Biographie

Jaga Jazzist

Jaga Jazzist est un collectif de Jazz norvégien ayant vu le jour au milieu des années 90. La richesse de son univers vient du fait que chacun de ses musiciens appartient à d’autres projets musicaux d’univers très variés, souvent pointus et influents en Norvège ces dernières années, et que son line-up évolue sans cesse en fonction des envies et des disponibilités de chacun, mais fonctionnant toujours avec un effectif aux alentours de 10 personnes. La formation est toutefois menée par les trois frères Horntveth, présents depuis le début (alors que le plus jeune avait 14 ans), et coordonnant le tout.

Musicalement, la formation se situe dans la mouvance dite Nu-Jazz (plus simplement electro jazz), exclusivement instrumentale, et développe de longs thèmes colorés aux influences diverses, donnant à l’ensemble un aspect fort moderne. Le côté electronique de la musique de Jaga Jazzist lui vaut d’ailleurs d’être signé sur le renommé label Ninja Tune depuis son premier album ayant bénéficié d’une sortie internationale, A Livingroom Hush en 2002. Le disque avait en réalité connu un réel succès avant cela, en vendant pas moins de 15 000 exemplaires rien qu’en Norvège, sorti sur un label d’enrevgure nationale. Depuis, le groupe a enchaîné ses sorties electrojazz, gardant sa recette de base et la faisant varier au gré des membres présents.

 

Chronique

16 / 20
1 commentaire (16/20).
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One-Armed Bandit ( 2010 )

Hydre scandinave élégant de l’écurie Ninja Tune, construit dans un jazz garni à l’electronica douceâtre façon Boards of Canada en béatitude, Cinematic Orchestra en verve charnelle, Jaga Jazzist arbore fièrement son cinquième effort, après un What We Must qui avait un temps laissé entrevoir une amputation patronymique de la formation en Jaga (tout court), perdant du même coup son Jazzist et toutes les manifestations musicales y afférant logiquement pour sombrer dans un propos plus direct et patent que l’on pensait inscrit sur le long terme. One-Armed Bandit a bien fait retrouver son jazz à Jaga, n’a rien touché a ses délices sucrés, et nous montre à quel point les norvégiens savent allier profondeur de propos et plaisir immédiat.

Une nouvelle fois, Jaga Jazzist développe ses univers figuratifs progressifs ne laissant aucun doute sur l’amour des têtes pensantes du collectif, les frères Horntveth, pour la musique cinématographique. One-Armed Bandit compte et conte mille histoires, des bonbons sucrés aux aromes pétillants et étonnants goûtés par de nombreux personnages réunis en une rare symbiose consciencieuse. Et de cette architecture de collectif regroupant parmi les meilleurs musiciens que doit compter la Norvège, attirés par l’aura que dégage Jaga Jazzist après de bonnes années de carrière et une réputation de doux foldingues progressifs, se dégagent autant d’univers que de personnalités présentes, où chacun va puiser au plus loin de son riche référentiel pour apporter à la mixture élégante autant d’éléments qui puissent lui donner le relief auquel elle aspire. Et ce line-up 2010 ne manque pas d’idées, jamais Jaga Jazzist n’a cherché si loin. Les polyrythmies répétitives de percussions tonales de Steve Reich se retrouvent tout au long du disque, jusqu’à atteindre le quasi plagiat d’un Music for 18 Musicians sur l’ouverture de Toccata, qui bien heureusement s’envole bien loin au cours de ses quasiment dix minutes, construisant une épopée haletante menée par une batterie discrète, sublimée par des cuivres ouvertement annoncés comme de parenté wagnérienne et finissant sur une longue ligne de saxophone très cool jazz justement affranchie de la rigueur imposée par la musique dudit compositeur Reich. Prognissekongen entame, lui,son aventure sur un agencement rythmique afro-jazz electronisé, tout comme l’un des thèmes principaux du titre qui lui succède, Book Of Glass qui nous perd dans des tourbillons de cuivres chauds. Sur One-Armed Bandit, titre éponyme, Jaga Jazzist se permet même une incursion d’un thème de bandit manchot du plus bel effet en pont improbable sur ce long morceau jovial et typiquement nu-Jazz, dans la lignée d’un All I Know is Tonight, titre d’ouverture du précédent disque What We Must. La dernière fraction, Touch Of Evil, se permet même un soutien rythmique technoïde à cette personnalité jazzy que le disque a eu loisir de nous montrer. Et c’est entre autre pour cela que One-Armed Bandit est probablement le disque de Jaga Jazzist le plus abouti, c’est qu’il garde une même base de tonalités instrumentales et la fait varier en référentiels rythmiques divers et surprenants, allant bien au delà du jazz, atteignant bien souvent grâce à divers procédés (canons, syncopes, etc) des métamorphoses dont le seul liant subsistant est cette âme du groupe, jazzy et chaleureuse, discrètement electro, un brin détachée, pas démonstrative et bien au service d’une musique au résultat simple à l’oreille et esthétique. Ajoutez à cela une production très bien équilibrée, même lors d’intrusions plus massives des cuivres les plus virils, à l’image du son de batterie toujours très discret et distinct et de la rondeur parfaitement retranscrite des cuivres qui semblent nous caresser au coin de l’oreille (essayez au casque).

Définitivement fer de lance de la scène Nu-Jazz scandinave, Jaga Jazzist se surpasse avec One-Armed Bandit en continuant dans la voie entamée depuis le début de son existence. Ouvert comme jamais, le collectif se plait dans sa fausse simplicité à construire des pièces cotonneuses et délicates, aux évolutions sans accrocs et à l’écoute facile sans pour autant concéder à une section rythmique qui tient la baraque de bien belle manière, et bien qu’il sache se faire désirer, ce nouvel album ayant de nombreuses écoutes de découverte à proposer, pour peu que vous soyez sensible au mélange, la délicatesse de composition des norvégiens fera le reste.

 

A écouter : Toccata