Biographie

Fiona Apple

Née en 1977 à New York, Fiona Apple est issue d'une famille d'artistes avec une mère chanteuse, Diane McAfee, un père acteur, Brandon Maggart, mais aussi une soeur, Maude, chanteuse de cabaret, entre autres. Elle apprend à jouer du piano dès l'âge de 8 ans, et commence à écrire ses première chansons à 12, suite au divorce de ses parents et au viol dont elle est victime peu après. Anti-sociale, elle doit suivre une thérapie et finit par quitter l'école dès l'âge de 16 ans. Inspirée notamment par l'écrivain et poète honorée du prix Pulitzer, Maya Angelou, dont l'ombre spirituelle plane sur sa carrière,  elle commence à se faire connaître par de nombreux concerts dans sa ville natale, avant de signer un contrat avec Sony Music en 1995.
C'est en 1996 que sort Tidal, époustouflant premier album, aux accents pop, rock, soul et jazz, acclamé par la critique, qui lui vaudra notamment un grammy award de meilleure chanteuse... rock et le titre de chanteuse de l'année pour le magasine Rolling Stone en 1997. Avec cet album très personnel dont elle écrit tous les textes et compose les musiques, la jeune fille de 19 ans surprend tout le monde , jusqu'au chanteur Marilyn Manson, alors en pleine ascension, qui lui consacrera même un passage dans son "autobiographie", Mémoires de l'Enfer.  Par la suite, elle propose en 1999 un second album très travaillé musicalement et aux paroles complexes, dont le titre interminable est couramment raccourci en  When The Pawn, qui sera un peu moins bien accueilli. Entre temps fiancée puis séparée du réalisateur Paul Thomas Anderson qui signe certains de ses clips, elle est sur le point de sortir son troisième album en 2003, mais Sony y appose son veto, jugeant son potentiel commercial insuffisant. Après une période trouble, marquée par le mouvement FreeFiona, lancé par des fans, et la fuite sur Internet d'une copie de travail du disque fin 2004, on apprend au mois d'août 2005 que l'album Extraordinary Machine sortira finalement bel et bien, dans une version retouchée et enrichie d'un titre. On murmure que la belle n'était elle-même pas satisfaite du son de la première ébauche. Après avoir vendu 5 millions d'exemplaires de ses deux premiers opus, performance de choix pour une musique très personnelle, Fiona a donc retrouvé ses ailes.

16 / 20
3 commentaires (17/20).
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Fetch The Bolt Cutters ( 2020 )

Cela faisait huit ans que Fiona Apple n’avait pas sorti de disque et quand, en plein milieu du précédent confinement, Fetch The Bolt Cutters a déboulé d’un peu nulle part, je ne sais pas si beaucoup de gens attendaient ça comme l’événement majeur qu’il est en définitive. Exploration d’un disque-monde.

Quand I Want You To Love Me lance le programme avec sa rythmique cassée et ses notes de piano cristallines, le décor est planté : mélodie et étrangeté, beauté et complexité. Shameika continue sur cette lancée, à cheval entre une pop simpliste et quelque chose d’un peu ébréché, pouvant imploser à tout moment pour laisser la folie se répandre. Dans ce Labyrinthe, la voix de Fiona Apple pourra vous servir de fil d’Ariane, pour ne jamais perdre tout à fait de vue que l’important ici est tout ce qu’elle a à nous raconter, blessures et colères, combats et affirmation de soi. La recherche rythmique, les arrangements de percussions l’accompagnant comme une ombre.

Quand sa voix ouvre Ladies, on entre dans le pic d’intensité de l’album. Les textes, ici comme partout, sont une mise à nu : "Ruminations on the looming effect And the parallax view, and the figure And the form, and the revolving door that keeps Turning out more and more Good women like you Yet another woman, to whom I won't get through." Suivent Heavy Balloon, sa fausse rythmique R’n’B et sa véritable grâce mélodique, sorte de gospel faisant mouche instantanément. Et enfin Cosmonauts, morceau le plus immédiat de l'album, sorte de petit miracle d’émotion, qui monte gentiment jusqu’au refrain pour mieux nous éblouir de ses voix entremêlées.

Et si, sans le moindre tapage ou effet d’annonce, Fiona Apple venait ici de nous offrir le disque de pop expérimentale parfait, tout à la fois direct et accessible mais aussi, quand on prend le temps de s’y attarder, immensément profond, sombre et cathartique. L’exploit de sonner si évident tout en étant si tortueux et complexe, nous ramène aux grandes heures de Kate Bush, quand, dans les années 80, elle mariait comme personne expérimentation et exigence avec succès populaire. Et si on avait là, sans tambour ni trompette, sa plus digne héritière ? En tout cas, Fetch The Bolt Cutters est une réussite totale et un disque dans lequel il est passionnant de se perdre et d’apprendre à se retrouver.

