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Biographie

And So I Watch You From Afar

Quatuor formé à Belfast sur les cendres de formations locales, And So I Watch You From Afar s'est imposé en très peu de temps comme un groupe à suivre de près au sein de la nébuleuse Post Rock. Déjà forte de deux EP, la discographie du groupe qui a ouvert entre autres pour 65daysofstatic ou High On Fire passe au stade supérieur au mois d'Avril 2009 avec la parution d'un très attendu premier album qui, reçoit un accueil enthousiaste. Un peu moins d'un an plus tard, alors que leur réputation leur permet désormais de partager l'affiche avec OceansizeThe Letters EP vient allonger la discographie du quatuor chez Smalltown America, leur label de toujours. Cet EP vient confirmer l'orientation plus virulente de la musique des irlandais développée sur And So I Watch You From Afar. Remontés comme une horloge suisse (et comme jamais) le quatuor annonce son retour pour la première moitié de 2011 avec Gangs malgré le départ de Tony Wright, un de ses guitaristes d'origine. Toujours deux ans plus tard, c'est cette fois chez Sargent House (Chelsea WolfeMarriages, Crypts...) que le quatuor lâche son troisième opus: All Hail Bright Futures.

Quatrième long sorti en 2015, Heirs persiste à donner davantage de place au chant clair, sans pour autant attirer un plus large public. C'est avec cette semi-déception en tête que s'engage l'écriture de The Endless Shimmering, cette fois-ci totalement dépourvu de voix, mais dont la sortie s'est faite étrangement par la petite porte de Sargent House, en octobre 2017.

16.5 / 20
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The Endless Shimmering ( 2017 )

Encore un acte manqué de l’année 2017, la sortie du dernier album des Irlandais nordistes est passée furtivement sous notre nez, et il se trouve qu’on regrette quand même pas mal, tant ce groupe et ses intentions – bien qu’imparfaites ou incomplètes – ont toujours su comment toucher nos petits cœurs mous. The Endless Shimmering contient en effet l’essentiel pour s’attirer les faveurs des premiers auditeurs du quatuor, débarrassé d’un chant clair pas forcément bienvenu sur les précédentes itérations, privilégiant l’instrument et une saturation plus encline à s’étaler à nouveau de tout son long sur le sofa de l’allégresse.

Mine de rien on tient là entre nos oreilles moites le cinquième longue durée d’And So I Watch You From Afar, du ASIWYFA pur jus, comme on l’aime en fait. Ciselé, précis, s’octroyant les respirations expérimentales ou bruitistes qui vont bien, nous voilà dodelinant du crâne avec la frénésie rythmique qui s’impose dès les Trois Triangles, n’y allant certes pas par quatre chemins, exposant d’office tout le charme des Britanniques. On s’aperçoit néanmoins assez vite que les velléités ensoleillées n’ont pas été jetées aux oubliettes. Le Math-Rock bienveillant et ingénieux se moule idéalement au retour en grâce de la lourdeur (A Slow Unfolding of Wings ou le bien nommé Terrors of Pleasure), n’oubliant pas d’agiter les corps euphorisés sur la pièce centrale Dying Giants, ni d'atteindre  l’incandescence, jouant avec les espaces comme les gaziers savent parfaitement le faire, ce qui ouvre le champ à une spontanée folie retrouvée, doucement retombée au milieu de la chaleur des violoncelles.

La gestion des équilibres se poursuit à travers l’étoilé All I Need Is Space puis le morceau éponyme plus minimaliste, illustrée par un batteur que l'on visualise sans mal totalement impliqué dans sa tâche et un travail toujours démentiel sur les guitares. La basse n’étant pas en reste, suffisamment mise en avant afin de nous inoculer son groove prégnant en continu. De même qu’on ne déplore aucun signe de mauvais goût sur la dernière ligne pas droite, où les mélodies s’entortillent, se triturent, se percutent et se reconstruisent à l’envie, baignées dans l’évidence qui caractérise le ASIWYFA labellisé 100% instrumental.

