We Couldn't Seize A Bit Of Truth manquait sans doute d'encore un peu de caractère si l'on se réfère aux mots écrits il y a quelques années, mais en 3 ans, Dawnshape s'est construit, a tenté de devenir une personnalité à part entière tout en gardant ses influences à la Chokebore. Il n'est en effet plus question de Team Sleep (et par extension Deftones), mais plutôt du combo de Troy Von Balthazar ou encore de Slint dans l'agencement et les ambiances (Bearded Dude Simulacre), nom tout aussi culte et intéressant même si la disco du groupe ne se limite qu'à 3 disques. 
Avec le cru 2010 de Dawnshape, ne demeurent que des volutes noisy, avec le sentiment d'être dans une sphère volontairement imparfaite, à l'image de l'être humain et de ces sonorités qui éraflent (Border) quand elles ne montrent pas une fragilité sincère (No Alchemist) via le frontman. Les compos sont de qualité et heureusement, Dawnshape arrive tout autant qu'avant à faire vibrer ces cordes intérieures, petit univers d'une vingtaine de minutes où 3 musiciens échangent sur leurs craintes et émotions (Bearded Dude Simulacre). 
Certains parleront d'un chant parfois imprécis (Several Inputs) mais si le combo se pose dans la lignée de Slint, n'est ce pas volontaire ? C'est cette facette à double tranchant qui est finalement le point noir de Dawnshape : toujours cette ombre Chokebore / Slint qui pèse, peut être moins encombrante que sur We Couldn't Seize A Bit Of Truth, mais tout aussi éloquente, surtout avec une ligne vocale assez risquée (on aimera ou pas, mais la prise de risque est là). 

Avec Sparse Prism, Dawnshape va un peu plus loin. Encore perfectible, notamment dans le chant, le combo ne montre pourtant pas de signe de faiblesse dans sa capacité de composition. On est encore loin des cultes Chokebore ou Slint, mais l'essentiel est là, plus que sur We Couldn't Seize A Bit Of Truth. Encore un petit effort, le plus dur est déjà réalisé.

A l'évidence, Dawnshape est une entité en pleine phase de maturation, et ces 7 titres, fébriles et candides, témoignent d'influences encore au stade de l'assimilation. Pour l'heure, le trio tente de s'approprier les travers de Team Sleep, voire de Deftones lorsque la guitare se fait davantage mordante, mais surtout lorsque le chant, usant d'un souffle particulier et bien reconnaissable, jouxte les prises de parole de Chino Moreno. Dawnshape se confine toutefois à un réceptacle résolument indie rock, fébrile et venteux, au sein duquel les émotions s'échappent au compte goutte, comme un filet d'eau claire, glacé et étincelant, perçant son chemin dans un sous-bois encore humide. Par moments, Dawnshape joue sur la retenue des actes, le repli de soi, et sur les sentiments enfouis et évacués seulement à demi-mot. A d'autres, le siphon s'efface et laisse le flux s'exprimer de toute sa force tout en conservant, en filigrane, une certaine fragilité. Il en ressort de superbes aplats, irisés et touchants, qui renvoient indubitablement à la sensibilité désabusée de Chokebore. "Dandelions", morceau le plus abouti et le plus riche, est le point d'orgue de la filiation des parisiens avec le groupe de Troy Von Balthazar.

Malgré un tact certain pour créer son propre monde intérieur, Dawnshape peaufine encore ses gammes et son propos reste profondément griffé de la patte d'une paire de grands noms. Parfaitement conscient de cette personnalité morcelée, Dawnshape devra sublimer son esthétique actuelle avant de pouvoir prétendre à forger son caractère adulte.