A écouter : cosmonauts
17 / 20
3 commentaires (18/20).
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The Idler Wheel Is Wiser Than The Driver Of The Screw And Whipping Cords Will Serve You More Than Ropes Will Ever Do ( 2012 )

7 ans après le très réussi Extraordinary Machine, Fiona Apple revient en 2012 avec un album au titre à rallonge : The Idler Wheel Is Wiser Than the Driver of the Screw and Whipping Cords Will Serve You More Than Ropes Will Ever Do (ce qui signifie : "Le Gouvernail paresseux est plus sage que son capitaine et le fouet vous sera plus utile que la corde ne le sera jamais"). On l'appellera donc par commodité The Idler Wheel

La version chroniquée est collector et se présente sous la forme d'un carnet de notes et de croquis de Fiona Apple, dont les dessins rappellent d'ailleurs un peu ceux de Tim Burton. On profite également d'un dvd live de cinq titres, plutôt sympathique. Mais que vaut alors cet album? C'est bien simple, c'est une franche réussite. Fiona Apple nous offre une collection de dix chansons construites autour de son piano et de sa voix. La production minimaliste est signée de son batteur Charley Drayton. Plus que jamais, la chanteuse New Yorkaise y affirme sa singularité. 

Elle nous parle d'amour et de son état d'esprit du moment, avec des paroles amères et des musiques plus complexes qu'il n'y paraît. Fiona Apple est réfractaire à la facilité et son album s'avère exigeant, loin des canons de la pop actuelle ou même du son old school d'une Adele. Non, on a affaire ici à une forte personnalité qui habite ses chansons avec fougue. De plus, l'écrin de ses tourments est finement ciselé, avec de belles mélodies, une touche de jazz et des arrangements subtils notamment sur Every Single Night

De fait, Fiona ne triche jamais, elle est elle-même, avec des chansons autobiographiques. Elle est seule, a quitté son petit ami, auquel elle dédie d'ailleurs Jonathan.  Le ton du disque est mélancolique et la solitude guette effectivement  la chanteuse. Valentine témoigne ainsi de sa déception amoureuse, tandis que Jonathan s'avère une délicate alchimie entre un piano et une voix hantés. Elle s'interroge par ailleurs sur l'entêtante Left Alone : "How can I ask anyone to love me when all I do is beg to be left alone?" On aimerait la rassurer, mais Fiona Apple est un être tourmenté, et c'est sûrement cette authenticité qui donne tout son charme à sa musique. 

Alors, entre empathie et admiration, on la laisse promener ses errances tout du long, comme sur Werewolf, jolie ballade empoisonnée, où se font entendre des enfants en train de jouer, comme un contrepoint joyeux au marasme sentimental. Periphery et Regret empruntent le même chemin désabusé, avec ce piano, d'où sortent des mélodies follement originales, et cette interprétation entière. Quant à Anything We Want, elle se fait plus légère et plus tendre avant la conclusion de ce disque, la métaphore Hot Knife, un petit bijou d'arrangements avec ses voix qui se superposent et ses percussions entrainantes. 

The Idler Wheel se révèle au fil des écoutes comme un album magnifique, mélodieux, habité. Fiona Apple s'y livre sans fard, mettant son âme à nu, la marque des artistes majeurs. Cette honnêteté touche au coeur tout du long et Fiona nous offre un grand disque.  

A écouter : et se laisser porter
16.5 / 20
5 commentaires (15.7/20).
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Extraordinary Machine ( 2005 )

La genèse de Extraordinary Machine a été pour le moins compliquée. Annoncé terminé en 2003, l'album est rejeté par l'exécutif de Sony Music qui juge son potentiel commercial insuffisant. Ce retard suscite l'impatience des fans, qui à l'initiative de l'un d'eux, se fédèrent pour faire pression sur la maison de disque via le mouvement FreeFiona (site ici). Par la suite, des fuites font apparaitre deux morceaux sur la toile, avant que fin 2004, l'album complet, produit comme le précédent When The Pawn par Jon Brion, ne se retrouve en téléchargement un peu partout. Avec un son au délicieux cachet intemporel, le disque est accueilli très favorablement par les fans hardcore, comme par une grande partie de la presse qui s'y intéresse, le NY Times le jugeant "innovant, brillant et expérimental" notamment. C'est alors qu'un coup de théâtre prend tout le monde par surprise. La chanteuse a réenregistré 9 chansons avec les producteurs Mike Elizondo (Dr Dre) et Brian Kehew, ainsi qu'un inédit, ne conservant "intactes" que deux chansons de la version bootleg de son 3ème album. C'est ce disque qui est ici chroniqué. Comme nous allons le voir, il a subi un lifting, et par bonheur conservé un charme certain, quoique s'appuyant sur des atours relativement différents. En tous les cas, les fans les plus endurcis n'ont pas fini de débattre de quelle Extraordinary Machine est la meilleure tout en se réjouissant de pouvoir entendre deux versions aussi réussies du même opus.

