logo Berurier Noir

Biographie

Francois: Chant
Loran: Guitare/Chant
Masto: Saxo/Tambour
Jean-Mi: Samples

 

Bérurier Noir est le groupe phare du punk français. Fondé un peu par hasard dans les squats parisiens en 1983, le groupe se compose d’abord d’un duo dégageant une alchimie étonnante, grâce à François (chant) et Loran (guitare) accompagnés d’une vieille boîte à rythmes. Toutes leurs productions verront également la présence d’un saxophone, tenu par Masto, qui finira par devenir le véritable troisième larron.
Le public répond rapidement présent à ce mélange détonant, ce qui conduit le groupe à poursuivre une aventure pas vraiment prévue pour le long terme. En 1984 sort le premier album, Macadam Massacre, disque très sombre et ultra-minimaliste, aux relents d’Orange Mécanique et reflétant le mal-être d’une jeunesse complètement perdue au sein d’une société qu’elle ne comprend pas et qu’elle rejette. Dès l’année suivante sort Concerto pour Détraqués, album qui portera Bérurier Noir en position de chef de file du mouvement alternatif. Le duo s’entoure désormais de toute une bande sur scène faisant office de clowns, de choristes ou tout simplement de pitres. Toute cette raïa fera un bien fou à François et Loran qui passeront progressivement d’un nihilisme en noir et blanc à un « Yes Future » tout en couleurs, symbolisé par Abracadaboum!, le troisième album. Les médias s’intéressent même au groupe (tout comme les majors, qui se verront renvoyer un refus catégorique) et on se bouscule maintenant pour assister aux concerts : c’est l’apogée de Bérurier Noir.
La musique est toujours minimaliste mais plus festive, et les paroles acérées intègrent également quelques touches de second degré. Le discours du groupe reste cependant principalement basé sur les problèmes sociaux, la misère, le racisme, les dérives capitalistes, le totalitarisme, la solidarité, …, le tout entouré des principes libertaires sortant de la plume de François, et porté par la guitare aux riffs incisifs de Loran. Les slogans sont nombreux et le plus célèbre se trouve toujours dans la mémoire collective : aucune manif contre l’extrême droite ne se fait sans que ne soit scandé « La jeunesse emmerde le Front National »…
La vie reste toutefois difficile pour toute la troupe. Les tensions apparaissent et les conditions de tournée sont très difficiles. Le groupe, fidèle à ses principes,  fait le maximum pour garder un prix abordable pour les places et les boissons, acceptant pour cela des cachets dérisoires pour une formation de cetteimportance. Tournant en rond musicalement, miné par le poids de tout un mouvement sur ses épaules ainsi que par des problèmes avec le label Bondage, Bérurier Noir décide de se saborder, fidèle à la devise « Vivre libre ou mourir… ». Après un tournée d’adieux et la sortie d’un dernier album, Souvent Fauchés, Toujours Marteaux, le groupe triomphe les 9, 10 et 11 novembre 1989 dans un Olympia plein à craquer (le célèbre live Viva Bertaga y est enregistré). C’est la mort du rock alternatif en France, du moins symboliquement.
Best of et autres inédits verront le jour dans les années qui suivirent, jusqu’à la sortie sur leur label Folklore de la Zone Mondiale d’un pléthorique dvd intitulé Même Pas Mort. Il n’en faut pas plus pour relancer les rumeurs de reformation, confirmée quelques mois plus tard par leur présence aux Transmusicales de Rennes fin 2003. La machine Bérurier Noir est provisoirement relancée, notamment par la remasterisation de leurs albums. Quelques rares concerts suivront, dont celui donné à Québec devant pas moins de 50 000 personnes ! Un autre cd/dvd live (L’opéra des loups) rendra compte de ces prestations. De nouveaux titres sont enregistrés et donneront vie à Invisible, album sorti fin 2006 malgré la nouvelle annonce de l’arrêt des activités du groupe.


Merci à Baptiste pour cette biographie.

17 / 20
4 commentaires (11.75/20).
logo amazon

Souvent Fauché Toujours Marteau ( 1989 )

Dernier album de la première période Bérurier Noir, Souvent Fauché Toujours Marteau naît dans la douleur. Il est le fruit d'un arrangement entre Bérurier Noir et Bondage, leur label, suite à une bataille judiciaire entre les 2 parties. Moins festif que Abracadaboum, moins noir que Concerto Pour Détraqués et moins malade que Macadam Massacre, Souvent Fauché Toujours Marteau est ravagé, engagé, et varié.

Varié parce que Bérurier Noir insère du Hip Hop sur "Quesako", une musique quasi-militaire sur "Carnet De Route", ou orientale sur "La Danseuse De L'Orient" et "Djebel" et déstructurée sur "Clockwork Béru" (chanson écrite en hommage à Orange Mécanique, film de Kubrick tiré du roman de A. Burgess). Bérurier Noir continue dans la voie engagée par Concerto Pour Détraqués puis Abracadaboum, à savoir une ouverture au monde, à travers les sonorités et les paroles.

