Les Crusades ont traîné leurs guêtres de squads en rades, croisant les frettes aussi bien dans des formations post hardcore cafardeuses que dans des combos pop punk old school ayant The Queers pour grand pères et Jawbreaker comme tonton.
De cet héritage pop punk (après tout ils sont sur le label californien It's Alive Records, catalyseur du revival pop punk old school), il ne leur reste que des mélodies brumeuses. Le soleil de la Côte Ouest s'éclipse derrière le brouillard hivernal: ici c'est la région du grand froid. Tout près, il y a Montréal et ses Preying Hands. Plus loin, les anciennes cités ouvriéres du Nord-Est des Etats Unis: Pittsburgh (Anti Flag - "Termites"), Chicago (The Lawrence Arms - "Driven"). De l'astre du Tennessee (Tragedy, From Ashes Rise...) ne filtre qu'un filet de lumière fumant ("Remedy").
Sombres Crusades. Mus par un anticléricalisme profond, à quatre voix ils renouvellent sur chaque piste leur profession d'irréligion. Comme pour mieux dérouter le catholicisme, ils en détournent l'apparat traditionnel: intro d'orgue funèbre ("Attic"), chorale, cloches, et un "Serpentine" façon cathédrale (voix lointaines réverbées, piano discordant...) Une plongée prolongée dans le cloître noir de Crusades qui soigne ses transitions et alimente la pénombre entre chaque pièce. L'outro acoustique du plus bel effet met d'ailleurs un point final magistral à l'oeuvre.
Avant ça il y aura eu l'engagement, marqué par ce multi-chant dynamisant et porteur de diversité mélodique. Car leur punk rock sombre regorge d'harmonies lumineuses et ressusciterait presque le punk rock sauce horror d'AFI à la fin des 90s ("Beacons", "Rapture"). Sauf qu'ici, pas de chichis: les morceaux tournent autour des 2 minutes sur une prod' rustique, façon guitares salement saturées, vocaux en retrait et batterie qui ressort de trop.
25 minutes bien denses, sans temps mort ni remplissage.
Avec le recul, Crusades ont des tripes bien accrochées pour digérer un telle salade tout en conservant leur identité. Sans compter leur véritable tour de force: les noces paradoxales du romantisme sépulcral et des mélodies sémillantes.
A écouter : un soir de pluie