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Biographie

Ken Mode

Formé par les frères Matthewson, Jesse (Guitare, Chant) et Shane (Batterie), et Darryl Laxdal (Basse), Ken Mode est un groupe de Noise / Hardcore formé au Canada en septembre 1999. Le combo tire son nom de Kill Everyone Now, acronyme de KEN Mode. Une série de démos voit le jour de 1999 à 2003, date de sortie de leur premier album Mongrel chez Escape Artist Records.

Après quelques concerts avec American Heritage, Mastodon, Pelican, Daughters, Buried Inside, ..., Darryl Laxdal quitte le combo en 2004, pour le réintégrer l'année suivante pour terminer l'enregistrement de Reprisal, qui déboule dans les bacs en 2006. Laxdal décide à nouveau de partir, remplacé par Drew Johnston (Electro Quarterstaff), ayant déjà joué avec les autres membres dans Hide Your Daughters.
Une nouvelle tournée avec Pelican et Daughters au Canada voit le jour en octobre, et cette fois c'est Jahmeel Russell (KittensProjektor) qui tient le rôle de bassiste. Ken Mode se lance alors dans la conception de Mennonite, qui voit le jour en Juillet 2008, changeant (encore) de bassiste pour l'occasion, cette fois avec Chad Tremblay.

Le combo signe chez Profound Lore Records pour Venerable, enregistré en 2010 avec Kurt Ballou (Converge), et dans les bacs courant 2011. Armé d'une nouvelle bassiste en la personne de Thérèse Lanz, Ken Mode se lance dans une tournée avec Gaza, Rosetta, Buried Inside ou encore Clinging To The Trees Of A Forest Fire. Un énième changement de bassiste plus tard (décidément, c'est une tradition), revoilà les frangins Matthewson + Andrew LaCour en 2013 avec Entrench, produit cette fois par Matt Bayles (Isis, Pearl Jam, Botch, Minus The Bear, etc), sorti chez Season Of Mist. 2015 voit débarquer le sixième album des canadiens, Success, produit cette fois par Steve Albini (Nirvana, The Breeders, The Jesus Lizard, Neurosis, Shellac), et encore un nouveau bassiste, Scott Hamilton.

Dans la foulée un an plus tard KEN mode sort le EP Nerve, puis le septième long format Loved en 2018, cette fois avec Andrew Schneider aux manettes et pour une fois le même bassiste que sur l'album précédent, en plus de quelques invités que sont Kathryn Kerr (saxophone), Drew Johnston (basse sur Fractures In Adults) et Adam Dyson (chœurs).

16.5 / 20
8 commentaires (15.94/20).
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Loved ( 2018 )

Équipé d’un bassiste stabilisé depuis 2015, le grinçant trio a ouvert ses chakras avec le Success que l’on connaît, c’est à dire incomplet et hasardeux. Mais ce n’est pas un tâtonnement passager qui freinera les désirs d’exploration inassouvies des frangins Matthewson. Loved vient en effet graver leurs intentions dans la rouille, avec amour bien sûr, et propose rien de moins que ce qui se fait de plus cool actuellement en terme de noise hardcore.

Il est une autre constante chez les canadiens, ce sont les visuels, qui tapent juste et sobrement à chaque coup porté en longue durée, illustrant toujours idéalement le contenu. Ici l’euphorie malsaine et dangereusement crispée (mise en image par Randy Ortiz) s’accorde à merveille avec la tension induite au sein des compositions. Tension qui parfois s’autorisera quelques régressions « à la Unsane » rappelant au bon souvenir de Mennonite, sans non plus tomber dans la facilité ou la redondance, ce qui serait étonnant de la part de KEN mode. Ainsi donc le gras renouvelé est ce qui nous saute en premier lieu à la gorge – les intéressés nous avaient d’ailleurs prévenus – à commencer par l’intransigeant et cradingue Doesn’t Feel Pain Like He Should. On découvre ensuite un nouvel élément cuivré dès The Illusion of Dignity, soit un saxophone manié habilement par une certaine Kathryn Kerr, qui donnera des airs de Zu ou de Zorn à chacune de ses (ponctuelles) interventions, l’aspect concassé des choses aidant, en plus d’aérer sensiblement des morceaux rongés par la dissonance saturée. 

Pour le reste on identifie à l’aise la patte KEN mode, cette frappe pleine de souffle, expressive, tentaculaire mais précise, cette voix plus aboyeuse et écorchée que jamais, exposant des cordes vocales aguerries et assouplies, ou encore cette basse multiple et au cœur du sujet, extirpant les dernières gouttes d’une nappe phréatique en souffrance. Des titres du calibre de Feathers&LipsNot Soulmates ou le sinueux et infecté Fractures In Adults nous tapent bien dans le fond à coups de six cordes plombante, pétée de larsens, ou de contorsions rythmiques. D’autres installent une angoisse de mort, latente, diffuse, qui finira fatalement par nous revenir dans la tronche, impulsée par ce foutu saxo notamment (le conflictuel et faussement chaleureux This Is A Love Test), dont le meilleur exemple serait le magistral No Gentle Art, mâchouillant nerveusement nos derniers points de santé mentale le long de ses huit minutes et des brouettes résiduelles. Enfin, cette débauche de violence déglinguée n’aurait pas un tel impact sans la production fabuleuse d’Andrew Schneider, où les détails surgissent au moindre virage, nous crachent au visage, peu importe l’instrument concerné.

