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Biographie

Caligula's Horse

Formé en 2011 à Brisbane par Sam Vallen (Guitare / Chant) et Jim Grey (Chant), Caligula's Horse sort très vite un premier album en duo, Moments From Ephemeral City, laissant entrevoir un beau potentiel dans le domaine d'un Metal progressif sachant se faire lourd, mais faisant également la part belle aux ambiances acoustiques et mélodiques. Le duo recrute par la suite Dave Couper (Basse / Chant), Geoff Irish (Batterie) et Zac Greenstill (Guitare) pour offrir en 2013 The Tide, The Thief&Rivers's End, concept album traitant des thèmes de l'isolement et de l'exode. Tournant beaucoup avec des groupes comme Opeth, Mastodon, The Dillinger Escape Plan ou The Ocean, les Australiens sortent leur troisième disque, Bloom, en 2015 via Insideout Music.

Chroniques

In Contact Bloom
17.5 / 20
4 commentaires (15.88/20).
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In Contact ( 2017 )

On a tous nos chouchous. Cette petite poignée d'artistes dont on parle avec une lueur particulière au fond des yeux, dont la musique nous semble étonnamment proche d'une résonance parfaite avec nos propres sentiments, notre conception de ce que devrait être la musique. Rester objectif en chroniquant ces groupes tient toujours autant de l'agréable challenge que de la vicieuse torture, étant tiraillé entre les superlatifs que l'on estime mérités et le considérable effort de détecter, voire d'inventer, des potentiels défauts à l'œuvre. In Contact est un cas particulier de ce genre de chronique idolâtreuse : je ne l'ai pas vu venir. Caligula's Horse n'avait tout simplement pas atteint le rang nécessaire à mon cœur avant cette dernière livraison, mais c'est désormais chose faite. Si comme moi, vous aviez aimé Bloom, préparez-vous à une gifle monumentale et sublime, que je vais tenter, donc, de décortiquer sans trop de mièvrerie.
 
Les Australiens proposent avec In Contact un disque plein de rivalités. Bien sûr, c'est d'abord musicalement que ça se conçoit : certains titres déménagent bien plus que d'autres, comme Will's Song (Let The Colors Run) ou The Cannon's Mouth ; par opposition aux très aériens et reposants Love Conquers All ou Capulet. De même, on note aussi de façon bien plus présente que sur l'opus précédent un équilibre entre Prog Rock mélodique et Metal moderne djentisé, d'une façon intelligente rappelant Haken. Mais au-delà de ces évidents aspects, dès la deuxième écoute on ne peut s'empêcher de tomber amoureux des prouesses vocales de Jim Grey, qui officie intégralement en chant clair. Le frontman apporte de son timbre chaud et précis une nouvelle échelle de dualité, entre la puissance efficacité des instruments (The Cannon's Mouth, le final de Graves, Songs For No One) et les voix si lumineuses, tellement éclairées, habitées à un point rare (The Hands Are The Hardest, les refrains de Dream The Dead). Héros véritable de In Contact, le vocaliste s'en sort haut la main sur tous les registres en clean : inquiétante voix grave (couplets de The Cannon's Mouth), chœurs criés (à la fin de Graves et de Songs For No One), envolées lyriques incroyables un peu partout, et même... un poème en prose déclamé sur trois minutes à cappella (Inertia And The Weapon Of The Wall), rendu plein de vie par le charme théâtral de cette hypnotisante voix. Au sein même de ce chant règnent différentes ambiances, plusieurs dichotomies qui rendent l'album si complet.
 
Malgré ses voix exclusivement chantées, l'opus est estampillé "Metal" sans aucune forme d'hésitation et sur bien des plans, notamment pour ses solos virtuoses, (mention pour celui de Will's Song (Let The Colors Run)) et ses rythmiques telluriques. Pourtant, on notera aussi une dimension quasi-Pop à certains passages : The Hands Are The Hardest surtout, mais aussi dans Fill My Heart (malgré son intro sombre), dans la reprise au milieu de Dream The Dead et dans plusieurs parties de Songs For No One... Cette influence déjà pressentie dans Bloom (avec Turntail) est ici bien plus développée et surtout bien mieux intégrée aux compositions. Car comme les autres dualités mises en lumière ici, l’oxymore "Metal Prog popisé" proposé par Caligula's Horse est bluffant de cohérence et d'intuition. Mieux que ça : pour que ces associations et rivalités entre différents éléments soient toutes aussi réussies, on sent un immense effort de dosage subtil lors de l'écriture. Rien n'est laissé au hasard par le quintet, et le résultat logique est que tout fonctionne. Les parties les plus folles sont rendues compréhensibles sans qu'elles en soient dénaturées (la rythmique impossible à suivre à la fin de Dream The Dead est amortie par une ligne de chant hypnotique ; ou la dernière intervention syncopée de l'album, lancinante et étirée, mais allégée par un saxophone qui semble tellement évident), les passages donnant dans l'efficace sont toujours plus aiguisés qu'on ne le pense à la première écoute (notamment grâce au jeu plein de finesse et d'inventivité du nouveau batteur Adrian Goleby). In Contact donne ainsi l'impression d'être le disque de Metal "ultime", le disque qui convaincra vos potes que vous pouvez metalleux/metalleuse ET sensible, le disque que vous voudrez offrir à vos parents pour leur faire une initiation au Prog, le disque que vous pourrez mettre en fond sonore en ramenant un rencard chez vous pour subtilement affirmer votre élitisme musical tout en imposant pas quelque chose d'extrême, le disque que vous réécouterez longtemps avec plaisir en vous demandant ce que vous découvrirez cette fois-ci, et peut-être même le disque qui pourrait servir de mètre-étalon pendant cinq ou dix ans pour juger les prochaines sorties du genre. Rien que ça.