Engagé car Bérurier Noir dénonce toujours cette violence, est profondément antimilitariste. Sur "Carnet De Route", c'est une critique de la guerre (plus particulièrement celle d'Algérie) qui est portée à nos oreilles, "Protesta" se lève contre le régime de Pinochet au Chili tandis que "Djebel" reprend le thème de la torture et de la guerre dans les régions Nord-Africaines. Engagé aussi contre les ravages de la drogue chez les jeunes, sur "Soleil Noir". "Ainsi Squattent-ils" sonne comme un air à chanter autour du feu, une ode aux squats et leur mode de vie tant décrié.

Ravagé sur des morceaux comme "J'Suis Zinzin" ou "Clockwork Beru". Comme si finalement les hôpitaux psychiatriques tant décriés dans les précédents albums avaient forcé les leaders à écrire ces textes sans sens premier, décousus ("Et quand je vois des zolies fleurs / J'ai envie d'les écrabouiller / Et d'les offrir à ma p'tite sœur / Avec un air d'ange détraqué" sur "Clockwork Beru"). "Deux Clowns" est un conte malsain, histoire d'un duo que la folie a gagné. Le mal-être est mis en musique comme un spectacle, amenant un malaise masqué par le maquillage de Zeppo et Ricco.

En 1989, Bérurier Noir est composé de 5 membres, dont 3 musiciens. Cela n'empêche pas le groupe de composer d'autres morceaux avec des chœurs, mais moins marquants et entrainants que "Vivre Libre Ou  Mourir" : "Carnet De Route", "Protesta" ou "Djebel". Bérurier Noir en paraît amoindri, comme si l'unité, le mouvement présent sur Abracadaboum s'étaient dispersés avec les problèmes du groupe. Le trio saxophone / boite à rythme / guitare fonctionne toujours aussi bien, mais la raïa a perdu un peu de sa force, donnant le sentiment d'un album enregistré à contrecœur. Malgré cela, les compositions sont toujours aussi fouillées, travaillées que sur Abracadaboum. Le groupe a mûri depuis les frêles morceaux de Macadam Massacre, la fragilité et noirceur ayant quasiment disparu sur Souvent Fauché Toujours Marteau.

En 4 albums, Bérurier Noir a vécu, grandi, brandi le drapeau de la jeunesse. En 1989 s'éteint, certes temporairement, un groupe de rock alternatif qui aura marqué sa génération par sa noirceur, sa franchise et son intégrisme. Souvent Fauché Toujours Marteau est la fin d'une épopée, peuplée de cahots et difficultés, la conclusion et l'album représentant les différentes périodes connues par le groupe. Sans doute l'un des plus abordables, il prend, comme tout album des Bérurier, toute sa dimension en live.

"Zeppo l'autre clown qui vivait dans le même cirque
Sa tête de grand fou faisait rire les enfants
Ricco était le gugusse et Zeppo le clown blanc
Mais depuis qu'il n'était plus ce n'était plus comme avant"

A écouter : En souvenir.
19 / 20
4 commentaires (12.5/20).
logo amazon

Abracadaboum ( 1987 )

1987, période charnière pour les Bérurier Noir. (Re)connus musicalement, souffrant d'un succès engendrant de nombreux doutes, les musiciens doivent faire face à la médiatisation (passages de "L'Empereur Tomato-Ketchup" en boucle à la radio) et sortent Abracadaboum (ici regroupé avec les 45T L'Empereur Tomato-Ketchup, Vietnam, Laos, Cambodge et Ils Veulent Nous Tuer) durant cette période de crise. Crise interne car les membres du groupe se mettent en grève, certains allant jusqu'à quitter Bérurier Noir, et crise externe car la popularité est croissante, engendrant un rejet de leur musique par une partie de leurs supporters de la première heure.