Attention toutefois, il ne s’agit pas d’une redite du premier album, plutôt d’un vrai disque de 2017, sans la moindre trace de vocalise mais gorgé d’arrangements opportuns et inédits, aux aspérités électroniques plus discrètes. The Endless Shimmering apparaît alors comme une œuvre qui se déguste du début à la fin, sans « parasite » aseptisé pour la rendre plus jolie, plus sexy aux oreilles du chaland. Cela confirme nos ressentis de Gangs à Heirs, et nous fait regretter de ne pas avoir découvert la chose et son visuel poilant une poignée de mois plus tôt, définitivement.

A écouter : le plus tôt possible.
14.5 / 20
6 commentaires (14.92/20).

Heirs ( 2015 )

On avait quitté And So I Watch You From Afar en plutôt bons termes, les Irlandais semblaient avoir trouvé leur équilibre avec All Hail Bright Futures, une sorte de juste milieu entre leurs nerveux antécédents et des envies d’exploration électronique ou vocale de plus en plus prononcées, qui peinaient cela dit à convaincre totalement malgré l’usage bienvenu d’instruments incongrus. Deux ans seulement se sont écoulés avant l'accouchement de Heirs, qui apparaît comme la suite logique de son grand frère, et dont la structure rappelle le (semi)décevant Gangs, ne cachant pas un désir renouvelé d’exprimer la virulence et la spontanéité du premier album.

Et pourtant, malgré une technicité toujours plus évidente le quatuor retombe dans ses travers, que sont le chant un peu trop envahissant et les entames d’album pas follement inspirées. Run Home et These Secrets Kings I Know voient en effet leur excellence instrumentale sabotée par ce chant bien trop aguicheur pour être honnête. On préférera largement l’utilisation des cordes vocales à des fins purement instrumentales justement, en chœurs notamment sur le trop court Wasps, piste de transition avant un Redesigned A Million Times, conçu dans le même moule popisant que les deux premiers titres.

Puis vient enfin le moment de lâcher les fauves, bienveillants, sur People Not Sleeping (référence au groupe math Sleeping People ?), en milieu de parcours comme il est désormais de coutume chez les Irlandais. Car ASIWYFA n’est jamais aussi bon et intense que lorsqu’il n’essaye pas de correspondre à une norme pop qui ne lui sied guère. Preuve en est le grassouillet et salement remuant A Beacon, An Anchor, A Compass ou l’éponyme Heirs, leçon de (post)math-rock optimiste mais pas trop non plus. L'un de leurs tous meilleurs morceaux, sans nulle espèce de doute.

Comme le soulignait le collègue Craipo avec justesse, ASIWYFA semble avoir fait un choix, celui de caler son cul entre deux chaises, tout en étant hyper à l’aise dans cette position. Pourquoi pas après tout, les Irlandais s’accommodent de leurs penchants « FM » sans occulter ce qui fait avant tout leur force, un enthousiasme débordant au service d’une virtuosité instrumentale indéniable. Mais voilà, avec Heirs le serpent de Belfast commence à se mordre la queue et ces quatre-là sont tellement pétris de talent qu’on attend tout de même plus d’audace créative de leur part, ou du moins qu’ils en expriment sur l’entièreté d’un objet circulaire.

Heirs disponible sur bandcamp.

A écouter : Wasps, People Not Sleeping, A Beacon..., Heirs
15 / 20
8 commentaires (13.69/20).
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All Hail Bright Futures ( 2013 )

And So I Watch You From Afar est désormais une formation qui compte. S'il est une certitude qui prédomine parmi les quelques unes que les natifs de Belfast nous ont permis de nous forger ces dernières années, c'est bien celle-ci. And So I Watch You From Afar est un groupe talentueux qui s'est construit à l'enthousiasme et à l'énergie. Ces quatre allumés l'ont toujours été et leurs débuts en fanfare sont toujours là pour en témoigner. 

Après un cap du second album toujours un peu compliqué à passer, où l'envie d'explorer plus en avant les pistes ouvertes par le Letters EP s'est parfois heurtée à une volonté de trop bien ou trop vouloir en faire, ASIWYFA, loin de lâcher l'affaire bien qu'amputé d'un de ses membres fondateurs, revient donc pour un troisième round. Visuel haut en couleurs et titre résolument optimiste en étendard, les premiers instants d'All Hail Bright Futures ("Euonia", Big thinks do remarkable") auront beau sembler sonner le retour du And So I Watch You From Afar frondeur et docteur ès progressions furieuses, ce nouvel épisode discographique ne laisse malgré tout que peu de place à l'espoir sur la question. Sentiment qui se voit bientôt confirmé par la suite de l'album.

