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Biographie

Failure

Failure est un groupe de rock alternatif américain, actif de 1990 à 1997, pendant la période qui a fait les beaux jours du grunge, dans l'ombre de grands frères beaucoup plus médiatisés comme Nirvana, Soundgarden et autres rolls royce de l'époque. 
Le groupe sort son premier album en 1992, Comfort, produit par Steve Albini, et partage la scène avec Tool sur toute sa tournée américaine ; le début d'une longue amitié entre les deux groupes. Adams viendra d'ailleurs chaque soir, jouer avec eux, sur le titre Macaque.
Pas très content du son de ce premier album (Albini pourtant), le groupe décide de s'occuper de la production de leur second album, Magnified, qui sortira deux ans plus tard, en 1994. Même si commercialement, le premier album est un échec, le public préférant les stars de l'époque, le groupe commence à faire parler de lui. De plus en plus de groupes, artistes et critiques s'accordent à dire que les californiens possèdent quelque chose d'assez particulier pour amorcer un début de notoriété : un son bien en avance sur son époque et des titres très ambitieux. Tout cela sera confirmé par un deuxième album bien plus pertinent : des titres plus longs, un songwriting original, et surtout, une orchestration, des arrangements, et des sonorités complètement dingues pour l'époque. Les compositions sont pour la plupart écrites par les deux multi-instrumentalistes du groupe, Ken Andrews (chant, guitares, basse, batterie) et Greg Edwards (guitares, basse, batterie), ce qui explique en partie la complexité, la cohérence, et, il faut bien le dire, le caractère bien trempé des titres du groupe, qui vont grandement participer à la réussite artistique de Failure.

Le groupe sent bien qu'il y a quelque chose à faire avec toute cette créativité, et décide de sortir dans la foulée, en 1996, ce qui va devenir un des meilleurs albums de cette période rock prolifique. Un des plus méconnus et sous estimés également. A noter qu'à cette période, Troy Van Leeuwen (A perfect circle, QOTSA, Eagles of Death Metal entre autres)  viendra complèter le line up et donner un coup de pince pour la finalisation de l'album et la tournée qui suivra.
Avec Fantastic Planet, toujours produit, enregistré et bidouillé par le groupe, Failure touchera du bout des doigts la notoriété ; les singles Stuck On You, Saturday Savior et Pitiful reçoivent un accueil encourageants ; Stuck On You restera même quelques temps sur MTV. Et puis un dernier single assez connu pour la route, puisque c'est A Perfect Circle, dix ans plus tard, qui en fera une cover intéressante, souvenez vous, un certain "The nurse who loved me"... 
L'album, décevant comme toujours niveau recettes, est pourtant assez incroyable entre les oreilles, les titres sont presque tous des hits pour qui s'attarde un peu sur ce songwriting si particulier, les interludes musicaux profonds, et la richesse et densité complètement folle pour un tel groupe. Toutefois, ce nouvel échec de Failure (!) signera l'arrêt définitif du groupe, qui se sépare, officiellement, pour divergences musicales. Ils laisseront derrière eux trois albums formidables, témoins d'une créativité hallucinante, maintes fois salués par les critiques et le milieu artistique, mais peu plebiscités par le public.

Andrews reprendra les chemins de la scène quelques années plus tard avec ON, un projet solo plutôt électro, et Year of The Rabbit en 2002, son vrai retour à une formation rock classique. Mais l'ancien front-man de Failure est plus connu pour son travail de producing / mixing, ce qui l'aménera à commencer une carrière très prolifique de producteur, avec au compteur des collaborations avec A perfect CircleBeck, Nine Inch NailsPete YornParamoreCandleboxTenacious D ou encore Black Rebel Motorcycle Club et Chris Cornell.

En 2004, bien qu'inactif depuis plusieurs années, Andrews et Edwards se réunissent et sortent Golden, compilation de B-Sides, bonus, démos et autres raretés de Failure, ainsi qu'un live et un documentaire sur le groupe.

Fin 2013, contre toute attente, le groupe se reforme, avec son line-up original, donne une série de concerts aux Etats Unis, et ouvre, comme à son habitude, pour Tool lors de sa tournée, puis commence à travailler sur son quatrième album, The Heart Is A Monster, qui sortira fin juin 2015.