Abracadaboum est d'une certaine manière l'éveil de Bérurier Noir au monde. Les textes ne concernent plus uniquement le vécu du groupe ou de leurs proches, mais s'ouvrent aux autres problèmes et cultures : "Ibrahim" sur le conflit Israelo-Palestinien, "Tzigane, Tzigane" sur la culture et la vie Bohémienne, "Casse-Tête Chinois", "Viêtnam Laos Cambodge" et "Comme Un Bouddha" sur l'Asie. La musique du groupe (7 personnes en moyenne) subit le même phénomène. La guitare et la BAR ne sont plus enduits de charbon, le saxophone se fait plus présent et moins plaintif tandis que les chœurs, émergeant sur Concerto Pour Détraqués, sont plus dansants, joyeux ("Nuit Apache", "L'Empereur Tomato-Ketchup"). Des consonances et chants orientaux peuplent Abracadaboum, de la musique traditionnelle de "Joli Printemps" à la fanfare de cirque sur "Macadam Circus", en passant par des chants variant selon le thème du morceau (Vietnamien sur quelques compositions, des cris animaux sur "Vie de Singe", indien sur "Nuit Apache"). Pourtant, la détresse se sent encore sur certains fragments musicaux, vestiges d'un passé apeuré ("Pavillon 36" ou "Mineurs En Danger") : la musique y semble simpliste, effrayante, grise et directement sortie d'un esprit en quête d'exutoire. Un morceau, expérience sonore improbable au vu des premiers albums, est caché sur Abracadaboum. "La Marche Funèbre De La Jeunesse Suicidaire", où durant 2 minutes un violon rassemble choeurs et boite à rythme pour entonner un hymne très bérurier. Plus fidèles aux compositions de Bérurier Noir, des pistes comme "Et Hop" ou "L'Empereur Tomato-Ketchup" marquent plus facilement l'esprit. Loin d'être prévisibles, elles sont cependant enjouées, révoltées et bénéficient de chœurs amplifiant l'effet des paroles. Les vieux démons de Bérurier Noir période Macadam Massacre ne sont pourtant pas abandonnés : "Pavillon 36", "S.O.S.", "On A Faim" ou "Mineurs En Danger" abordent toujours ces thèmes urbains ou hospitaliers. Les paroles sont toujours aussi directes, mais semblent plus travaillées ("On leur apprend à haïr/ Ou à trop bien réfléchir / Ils n'ont pas l'esprit critique / Ce sont les enfants-panique" sur "Mineurs En Danger"). Tout ceci forme un album plus riche, mature et fruit d'un travail de groupe, et non de deux musiciens aux idées malades.

Abracadaboum suit l'évolution de Concerto Pour Détraqués. Une musique plus accessible, moins noire, plus variée, supportant toujours des paroles révoltées mais moins extrêmes. Accouché dans la douleur, certes moins que Souvent Fauché Toujours Marteau, Abracadaboum est l'apogée de Bérurier Noir, mais aussi le début de la chute du groupe, et des problèmes ayant suivi le groupe durant la fin de sa première période. A écouter, au même titre que les autres disques de Bérurier Noir, mais à voir d'un œil différent.

"Alerte alerte aux lois sécuritaires
La France est-elle fière de ces bavures policières ?
Alerte alerte trop d'prisonniers d'opinion
Et dans les prisons, Liberté ils crient ton nom !"

A écouter : Assurement !
18.5 / 20
4 commentaires (14.25/20).
logo amazon

Concerto Pour Détraqués ( 1986 )

Lorsque résonne ce "Nada" si célèbre, c'est le retour des Bérurier qui est annoncé. 1985, quelques temps après le très malsain Macadam Massacre, et pourtant Bérurier Noir n'a pas perdu sa fougue, son pessimisme et sa colère. Les thèmes abordés sont dans la continuité de l’album précédent, tandis que les musiciens voient l'apport d'un saxophone et de chœurs sur plusieurs morceaux. A l'instar de Macadam Massacre, la violence et la noirceur sont les maîtres mots de Concerto Pour Détraqués. Du viol ("Hélène Et Le Sang") aux hôpitaux (le très pachydermique "Les Eléphants"), avec de nombreuses horreurs ("Il Tua Son Petit Frère") ou chants de révoltes ("Les Rebelles", "Vivre Libre Ou Mourir" ou "Le Renard"), le duo vomit presque son dégout de la société de 1985. Les paroles sont crachées par le duo, suppliques haineuses purulentes ("Nada 84", "J'Aime Pas La Soupe") témoignant d'une réalité difficile à vivre, à supporter et d'une haine des extrêmes ("Porcherie" ou "Fils De..."). Pourtant quelques traits de lumière sont audibles, comme ce "Commando Pernod" axé sur l'alcool (Chaque  couplet cite plusieurs noms d'alcools, du vin rouge au calva, en passant par absinthe et le saké) ou un "Petit Agité" d'une violence joyeuse ('Les gamins rebelles / Brûlent des poubelles / Ce soir c'est la fête'). Ceux-ci préfigurent les titres plus "légers" musicalement que l'on retrouve sur Abracadaboum ("Nuit Apache" ou "L'Empereur Tomato-Ketchup"). La boîte à rythme, couplée à la guitare, arrive à créer une véritable sensation de malaise, résonnant comme un sombre nuage préfigurant une tempête sonore.