A écouter : The Hands Are The Hardest, Will's Song (Let The Colors Run), Graves, Dream The Dead, The Cannon's Mouth, Songs For No One.
16 / 20
1 commentaire (12.5/20).
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Bloom ( 2015 )

Le Metal progressif est un genre qui divise. D’un côté les adorateurs de cathédrales sonores édifiées à partir de multiples matériaux, parfois d’assez mauvais goût, dont l’objectif se limite souvent à monter le plus haut possible, sans se soucier du fait qu’une fois arrivé au sommet, on ne voie plus rien de ce qui se passe au sol. De l’autre, ceux qui ne peuvent pas supporter plus de vingt minutes d’un album de Dream Theater ou d’Ayreon sans tomber dans un état narcoleptique avancé. Entre les deux demeures, la grande majorité d’entre vous n’en a certainement rien à brosser du Metal progressif. Il existe pourtant des groupes qui s’y expriment avec suffisamment de sobriété et de fraîcheur pour rendre accessible et jouissif un style qui peut si facilement basculer dans la complaisance et la caricature. Caligula's Horse est assurément de cette trempe.

Si l’auteur de ces lignes n’a rien, bien au contraire, contre les groupes cités en début de chronique, il est forcé d’admettre que l’approche des Australiens est diablement séduisante. Alternant parties très mélodiques (dans une veine acoustique évoquant les derniers albums d’Opeth) et riffs et rythmiques trempés dans l’acier d’une fonderie sponsorisée par Meshuggah et Mastodon, le groupe touche au but en jouant sur la retenue et l’efficacité. L’enchaînement Bloom/Marigold, qui débute le disque, est l’illustration parfaite de la capacité des cinq barbus à passer en quelques secondes de la caresse à la grosse claque, du ciel bleu à l’orage, sans avoir besoin de s’étendre sur des morceaux trop longs. Pièce de résistance de l’album, Dragonfly et ses dix minutes (seulement) prennent une dimension épique qui ne s’éloigne pourtant à aucun moment du souci mélodique présent tout au long de Bloom. Le chanteur est particulièrement à l'aise, quelles que soient les circonstances. Les soli de guitare ont le bon goût de ne pas s’éterniser et d’arriver de la façon la plus naturelle qui soit dans les morceaux. Les claviers se concentrent sur la mise en place des ambiances plutôt que de nous noyer sous un déluge de notes. Le batteur sait user autant de la double pédale que d’un délicat jeu de cymbales. De la légèreté du très groovy Firelight à l’agressivité d’un Rust prenant des accents Djent à mi-parcours, le groupe varie les plaisirs et souffle le chaud et le froid avant que l’entraînant Turntail finisse de nous convaincre qu’headbanguer est décidément très bon pour la santé. Le très réussi Daughter Of The Mountain offre une synthèse des qualités du groupe (déjà largement entrevues sur le concept-album The Tide, The Thief&River’s End) lorsqu'il s’agit de nous faire digérer leurs quelques compositions plus riches et complexes avec la plus grande facilité. Surtout, Caligula's Horse n’oublie jamais que dans "Rock progressif" il y a "Rock", ce qui fait selon moi tout l’attrait de cet album, y compris pour les allergiques au genre qui auraient tort de ne pas au moins tenter le coup…

Un disque dynamique, intéressant, bien produit et qui ne dure que 45 minutes (si l’on enlève le titre bonus, une version acoustique de City Has No Empaty, morceau de leur premier album), que demande le peuple ? Si l’empereur romain ayant donné son nom au groupe fut assassiné par ses gardes, Caligula's Horse lui permet de revenir pour un ultime galop d’honneur.

Le groupe était venu à Paris en novembre dernier en première partie des Norvégiens de Shining. Le compte-rendu de ce concert est à retrouver ici.