16 / 20
1 commentaire (17.5/20).

Wild Type Droid ( 2021 )

Après les retours glorieux d’autres comètes des années 90 que sont QuicksandHum ou Shiner, Failure a senti que c’était le bon moment pour y aller de son sixième album, le troisième depuis son repositionnement dans le jeu en 2015 avec The Heart Is A Monster. Entre les deux s’intercale un In The Future Your Body… dense et assez expérimental mais qui vaut largement le détour, rien que pour le rendu énorme dont il bénéficie. Et Wild Type Droid s’appuie en partie sur ce matériel renouvelé afin de nous mettre environ toutes et tous d’accord.

Avant de poser une oreille c’est l’œil qui est sollicité par un visuel fantastique, où un Gulliver astronaute états-unien gît dans le désert (mexicain ?), des lilliputiens exilé.e.s faisant la queue pour s’introduire dans la carcasse dépourvue de tête. Un surréalisme fin qui s’accorde à l’aise au contenu, auquel on succombe bien trop facilement, entre le velours rythmique et psyché de Water With Hands, le tube de l’espace Submarines, les décollages de guitares-fusées en direction de Mercury Mouth, ou la basse vrombissante du Grunge cosmique de Long Division, habillé d’une voix toujours impeccable, aux variations discrètes mais décisives, tout est en place. L’ennui n’est pas de ce monde.

Et le monde de Failure est désabusé, exaspéré sans être résigné, flanqué de ce groove mutant irrésistible. Le pas est parfois lourd mais le feu s’agite en permanence, maintenu au fond des tripes, et déborde régulièrement à travers les textures élastiques ou synthétiques. Par effet de contraste on atteint aussi des pics de sérénité (les resplendissants Bring Back The Sound et Half Moon), le tout porté par une basse au four ainsi qu’au moulin et une production tout à fait démentielle.

On était pas trop inquiet à l’annonce du nouveau Failure, vu la maîtrise de tous les instants affichée sur chacune de leurs sorties. Chose qui nous fait à chaque fois regretter la sous-exposition d’un groupe pourtant majeur dans le paysage Space Rock / Post-Hardcore, et on espère qu’il pourra jouir de plus d’attention du « grand public » à l’avenir car avec Wild Type Droid, l’échec n’est définitivement pas de ce monde.

A écouter : en mode sans échec.
15.5 / 20
2 commentaires (15.5/20).
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The Heart Is A Monster ( 2015 )

Improbable. Si on m'avait annoncé très sérieusement que dix huit ans après un naufrage discret, nous assisterions au retour sur la scène d'un des groupes les plus importants des années 90, totalement incompris lorsqu'il était actif (1991 - 1997), je vous aurai alors ri au nez.
Comme si Refused ou Faith No More revenaient d'entre les morts... Ah... On me dit dans l'oreillette que...
Presque deux décennies de musique après leur dernier album en date, Fantastic Planet, bijou absolu du groupe et d'une époque musicalement très riche, Failure nous revient avec The Heart Is A Monster, quatrième album du trio californien.
Si l'attente n'a pas eu lieu - la réunion plus qu’invraisemblable de cette formation ne devait jamais arriver - on peut dire que la surprise, elle, a été totale.
C'est donc après une campagne assez rapide de Pledge Music (kickstarter pour la musique) pour financer ce nouvel album que le groupe se retrouve en studio, comme au bon vieux temps, pour enregistrer ni plus ni moins que la suite logique de Fantastic Planet (les interludes instrumentaux, les fameux "segue" reprennent au numéro 4, petit clin d'oeil...), soit 18 nouveaux titres d'un space-rock qui n'a pas pris une ride. Ou presque...

