Frodus est mort.
Lorsque le trio baisse le rideau en 1999 avant même la sortie de son magistral And We Washed our Weapons in the Sea, il part quasiment avec l'étiquette de meilleur groupe de Post-Hardcore du monde collée au cul. Unwound, l'autre génie seconde génération de D.C. suit la même trajectoire. Refused et, dans un style différent, Breach, de l'autre coté de l'Atlantique, ne tardent pas d'avantage. Ne parlons même pas de Fugazi, comme rendu muet pour plus d'une décennie par son magistral et à ce jour dernier album en date. Sale temps pour un genre qui connait paradoxalement un période faste à la rencontre de deux époques, au moment exact du basculement entre tradition sonore désormais profondément ancrée dans le spectre musical alternatif et expérimentation nouvelles (Candiria, Snapcase, Glassjaw...). L'héritage est laissé à Black Cross, à Decahedron (forcément), à Caesura, Haram, New Brutalism et quelques autres. Frodus, lui, est déjà ailleurs, batifole dans l'indie de classe supérieure et sort du champ d'appréciation classique. Mais tout le monde ne le découvre réellement que deux ans trop tard.
Donc lorsque Frodus revient, c'est forcément de nulle part et sans trop de bruit. Mais pas sans soulever quelque excitation. Le leadership bicéphale du groupe s'enjoint les services de Liam Wilson (The Dillinger Escape Plan) et repart à l'assaut comme en quarante. Car c'est bien cela qu'il est question sur Soundlab 1, 7" aussi ridiculement court que remuant. Deux inédits plus une réinterprétation pour la gloire sur la version digitale ("Feelgood son of the decade", tirée de F-Letter) pour huit minutes, au maximum, de Hardcore véloce, technique et intelligent, presque salvateur.
Le terme Post-Hardcore ne veut plus rien dire? Qu'à cela ne tienne, Frodus se charge de remettre les pendules à l'heure. Non pas qu'ils en aient réellement l'intention mais une simple écoute suffit à dresser un constat d'une évidence écœurante: dix ans après, Frodus est toujours là. Là haut, même. Batterie à se casser les reins, guitare enjouée sournoise, basse monumentale (de l'intérêt de ne pas être aller chercher un manche quand bien même celui ci doit sauter du lineup dans l'année). Frodus implose, explose, se rétracte, revire, virevolte au milieu du bordel qu'il créé. Car il n'y a pas d'autre mot mais que l'énergie délivrée et canalisée par le trio à tout de même de quoi laisser médusé. Fini l'intropsection toute en retenue, admirable, nouvelle et inattendue de AWWOWITS. Frodus is fucking back.
Il faudra néanmoins être honnête: la formation de Washington a perdu un brin de magie et (encore) un bassiste dans l'affaire en comparaison de ce qui reste pour l'heure l'ultime, le plus atypique et probablement le meilleur de ses albums. Pour ce qui est du talent brut et de l'expression en revanche la leçon est encore et toujours totale, absolue, implacable et la rouste toute fraiche. La recette, vieille comme l'éveil du Hardcore à des considérations un peu plus larges qu'à son habitude, retravaillée à sa sauce par le groupe au cours des années 90, ne bouge pas. Ou si peu. La dynamique et les rythmiques, elles, restent en revanche leurs, semblent obéir à une logique tordue que Shelby Cinca et Jason Hamacher sont les seuls à maitriser. Le Frodus version 21ème siècle est bon, très bon même, au dessus du lot et immédiatement identifiable. Un véritable must-listen du genre des ces dernières années. Même si c'est logiquement, beaucoup, beaucoup trop court.
Les deux titres de la version physique s'écoutent librement et se téléchargent via bandcamp.
A écouter : Les deux faces, de multiples fois.