Le saxophone apporte une autre dimension aux compositions épurées de Bérurier Noir. Sur "Les Eléphants", ce sont de longues plaintes, cris de détresse d'internés tandis qu'il sonne telle une marche funèbre sur "Il Tua Son Petit Frère". Les chœurs, quant à eux, préfigurent cette chorale bérurière accompagnant le groupe par la suite. Peu de textes repris à l'unisson, plutôt quelques mots faciles à retenir, des chants unificateurs : le "Lalalala" sur "Vivre Libre Ou Mourir", "Laïlaïlaï" de "Vive Le Feu" ou le "Rejoins notre raïa" de "Les Rebelles". Ces apports au duo complètent la base BAR/guitare, et donne le sentiment que les Bérurier Noir ne sont plus aussi seuls que sur Macadam Massacre, que le mouvement prend de l'ampleur... Autre instrument discret mais présent, le sifflet sur "Le Renard", symbolique policière condamnant le renard, décrit comme violeur et assassin, dans un morceau où chaque acte semble banal, normal dans cette haine de la société actuelle ("tes victimes violées / je me fais un café / puis tu fais la vaisselle / avant d'me faire la belle").

Concerto Pour Détraqués est la suite logique de Macadam Massacre, et préfigurait déjà Abracadaboum grâce à ses quelques morceaux musicalement plus joyeux. Toujours aussi glauque, bénéficiant d'une production moins crade, les Bérurier Noir ne sont plus, à ce moment, qu'un exutoire pour musiciens au bord du gouffre, mais plutôt le début d'une révolte, d'un mouvement de la jeunesse qui atteindra son paroxysme en 1989.

"Je suis l'enfant naturel
D'un couple maudit
Je suis l'enfant écorché
D’une trop sale réalité"

A écouter : Oui
18 / 20
3 commentaires (12.33/20).
logo amazon

Macadam Massacre ( 1983 )

En 1983 résonnaient les premiers sons de la boîte à rythme des Bérurier Noir. Le rock alternatif voyait apparaître un des groupes cultes d'une jeunesse désœuvrée, aux textes évitant tout détour et intemporels (beaucoup restent d'actualité sur nombre d'albums). Alors un duo, Fanfan et Loran livrent un Macadam Massacre que l'on croirait sous médicaments. 2 identités, 2 instruments, un chanteur. Un massacre musical, cérébral et personnel. Lorsque résonne le chant de "Macadam Massacre", la folie musicale, détresse informulée sur fond de sirène, c'est la jeunesse qui se révolte. Et c'est justement ceci le fil rouge de Macadam Massacre. Une révolte contre la société actuelle : l'Etat meurtrier ("Chromosome Y"), la peine de mort ("La Mort Au Choix"), la violence policière et les prisons ("Baston"), les hôpitaux (l'un des anciens membres des Béruriers fut interné / "Lobotomie") ou encore les banlieues délaissées ("J'ai peur"). "Noir les Horreurs" reflète le mal-être, le sentiment d'être spectateur d'un monde que l'on ne comprend pas, où le ciel est noir et les murs gris. En 1984, les Bérurier Noir sont au bord du suicide, et Macadam Massacre n'est qu'un exutoire, un moyen de soulager son esprit. La boîte à rythme, couplée aux sons de guitare agressifs, noirs, forme une musique minimaliste. Alors que la présence d'uniquement 2 instruments pourrait donner une sensation de vide ou de désuétude, ceci apporte à Macadam Massacre une volonté d'aller à l'essentiel, de faire passer le message des Bérurier Noir. La haine de la guerre, présente sur chaque album, apparait donc ici : "Macadam Massacre" se focalise sur un GI rentrant du Vietnam (pays cher aux musiciens), "Frères D'Armes" relate les horreurs de la guerre du point de vue d'un soldat, comme un vieux souvenir ("Vous savez c'que ça m'rappelle Lieutenant ? / [...] / Souvenirs, souvenirs... / [...] Quelles journées."), ou "Johnny revient de la guerre" rappelle le film Johnny s'en va-t-en guerre. Macadam Massacre semble-lui même dépressif, désespéré, comme si le simple fait de le voir donnerait des idées noires...

Peu de choses sont à dire au final sur cet album, tant les paroles sont transparentes, la musique prenant aux tripes pour les broyer à coup de pompes. L'essence des Bérurier Noir réside dans cette violence musicale, cette réalité crachée à la figure de l'auditeur. Macadam Massacre est froid, vide, malsain. Embrassez le béton un soir d'hiver, enlacez-le et cela aura le même effet. Premier cocktail molotov lancé, 3 ans avant Concerto Pour Détraqués, mais déjà les prémices de la personnalité Bérurier apparaissent.

"Je hais l'armée et je hais la guerre,
je hais les curés et je hais haine,
oh je hais les armes et je hais les larmes,
je hais les jouets et je hais les bombes,
je n'suis qu'un survivant de l'armée bleue soldat,
je n'suis qu'un survivant et suicide-toi."

A écouter : Sans etre sous médicaments.