Les parisiens de Gazers nous ayant déjà gratifié d’un encourageant premier EP, qui souffrait aussi d'un défaut de production assez irritant malgré des qualités indéniables, c’est avec une certaine curiosité qu’on aborde l’écoute de ce split "3 way" avec Fleshworld et Viscera///.
L'objet s’ouvre d’abord sur les trois titres de Fleshworld, formation polonaise vieille de quatre ans, à cheval entre post-machin, crust, sludge et expérimentations diverses. Ça se vérifie sur Krag, en équilibre constant sur les cordes du post-rock, du screamo et du hardcore, augmenté d’arrangements mélodiques épiques. Une belle entame suivie d’un Petla assez noise-rock au premier abord, mais des guitares célestes s’incrustent rapidement puis s’emballent pour s’engager dans une valse post-screamo. Rien de tel pour finir qu’un gros pavé de neuf minutes imprononçable (Rezygnacja), qui débutera par une démonstration de feeling du frappeur, tribal et maladif dans son jeu, et que dire de ce chant, variant les plaisirs entre éructations hardcore et glaires black. Et là on se dit que l’un des avantages des split albums, c’est qu’on peut y dénicher des perles venues de Pologne, par exemple.
Du côté de la France et de sa capitale on découvre un Gazers mieux produit, et surtout des compositions déchirantes, explorant plus en profondeur les contrées du post-hardcore, du black et du screamo. Les trois morceaux composés par le quintet offrent un excellent aperçu du talent de ces gars-là tout en préparant le terrain d’un premier véritable long. Rush et son introduction anxiogène laissent vite place à la saleté, la vélocité et la lourdeur, toujours calé entre un Gaza et du post-hardcore type Cult of NeurIsis ; The Decline accentue le mouvement pour atteindre des sommets d’intensité, notamment par cette voix expulsant toutes ses toxines avec sincérité, emmenée par une section rythmique dense, irréprochable ; Epilogue clôture logiquement le trio de pistes des parisiens, usant de guitares un peu plus aériennes, malgré des velléités d’avantage punkisantes et une formidable amplitude du batteur.
S’ensuit le morceau-fleuve Versus des italiens de Viscera///, qui aiment gérer le poids du sludge en l’associant au black-metal, baigné d’une atmosphère post-hardcore du plus bel effet. Une composition généreuse qui éveille grassement la curiosité. Le deuxième morceau des italiens et le dernier de l’objet Nobody’s Diary surprend par son chant clair so 90’s en ouverture, qui reviendra vite à la normale hurlante, encouragée par une instrumentation sludgecore, un peu trop noyée dans le bruit, et après le final en larsen on se dit naturellement que ce titre était dispensable. Il n’empêche que ce n’est pas tous les jours qu’on se retrouve avec un split-cd au rendement créatif aussi complet dans les oreilles, parvenant à être aussi cohérent qu’un album classique, qui constitue au demeurant un parfait échantillon de la scène –core européenne.
A écouter : Rezygnacja, The Decline, Epilogue, Versus.