Agony décide de reprendre le chemin du studio, persuadé d’avoir encore des choses à dire. Et ces choses, Mina a décidé de nous les susurrer, de nous les hurler, de nous les arracher parfois. La dimension émotionnelle de la musique des New-yorkais n’a jamais pu être démentie et A Place Where There’s No More Pain le confirme encore une fois.

Toujours aussi efficaces, les compositions taillés par Alan Robert bénéficient d’une production agressive, gardant toutefois suffisamment de rondeur pour accueillir les lignes de chant habitées de Mina. Celle-ci flirte constamment avec le désespoir, sans jamais y céder totalement ("And I’m ready to meet my maker. Cause I’m headed for the end. And what I believe will never waiver. Cause I have made my amends"). Meet My Maker donne le ton d’entrée. Il n’est ici pas question de perdre de temps. Le groupe fait ce qu’il sait faire, sans donner l’impression de se soucier un seul instant de ce que l’on pourrait en dire. Right This Wrong, A Place Where There’s No More Pain ou World Gone Mad sont d’une efficacité à toute épreuve. Admiratrice déclarée de Layne Staley, Mina en prend les intonations sur le très « Alicien » Dead Speak Kindly. En quarante minutes, Life Of Agony livre un disque tendu et resserré, tout en piochant sur une large palette d’émotions. Débarrassée de ses addictions, Mina dévoile ses angoisses sans aucune retenue ("Leave behind nothing to show. And find a place where there’s no pain. I just wanna disappear, and I just wanna disappear and hide"). Une démarche illustrée pleinement par Bag Of Bones et ses accélérations, évoquant le coeur s’emballant sous l’effet de l’adrénaline ou d’une révélation soudaine, celle d’un salut possible malgré la douleur ("Is this the way it’s gotta be ? Scrub off the blood, the counter clean. I need a place where there’s no pain. Just dry my eyes, nobody’s safe").

Le résultat transpire littéralement d’une sincérité dont il est certainement plus simple pour le groupe de faire preuve aujourd’hui après les épreuves traversées. Si vous êtes resté complètement bloqué sur River Runs Red, ll est possible que cet album ne vous procure pas d’émotions particulières. Si vous avez suivi de près la trajectoire de cette formation pas comme les autres, dans les bons comme dans les mauvais moments, A Place Where There’s No More Pain vous touchera sans aucun doute.

17 / 20
2 commentaires (17/20).
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River Runs Red ( 1993 )

Planète Hardcore, an de grâce 1993. A l'époque, Refused, depuis devenu référence parmi les références, n'en est encore qu'à lancer les premières banderilles annonciatrices de son coup d'état à venir contre la branche dirigeante. De l'autre coté de l'Atlantique un groupe répondant au nom de Life Of Agony, du fond de son caniveau, joue à l'inverse la carte canal historique et la déformation de ses codes à l'extrême, jusqu'à l'étrange. En remet une couche pour enfanter ce qui sera au final être un premier disque bâtard, pas moins hors norme, magistral, incomparable et indispensable que les attentats à venir des suédois. Son nom: River Runs Red. Déjà cinglant.

Croisement inattendu entre Leeway et Type O Negative (flagrant sur "Respect") River Runs Red , propulsé par Roadrunner Records, se détache immédiatement du peloton. Il faut dire que Life Of Agony, en compagnie de l'autre formation du bientôt-déserteur Sal Bruscato (crédité pour la dernière fois aux cotés de Peter Steele sur Bloody Kisses), d'Acid Bath ou encore d'Alice in Chains, semble alors appartenir au même étrange groupuscule de formations atteintes d'élans morbides et autres déviances metalliques Goth prononcées. Et qu'en dépit du poids de l'histoire locale (New York) Life Of Agony ose tout, crânement, avec l'insolence et la réussite de ceux à qui rien ne fait peur. Plomber leur premier album par un tir de barrage Doom au bout de 25 secondes ne les dérange pas d'avantage que de laisser les commandes à Keith "Mina" Caputo qui, du haut de ses 20 ans, infiltre un espace sonore on ne peu plus viril de son chant clair ultra-maniéré pour y étaler sans retenue son mal-être. Bardé de riffs-burin déments et de rythmiques lourdes comme la fin du monde, prédisposé au cassage de reins et adorateur du Groove, le groupe de Brooklyn, sans sortir du moule dans lequel le style pratiqué a mariné des années durant, parle d'autre chose dans une langue comprise de tous. Trouve son créneau à quelques pattés de maison de la scène qui l'a vue naître, trop proche pour ne pas être remarqué et insuffisamment éloigné pour se perdre en route. Au delà du pavé qu'est déjà RRR sur le strict plan musical (urgence hardcore, écrasements Doom, riffing ciselé, fulgurances Punk, chœurs fédérateurs... tout y passe), là réside l'immense force de Life of Agony: pousser et maintenir tous les indicateurs dans le rouge jusqu'à faire basculer la scène qui l'a enfanté dans une autre dimension. La sienne. Le Hardcore ultra métallisé et virile de LOA se traîne comme un damné et sa première incarnation sur support physique pue le désespoir. Exit ici charges aveugles, "Us vs. Them" et blindage à coup d'attitudes nihilistes: River Runs Red attrape l'univers qui l'entoure par les excroissances qui dérangent, lui plonge le nez dans sa merde et maintient la pression de bout en bout.