Les facultés du groupe à empiler les gifles sont retrouvées, voire intensifiées avec le très ramassé Loved, s’octroyant au passage les services d’un saxophone qui personnifie encore davantage la musique du trio de Winnipeg. On en espérait pas tant après un Success mitigé, mais le fait est de constater que KEN mode reste maître de sa discipline, toujours apte à exprimer cinquante nuances de bruit délectable.

A écouter : pour être aimé.
14.5 / 20
3 commentaires (14/20).
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Success ( 2015 )

Ceci est un disque produit par Steve Albini (Shellac, Nirvana, Neurosis, etc). Voilà ce qu’on pouvait lire en premier lieu un peu partout sur le dernier long des bruyants canadiens. Success, un titre qui résonne en dissonance avec le contenu de l’objet, façonné par une patte qui nous est effectivement familière. Sachant cela, on voulait aussi savoir ce que pouvait donner le bestiau sous la houlette de ce producteur ô combien adulé (souvent à raison), la tâche n’étant pas forcément aisée après un Entrench majestueux au rendu tout à fait mortel.

Les premiers instants de ce sixième album exposent d’encourageantes velléités, on déguste du KEN mode crasseux sur Blessed, aux atours légèrement plus casse-gueule, augmenté de spoken word possédé, la voix étant judicieusement mise en valeur dans le mix, sans compter les cris aliénés d’un certain Eugène Robinson (Oxbow), qui décidément aime souiller les disques de ses potes. On se dit alors que ça peut fonctionner, on s’attend à prendre une gifle de circonstance au moins équivalente à la précédente, qui ne viendra pas. On finit par s’apercevoir d’un manque partiel de spontanéité dans l’exécution, et d’une perte sensible d’identité du trio qui semble avoir voulu correspondre à leur nouveau producteur en composant du noise plus tellement hardcore mais bien plus rock et nécessairement inspiré par Shellac ou The Ex. Et ça ne colle pas tout à fait, bien que cette configuration puisse donner quelques résultats plus que convenables, l’incandescent et nerveux These Tight Jeans aux chœurs féminins bienvenus, la progression de The Owl… et ses cordes, le virulent et salvateur I Just Liked Fire, ou encore le grassement noisy A Passive Disaster sont quelques exemples du talent d’adaptation des canadiens, qui n’en sont pas à leur première exploration stylistique. Le bât blesse sur la durée, le trait semble forcé sur Management Control, le mouvement pas tellement naturel sur Failing at Fun Since 1981, et la frustration est de mise sur A Catalog of Small Disappointments qui aurait mérité un meilleur développement. Les bonnes sensations finales (Dead Actors, sorte d’hybride entre Slint et Fugazi) n’atténueront pas cette semi-déception globale.

KEN mode est parti vers des contrées noise-rock avec Success, produit par quelqu’un qui s’y connaît particulièrement en la matière, ça n’augurait que du bon, et la finalité est loin d’être dégueulasse. Seulement le trio ne semble pas vraiment très à son aise, là où tout allait de soi sur Entrench. Néanmoins on ne peut pas reprocher aux gars de Winnipeg d’aller gratter au-delà de leur zone de confort, ce qu’ils ont toujours fait, mais on ne peut pondre une merveille à chaque coup.

Accédez au Success via Bandcamp.

A écouter : Blessed, The Owl..., I Just Liked Fire, A Passive Disaster, Dead Actors.
16.5 / 20
7 commentaires (14.36/20).
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Entrench ( 2013 )

Les frères Matthewson n’en finissent plus de changer de bassiste, après Thérèse Lanz voici Andrew LaCour, les paris sont déjà lancés pour le prochain album. Mais avant d’être trop pressé d’évoquer l’avenir, on a un Entrench tout chaud bouillant qui vient de sortir. C’est le moment d’en parler, de manière plutôt élogieuse.

Venerable n’étant pas la grosse mandale espérée malgré un Ballou à la prod’, je n’attendais donc pas vraiment ce nouveau disque au tournant. Bien m’en a fait tant la surprise est bonne. Entrench est d’une consistance assez rare pour du noise-hardcore. Le nouveau bassiste apporte certainement sa sensibilité aux compositions, mais ce qui saute aux esgourdes est davantage le travail de Matt Bayles (Botch, Isis, Pearl Jam), plus aéré, plus conforme aux ambitions créatives du trio canadien, prenant soin de maintenir une atmosphère étouffante. De son coté, KEN mode densifie le propos tout en faisant le nécessaire pour ne pas se répéter, veille à instaurer un malaise planant en permanence sur ce disque, la basse dégueule tout ce qu’elle peut, conservant un niveau de virulence percussive quasi constant. Les martèlements de Shane se font plus rageurs, déterminés, dosés, gagnant en souplesse. De ce fait, le jeu des deux autres est influencé, les variations plus fréquentes ; pour une six cordes déchirante, lourde et subtile ; pour un chant hurlé protéiforme et une voix mélodique très minoritaire mais d'autant plus touchante (Romeo Must Never Know), ou encore pour une basse mutante et omniprésente. On a affaire à un KEN mode plus réfléchi, bien que le monstre assène des coups de butoir haineux et réguliers (Counter Culture Complex, No; I’m In Control, Secret Vasectomy). L’émotion est plus diffuse mais n’en reste pas moins organiquement prégnante, jusqu’à titiller nos plus obscurs démons (Daeodon). Et ce n’est pas la conclusion Monomythique accompagnée de son piano lancinant qui nous empêchera de sombrer sereinement.