 

Extraordinary Machine version 2005 s'ouvre sur le morceau-titre, inchangé, petit bijou au rythme sautillant des cordes, fourmillant de trouvailles au gré de vents et de percussions légères, et nanti d'un délicieux refrain "Be kind to me or treat me mean I make the most of it I'm an extraordinary machine". Les morceaux suivants montrent tout le travail de réarrangement habile de ce nouvel opus. Le son du piano de Fiona Apple est ainsi à présent au centre de compositions plus cinglantes telles que Get Him Back et Better Version Of Me qui perdent en côté poppy et charmeur ce qu'elles gagnent en déchirure. Séparée en 2001 de son boyfriend P.T. Anderson, la jeune femme ne cache pas ses fêlures dans ses textes toujours aussi intimes, comme sur l'inédit Parting Gift, simplissime avec son duo piano voix, mais ô combien habité et amer comme ses paroles terribles d'amour bafoué, "you looked as sincere as a dog Just as sincere as a dog does, When it's the food on your lips with which it's in love". Le single Oh Sailor est toujours cette rengaine entêtante, mais bénéficie d'un mixage plus moderne, avec un sond plus rond et une fin très réussie qui fait la part belle à des choeurs en une jolie note d'harmonie. La surprise de cette première partie du disque, c'est Tymps, précédemment connue sous le nom de Used To Love Him, qui s'enrichit d'arrangements faits de boucles, batterie et guitares dessinant un paysage moderne, sans pour autant que la chanson perde son caractère.

La suite est particulièrement contrastée et d'une qualité qui renverra bien des jeunes chanteuses à leurs études, un exemple au hasard, Norah Jones. Window et Oh Well déploient une majesté nouvelle, avec l'apport de cuivres notamment, et promènent leurs sombres paroles désenchantées comme sur le refrain de la première "Better that I break the window Than him or her or me" et "What wasted unconditional love On somebody Who doesn't believe in this life" sur la seconde. Please, Please, Please prend une tonalité pop rock sans tomber dans la banalité et signe le manifeste de ce disque né dans la douleur avec les paroles du pont en forme de coups de griffes "Give me something familiar Somethin' similar To what we know already That will keep us steady Steady, steady Steady going nowhere" qui singent les maisons de disques et leurs "artistes" manquant d'imagination, tandis que Fiona parade avec ce petit "My method is uncertain It's a mess but it's working" empreint d'autodérision. Et comment lui donner tort à l'écoute de cette autre superbe chanson, Red, Red, Red, dépouillée de tout artifice, ralentie et assombrie. Déshabillée de ses cordes originelles, Not About Love l'est aussi, devenant ainsi plus agressive dans ses décrochages électrisés et ses ruptures de rythme plutôt réussies. Extraordinary Machine se conclue sur l'autre chanson demeurée intacte, l'entraînante Waltz et son tourbillon de notes de piano, de cordes en esquisses, mais aussi de superbes passages de cuivres qui invitent à la légèreté. "If you don't have a song To sing you're okay You know how to get along", on ne peut pas mieux résumer.


Finalement, cette version officielle de Extraordinary Machine joue moins sur les cordes et les sonorités étranges et délicieusement old-fashioned que sa devancière, mais parvient à surprendre par ses orientations contrastées. Point de mixture indigeste ici, mais un piano tantôt caressant, tantôt clinquant, des guitares légères ou incisives jouant sur des motifs musicaux bien plus que sur des riffs, et des arrangements à la modernité discrète, qui se consacrent surtout aux rythmes, moins fluides, plus en rupture. Ces choix gardent une vraie cohérence avec les paroles amères et pleines de déception et de colère rentrée de Fiona Apple, qui à 28 ans, et après bien des épreuves, fait ici étalage d'une belle maturité artistique.

Pour écouter deux titres de l'album, c'est .

A écouter : Extraordinary Machine, Oh sailor, Parting Gift, Red Red Red, Not About Love
16 / 20
4 commentaires (16.63/20).
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When The Pawn Hits The Conflicts He Thinks Like A King What He Knows Throws The Blows When He Goes To The Fight And He'll Win The Whole Thing 'Fore He Enters The Ring There's No Body To Batter When Your Mind Is Your Might So When You Go Solo, You Hold You ( 1999 )

Après le grand succès de son premier album Tidal, Fiona Apple faisait son retour en 1999 avec un deuxième opus intitulé When The Pawn.