On avait laissé Failure en 1996, avec un album (re)devenu un classique du genre, sorte de space-rock aux accents grunge, mélangeant structures typiques de la musique de l'époque, avec des éléments propres au groupe, tributaires d'un son et d'une façon de faire qui leur permettait à l'époque de se propulser 10 ans en avance sur tout le monde. Que peut on donc attendre d'une suite, en 2015, puisque bien évidemment ce qui était indéniable il y a 20 ans, l'est beaucoup moins aujourd'hui.
Leur son n'a pas vraiment bougé, quelques mises à jour sur certains effets, quelques arrangements dans l'air du temps, mais globalement le mode d'emploi n'a pas bougé d'un iota.
On retrouve toujours ce son si particulier, mélange de rock "grungisant" bourré d'effets, de rock alternatif tantôt agressif, tantôt tranquille, avec en permanence ce côté ultra addictif qui survole tous les refrains de la galette, et cette lasagne infinie de couches de guitares qui font qu'un album de Failure ne ressemble à aucun autre.

Complètement immobilisés dans les années 90 niveau instrumentalisation, le trio, toujours aussi pertinent dans la composition, nous livre une petite heure de concentré 90's très réussie. Des titres comme Hot Traveler, A.M Amnesia, Counterfeit Sky ou Come Crashing ont tout ce qu'il faut pour devenir des classiques du groupe, d'autres, plus complexes et moins évidents, dégageront toute leur saveur au fil du temps (Mulholland Dr., The Focus ou I can see Houses). 
Malgré des pistes instrumentales magnifiques, des titres franchement très réussis, et une volonté globale de s'accrocher à des attitudes et des structures de l'époque et de persévérer dans ce sens, avec brio il faut bien l'avouer, il manque un petit quelque chose, un ingrédient qui fait que ça ne fonctionne pas ou peu sur la durée. C'est très difficile à expliquer, mais on pourrait résumer cela à un manque de prise de risque, qui fait qu'on ne revient pas aussi souvent sur cet album que sur un Fantastic Planet par exemple. 
Même si l'époque est différente, même si les membres du trio ont tous emprunté un chemin différent, même si les vieux démons addictifs de l'époque semblent avoir disparu, on retrouve dans leur musique et dans les thèmes développés la même tristesse globale qu'il y a 20 ans, la même putain de tristesse (!), cet isolement émotionnel si caractéristique, ces durs constats personnels que rien ne peut endiguer. Voilà peut être ce qui saute aux yeux après toutes ces années : on ne change pas si facilement la musique et le propos de Failure, et de fait, l'album parlera surtout aux habitués du genre.

Entre bonheur de retrouver ce son tellement dingue, qui fait indéniablement pencher la balance du côté positif, et la (petite) déception liée au manque d'innovation d'un style bloqué quelques années en arrière, et parce que des albums de cette trempe sont tellement rares, ce nouvel album trouvera la place qu'il mérite dans le cœur des fans. Dépoussiérée à grand coup de refrains imparables, de mélodies et mélancolie poignantes, c'est toute une époque que nous font revivre Failure le temps d'un album et ce serait bien bête de passer à côté.

A écouter : Hot Traveler, A.M Amnesia, Mulholland Dr., I can see Houses
18 / 20
3 commentaires (18.83/20).
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Fantastic Planet ( 1996 )

Nous sommes en 1996, la folie grunge s'estompe un peu depuis quelques temps, certains groupes s'en sont bien tirés, d'autres vont bientôt tomber dans l'oubli.
C'est cette même année que choisit Failure, alors plutôt dans la deuxième catégorie, pour sortir son troisième album, Fantastic Planet. Le groupe ne sait pas encore que ce sera son dernier album à paraître pour cette période, faute à un son (trop ?) particulier, et des albums peut être un peu trop ambitieux pour l'époque. Pour l'heure, les Californiens misent tout sur ce nouvel album, et malgré des débuts prometteurs (passage sur MTV, critiques plus que convaincantes), ils jetteront l'éponge un an plus tard, officiellement pour divergences musicales.

Qu'à cela ne tienne, prenons du recul et dépoussiérons cet album, fantastique au demeurant, et retournons juste pour quelques instants dans les années 90, en compagnie d'un groupe méconnu (et c'est bien dommage), qui livre là son meilleur album, objet à l'inspiration dingue qui aurait pu (dû ?) marquer les esprits de l'époque.

Failure, ou l'échec grunge triste à mourir...