Les canadiens peaufinent donc toujours plus leur recette à base de noise, de hardcore, post-[…], atteignant cette fois des sommets d’intensité et de maîtrise du chaos. Bien sûr, on pense encore à Unsane et Botch au rayon des inspirations indécrottables, mais ce cinquième objet affirme totalement le style du groupe, ce caractère imprévisible, tribal, animal, celui qui permettra de l’identifier au premier coup d’oreille.

Contrairement au verbe du titre, le trio ne s’enracine pas dans son œuvre et parvient à nous raconter une histoire découpée en onze chapitres pertinents. Tour à tour boueux, marécageux, lumineux, négatif, pernicieux, ce récit traduit une forme d'engagement et de consécration artistique pour KEN mode. La grosse claque que j’attendais avec Venerable est devenue sur Entrench un tronc d’acacia géant aux multiples branches blessantes en travers de ma gueule.

L'objet peut s'extraire sur bandcamp.

A écouter : avec les tripes.

Venerable ( 2011 )

Il est toujours agréable de suivre un groupe qui a du potentiel et dont on sent qu'il a la capacité de bientôt occuper le devant de la scène, et ainsi le renouveler. C'est l'impression que me donne KEN Mode depuis que je les suis, c'est à dire au moins 5 ans, et ce n'est pas leur petit dernier, Venerable, qui viendra me prouver le contraire.

Si on peut classer en plusieurs types les trajectoires discographiques, celle de KEN mode pourrait être un cas d'école du type « peaufinage de recette ». Depuis leurs débuts, c'est à peu près le même refrain : au menu, mélange de hardcore déstructuré avec fort afflue de sonorités noisy, avec de rares incartades dans le monde du post-hardcore. Au fil de leurs trois premiers albums, les canadiens mènent la charge toujours de la même manière, mais avec toujours le même succès.

Venerable change légèrement la donne. Je vous rassure, pas question d'abandonner leur traditionnel livraison de directs et uppercuts au menton : ils sont toujours là, avec en intro le trio Book Of Muscle, Obeying The Iron Will (qui annonce clairement la couleur) et Batholith.
Le changement se fait sentir à la quatrième piste, The Irate Junbuck. Ici, la violence change son approche. Ce ne sont plus dans les crachins de décibels, ni la vitesse des rythmes ou la percutance des breaks que Ken Mode met l'intensité, mais plutôt dans la tension. The Irate Junbuck commence racleuse, se permet des montées mélodiques typiquement post-hardcore puis calme la donne. On pense à Botch. Un aperçu noirci, plus de rouge sang, mais de la grisaille, comme des murs qui se rapproche sans qu'on les voit et qu'on finit pas repousser avec panique.
La voilà, la nouveauté. Le hardcore noise côtoie des envolées post-rock (Flight Of The Echo Hawk),  l'extraversion et la démonstration de puissance font jeu égale avec l'introversion qui mûrit lentement pour se jeter à la face du monde, comme une échappatoire (Never Was).

Les canadiens apportent donc de nouvelles cordes à leur expression autant musicale qu'émotive. Mais étrangement, lorsqu'il faut jouer au jeu des comparaisons, c'est toujours les même noms qui viennent : Unsane, Botch, Coalesce ou les Melvins (particulièrement flagrant pour Never Was dont les petits riffs de guitares étouffés évoquent immédiatement les compos calmes de The Bootlickers).
Il faut dire que ces groupes là ont aussi toujours su batailler sur le volet de la brutalité comme sur celui de la tension sourde (Stuck sur le dernier Unsane, voir la chro de votre serviteur ; Afghamistam de Botch ; pour les Melvins, je ne pense pas avoir besoin de vous donner un exemple), et c'est en digne héritier que KEN Mode s'empare de ce savoir-faire pour l'exécuter avec brio et singularité. A n'en pas douter, c'est bien un excellent groupe, mené par les deux excellents musiciens que sont les frères Matthewson (les parties de guitares et de batteries rivalisent autant dans la diversité des rythmes et riffs que dans l’efficacité) et Venerable en est probablement l'une des meilleures preuves que l'on puisse trouver dans leurs travaux. Au rayon des regrets, on peut noter un enchaînement des pistes un peu hasardeux et pas très homogène. Et enfin, que malheureusement, il arrive un peu après la bataille, sept ans trop tard.

A écouter : Obeying The Iron Will, The Irate Junbuck, Flight Of The Echo Hawk, Never Was