Moins évident que son prédécesseur, le disque regorge néanmoins de cordes, de rythmes syncopés et de décrochages jazzy en diable comme sur le premier morceau On The Bound. When The Pawn s'appuie avec rigueur sur le piano chéri de la belle New Yorkaise qui semble par ailleurs avoir aussi peaufiner des lyrics très personnels. Ainsi, rien ne semble facile sur ce disque travaillé. Insaisissable réfractaire au mièvre comme au mielleux, Fiona Apple rejette l'amour sur l'excellent To Your Love, sorte de complainte faussement enjouée, ou joue la fuite effarouchée sur le percutant Limp.

When the Pawn balaye ainsi les critiques d'un revers avec une collection de morceaux richement orchestrés et des paroles recherchées. L'évidence mélodique qui se dégage de Paper Bag ou du bondissant Fast As You Can laisse place à la mélancolie de Love Ridden ou du très touchant I Know sans dépareiller. Fiona Apple se montre ainsi sous un jour intime dans la continuité de Tidal, mais multiplie les contre-pied. Le disque accumule ainsi les chansons d'amour contrarié.

Sans atteindre l'exceptionnel Tidal, When The Pawn s'avère une réussite indiscutable dans le registre pop jazzy qu'affectionne Fiona Apple. Une confirmation donc.

A écouter : Sans mod�ration
18 / 20
5 commentaires (16.4/20).
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Tidal ( 1996 )

18 ans. De quoi crier au prodige. De quoi impressionner le magazine Rolling Stone. De quoi envoyer se faire foutre le monde entier en direct sur MTV. De quoi figurer dans l'autobiographie de Marilyn Manson. De quoi faire son entrée dans le top des chanteuses américaines. Live from New York City, Fiona Apple, reine des marées et des frissons qui parcourent l'échine. Tidal.

Diaphane, bouille de bébé, nombril percé, ainsi se présente la petite chanteuse en 1996. Son allure frêle cache une voix chaleureuse et l'habitude de marteler les touches de son piano avec énergie. Des parents divorcés, un viol à 12 ans, des séances de psychothérapie et une cargaison de pilules anxyolitiques dans le sang, pour l'histoire la moins rose. Sullen Girl débarquée avec un premier album joliment introspectif, rempli de fêlures, de sentiments trop grands pour soi, mais aussi et surtout d'une touche d'arrogance et de culot qui fait les grandes artistes. Fiona Apple, c'est l'oisillon tombé du nid sur lequel on se penche avec tendresse, le chaton calin qui soudain plante ses griffes dans la chair et ne lâche plus prise.

Tidal compte les rêves enfouis et les regrets amers. C'est un monde cristallin, en noir et blanc qui s'offre et se refuse au visiteur. Mélodies touchantes, cascades pianistiques, nappes de cordes harmonieuses et emballements poppy, les compositions étonnent par leur richesse et leur limpidité. Innocente prenant des airs coupables, Fiona Apple promène ses incertitudes de jeune femme grandie trop vite (The Child Is Gone) au gré des notes de son piano, se laisse enveloppée de violons délicats ou bien emportée par quelques accords de guitare entraînants. Criminal en petite culotte sur MTV, pour mieux redevenir l'incomprise de Never Is A Promise. Sa voix étonne par sa profondeur, trouble par sa sensualité, et touche par sa fragilité.

La petite chanteuse interpelle, lance des noms doux, darling ou bien honey, pour retenir l'attention et l'obtient sans difficulté. Pourtant chaque mot d'amour se noie dans l'oubli (Sullen Girl) et pourrit comme une charogne (Carrion). Aucun réconfort de ce côté, mais des blessures, des outrages de femme blessée (Sleep To Dream), et quelques jeux amusés, un goût sucré au lèvres (The First Taste). L'écume aux chevilles et le vent dans les cheveux, Pale September, atmosphère automnale qui pince le coeur. Pour tout soulagement, le rêve qui remplit les blancs, la musique pour être plus forte. Slow Like Honey...and Heavy With The Mood, on ne saurait mieux dire. 

Tidal, tourbillon de notes délicates et subtiles, de mots qui n'appartiennent qu'à l'intime. Creuset d'émotions sur fond de pop rock classieuse au fort accents soul et jazz. Fiona Apple est une chanteuse vibrante dont on se souvient comme d'une mélodie qui hante le monde, comme d'un secret bien caché. Tidal, premier album, premier bijou.

A écouter : 10 titres, 10 bijoux