Biographie

Kanye West

Kanye West est un rappeur/producteur américain nourrissant la controverse depuis son premier album The College Dropout en 2004. Au delà des frasques, la musique de Kanye West se distingue alors par une approche décomplexée du Hip Hop, liant les beats novateurs avec une touche soul bienvenue. Late Registration en 2005 continue sur cette lancée et recueille le même succès critique et public que son premier album. 

Suit une période creuse pour Kanye West qui, avec Graduation en 2007 et 808s&Heartbreak en 2008, se retrouve sous le feu des critiques, déplorant un usage abusif de l’autotune et des compositions bien moins inspirées que celles qui avait fait sa renommée. 

Alors que l’on attendait plus grand chose de lui, Kanye West revient en 2010 avec My Beautfiul Dark Twisted Fantasy, véritable mastodonte de culture pop à la production phénoménale, renouant avec le succès critique et public. 

Après Watch The Throne en 2011, album en collaboration avec Jay-Z, Kanye West sort Yeezus en 2013, qui prend à contre-pied ce qui a fait le succès de son précédent album et explore des contrées plus expérimentales.

Chronique

14.5 / 20
3 commentaires (11.5/20).
logo amazon

Yeezus ( 2013 )

Rarement un artiste aura été aussi controversé que Kanye West. Génie mégalomane pour les uns, prétentieux égocentré pour les autres, depuis dix ans il distille son art et ses frasques sans jamais passer inaperçu. Difficile pour autant de ne pas reconnaître les qualités de son travail passé, notamment avec des albums comme The College Dropout ou Late Registration.
Après un My Beautiful Dark Twisted Fantasy de qualité, salué unanimement par la critique en 2010, Kanye West revient en 2013 avec un nouvel album qui, bien loin de calmer ses détracteurs, leur assènera le coup de grâce en quarante minutes. 

Mais qu'en est t-il vraiment de ce Yeezus? A première vue, il en ressort un album à mille lieues de son précédent. Il s'agit tout bonnement d'une agression en bonne et due forme. Il n'est d'ailleurs pas insensé de le comparer aux travaux de Death Grips qui ont déferlé sauvagement dans les esgourdes des amoureux d'un Hip Hop décomplexé bien loin du "easy listenning" diffusé en masse par les chaînes radiophoniques. Nous retrouvons ici ce même mélange d'électro et de musique industrielle couplé à des rythmiques aventureuses et sans concession. 

Les premières pistes s'enchaînent et l'auditeur se retrouve sans tarder dans les cordes. Produites en partie par des DJ français (GesaffelsteinDaft PunkBrodinski), ces petites bombes sucrées font mouche par un mélange jouissif d’expérimentations et de beats répétitifs savamment distillés par les messieurs précités. 
Le morceau d’ouverture, On Sight dresse le tableau et ouvre la voie à la claque qui va suivre. En effet, l’utilisation d’un sample avec des voix enfantines au milieu de ce magma glitchesque est aussi jouissif qu’intriguant. Black Skinhead, qui débute par un sample de batterie directement emprunté à My Beautiful People de Marilyn Manson, poursuit la décharge d’énergie entre subs, hurlements ravageurs et un flow qui paraît sans cesse s’enivrer dans l’urgence. 

I Am a God est pour moi le point d’orgue de cet album. Cet hymne Hip Hop industriel est ancré dans une nébuleuse de claviers et se développe sur un tempo continu entrecoupé de beats dantesques. Mention spéciale à la deuxième partie du morceau qui nous permet d’apprécier le talent de composition de Kanye West. Après une salve de cris tous plus ravageurs les uns que les autres, le morceau décolle littéralement, enrobé par ces nappes de claviers brumeux et ces beats aux sonorités old school délectables. Autre coup de cœur de l’album, Hold My Liquor nous embarque une nouvelle fois dans une enveloppe électronique grâce à une production savoureuse. La sensation d’un mur de son électronique molletonnée nous entraine, nous enivre, nous rassure.
 
La volonté de Kanye West d’alterner le Hip Hop expérimental moderne avec un souffle soul originel est palpable mais n’est sans doute pas totalement aboutie. Des titres comme Blood On The Leaves et Bound 2 sont pourtant les témoins d’une mixité réussie, entre samples soul fédérateurs et refrains entrainants. La puissance des hymnes n’est tout de même pas aussi percutante que sur les premiers titres, bien plus radicaux. Guilt Trip et Send it Up, en sont des exemples pertinents dans leur incapacité à être le détonateur de ce frisson émotionnel qui parcourt irrémédiablement l’échine quelques morceaux plus tôt. 
Cet album se révèle donc être à l’image de son créateur : tantôt génial, tantôt contrariant où l’inventivité et la fraicheur de Yeezus se dandinent sur un fil étroit laissant entrevoir le gouffre du surfait et de la superficialité. 
Ne boudons toutefois pas notre plaisir, le regret de ne pas voir cette audace s’inscrire sur une ligne continue disparait bien souvent face à la jouissance inébranlable que procure cet album. 

Kanye West est un artiste très malin qui sait surfer sur les succès de sa génération. A la manière de l’émergence récente du Trap Rap et des œuvres extrêmes des mecs de Death Grips, il s’aventure dans le créneau du Hip Hop expérimental sans concession. Difficile pour autant de lui reprocher tant cet album se révèle addictif pour peu qu’on lui accorde le bénéfice du doute. 

A écouter : Black Skinhead, I Am a God, Hold My Liquor