Attention cependant à ne pas se tromper: Life of Agony n'est absolument pas le trip d'une bande de coreux désabusés partis s'oublier dans des ambiances Doom. River Runs Red est simplement le disque d'une formation qui aura fait le pari de de laisser s'exprimer le désespoir lorsque le trop plein se fait ressentir. De mettre des mots sur le malaise plutôt que l'extérioriser de façon primaire. River Runs Red était et reste un immense cri de révolte autant qu'un appel à l'aide. Celui d'un gamin peroxydé que rien ne semble pouvoir empêcher de déverser des textes tendus et sombres sur fond d'ambiances de mort servies par un groupe impeccable, au son punitif et intelligent ("Through and Through", "Underground", "Words and Music", "Bad seed"...)

[...] Well I need a place to run to
Yeah I need a place to hide
Yeah I need a place where I don't need a smile as my disguise

Am I to blame?
If I won't grace your grave
Am I to blame? Am I to blame?
If I cannot bear to face your grave
And mother please shine down on me
Show me that I'm not the bad seed [...]
sur "Bad Seed"

Car en dépit de ses thématiques et de sa densité musicale Life Of Agony refuse envers et contre tout de se départir de ce qui fait l'essence du Hardcore. L'urgence et de l'énergie comme une évidence, chaque titre mu par ce besoin de dire comme une nécessité absolue. Le génie de River Runs Red est là, dans le fait de ne rien inventer tout en parvenant à élargir à l'humilité et l'huile de coude l'horizon alors bien bouché du genre. L'alliance atypique entre la dureté d'un Hardcore maousse, d'une esthétique musicale infusée d'humanité, d'ambiances grisâtres et de sincérité exacerbée amène Life of Agony très exactement là où personne, adeptes comme détracteurs, ne pouvait les louper: sur la brèche, constamment à la limite de la rupture. Point d'ailleurs rapidement atteint, Keith Caputo, dépositaire d'une grosse partie de l’identité du groupe, suivant Sal Abrusco dans la fuite des cerveaux démarrée dès 1995 et finalement interrompue son split à l'aube des années 2000.

Life of Agony n'aura certes pas enfanté que River Runs Red mais c'est bien celui-ci qui revient invariablement dans les discussions, car, bien plus que ses petits frères, il marque un tournant qui dépassera de loin ses auteurs ou la seule sphère Hardcore. C'en est aujourd'hui à se demander si le groupe n'était pas voué à la sortie de route depuis ses origines tant ce disque écrase la discographie l'ayant suivi de tout son poids et aujourd'hui encore semble revenir d'entre les morts pour trimbaler sa carcasse singulière à la marge de la sphère Hardcore (qui a ditTwitching Tongues?). Bien qu'improbable, la musique des New Yorkais faisait pleinement sens au milieu des années 90 et, aujourd'hui encore, indépendamment du revivalisme ambient intrigue, interpelle, conquiert et frappe au cœur. Incontournable.

Reformé pour quelques concerts puis un nouvel album, Life of Agony n'est alors plus que l'ombre de lui même et se fera hara-kiri pour la seconde fois en 2012, bien aidé par l'officialisation du changement de sexe de son chanteur historique. Il y a fort à parier pour que l'on ne les y reprenne plus jamais.