On parlera de grunge car l'époque s'y prête, parce qu'il y a bien des ressemblances typiques niveau âpreté du propos et espérance de vie au niveau des chaussettes (l'ensemble des morceaux est d'une mélancolie et d'une tristesse à pleurer), mais juste pour s'affranchir de comparaisons blessantes avec tel ou tel groupe de Seattle et environs, on parlera surtout de space-rock, ou rock alternatif, choisissez celui qui vous parle le plus, c'est pas très important. Premièrement parce que ces étiquettes à la con sont bien pratiques pour y mettre tout et n'importe quoi, et deuxièmement, surtout parce que niveau son, Failure se démarque tellement de ses contemporains, que ce serait une insulte pour tout le monde que de les ranger sur la même étagère qu'un Nirvana ou un Soundgarden.

Failure détonne, étonne, et malgré quelques ressemblances subtiles (Nirvana et Eels, pour les ressemblances vocales disséminées ça et là, Soundgarden pour quelques gimmicks de guitare ou encore Alice In Chains pour le côté lourdeur des ambiances), quiconque y jette une oreille 20 ans après la bataille sera bien obligé de reconnaître que l'album ne fait pas son âge et sonne toujours aussi bien.
Si musicalement parlant Fantastic Planet se démarque, paroles et thèmes abordés ne sont pas non plus en reste et regorgent de perspectives, de points de vue et de réflexions intelligentes et intéressantes sur l'époque. Failure s'inspire du film d'animation de René Laloux "La planète sauvage" (Fantastic Planet en anglais) récompensé à Cannes en 1973, pour le côté visuel, le titre de l'album et le concept méditatif autour duquel tourne le film. Le trio bâtit tout un parallèle entre cet univers cinématographique très riche et la réalité de l'époque, succession de désillusions, de crises identitaires, bad-trips et autres déceptions sentimentales. Un subtil mélange, entre voyage spatial, méditation, déconnexion total d'individus, addiction à l'héroïne (le groupe a eu ses soucis), et histoires d'amour incroyablement tristes (Stuck On You et Daylight donnent la chair de poule), un voyage vers la lumière, un éclair de conscience défigurant le trou noir existentiel qui semble hanter cette époque, où chacun y trouve son compte, jamais complètement cynique, jamais innocent non plus.

Les thèmes abordés et la mise en scène subtile du groupe, et c'est un des points forts de l'album, ne sont pas synonymes d'indigestion ou de zèle musical imbuvable, loin de là. L'album, malgré ses 68 minutes, est incroyablement bien équilibré et varié, la densité instrumentale est folle pour l'époque, et chaque titre se veut accessible, pour ne pas dire diablement catchy. Refrains imparables sur quasiment tous les morceaux, interludes magnifiques, tout s'enchaîne à la perfection, et on ne peut dignement rien trouver à redire à ce déluge d'inspiration qui force le respect.
En avance sur son époque, Failure développe son style si particulier tout au long de l'album, que ce soit à travers des tubes en devenir (Saturday Saviour, Dirty Blue Balloons, Pillowhead ou Sergent Politeness), des ballades space-rock faussement naïves (Blank, The Nurse Who Loved Me, Stuck on You) ou des titres plus typés grunge (Pitiful, Leo, Solaris), rien n'est commun ni ne sonne banal, le travail opéré sur chaque structure est minutieux et tout sauf anodin : utilisation massive d'effets et d'arrangements à tous les étages (la marque de fabrique du groupe), superposition d'une quantité astronomique de couches de guitares, une basse terrifiante, des refrains, réfléchis et souvent introspectifs qu'on pourrait écouter des heures durant, et toujours cette exécution sans faille, sans temps mort.

Un disque majeur, vous l'aurez compris, autant dans la carrière du groupe que pour les répercussions qu'il aura eu sur une flopée de groupes de l'époque.
Si vous êtes passé à côté de cet album (on peut comprendre tellement la carrière de Failure est anecdotique), jetez vous dessus sans réfléchir: même 20 ans après, la qualité de la chose est indéniable, un titre de Failure reste identifiable parmi mille, vous allez vite vous en rendre compte.



A noter, deux titres de cet album seront repris quelques années plus tard, A Perfect Circle réinterprétera de façon très réussie The Nurse Who Loved Me, tandis que Paramore  massacrera le bijou qu'est Stuck On You.

A écouter : Comme l'un des meilleurs albums de sa génération