Hélas, aurait on pu dire, surtout pour quiconque ayant déjà été passablement échaudé par un Gangs trop dispersé pour son propre bien. Mais tel ne sera pas le cas. Car, que l'on goûte ou non l'orientation prise par le quatuor, And So I Watch You From Afar semble enfin avoir fait un choix. Peut être pas le plus révolutionnaire, non, mais très certainement un de ceux qui vous sauvent à temps un groupe qui aurait facilement pu finir par se disperser à force d'un surplus d'énergie et d'envie non canalisé. And So I Watch You From Afar reprend son bâton de pèlerin et bien que son créneau semble désormais avoir irrémédiablement glissé de la catharsis par le positif vers l'entertainment pour ses simples bienfaits, le talent et l'enthousiasme évoqués plus haut sont, eux, bel et bien là. Certes, les passages électronisants ne sont une nouvelle fois pas les plus inspirés de ce disque (constat déjà valable sur Gangs - n'est pas Irepress qui veut) et les voix prennent plus de place qu'elles ne le devraient si AHBF avait immédiatement fait suite à un premier disque qui restera probablement leur mètre étalon. Mais voila, ASIWYFA a évolué et, quatre ans et deux sorties plus tard, le monde qui l'entoure également. Alors que l'heure semble être à la dépression généralisée et à une époque qui, paradoxalement, voit Foals - que les irlandais viennent bousculer sur le terrain de l'indie gentil mais trop tordu pour être honnête avec "Ka Ba Ta Bo Da Ka" ou encore "The Stay Golden" -  basculer du coté obscur mais (enfin?) ensoleiller les charts un peu partout, Rory et sa bande de potes proposent leur remède maison. A haute teneur en énergie, forcément.
De l'empilement mathy furieusement foutraque d'"Ambulance" à la désormais classique (mais aujourd'hui tropicale) montée du morceau titre, en passant par l'explosion épileptique Talons-esque de "Rats on Rock" ou les virevoltants "Mend and make safe" et "Like a mouse" tout chez And So I Watch You From Afar concourt de nouveau autant à faire craquer le carcan indie/math/post dans les coins qu'à célébrer le retour à une musique de caractère résolument aventureuse et positive. And So I Watch You From Afar a beau en foutre partout sur les bords, la machine est de nouveau en marche, fière et décidé, pleinement maîtresse de sa progression 43 minutes durant. Et personne ne semble pouvoir l'arrêter.

Non, les irlandais n'ont pas mangé d'arc-en-ciel, pas plus qu'ils n'ont réellement rendu les armes. Ce serait même plutôt l'inverse. Le procédé n'est juste plus tout à fait le même. Ce que steeldrum, cuivres un brin cheesy, avouons-le ("Trails"), flûte ou encore cordes, apportent en incongruité de prime abord participent autant faire barrage à la routine que le groupe a toujours refusée qu'à réveiller l'auditeur qui se serait perdu dans la sinistrose ambiante. Rien que pour cela All Hail Bright Futures, s'il n'aura probablement pas la longévité du self titled, reste une véritable réussite. Sous ses faux airs rigolards, ce troisième album fait repasser les voyants au vert et sort ses auteurs de l'ornière autour de laquelle ils tournaient avec un peu trop d'insistance. En embarquant tout le monde avec lui. And So I Watch You From Afar, un ami qui vous veut vraiment du bien.

14 / 20
10 commentaires (15.8/20).
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Gangs ( 2011 )

L’Irlande est un beau pays, gorgé de verdure, de moutons et de bière forte. Les autochtones y sont accueillants et généreux, un peu comme la musique des quatre nordistes de And So I Watch You From Afar. Le bonheur simple de jouer ensemble, le sens des mélodies sautillantes et des riffs inspirés pleins d’énergie. Voilà l’ambiance qui planait sur les compositions du premier album éponyme sorti en 2009, déployant un (post) rock instrumental mathisant dont la spontanée créativité nous avait subjugués. L’année suivante le EP The Letters viendra confirmer le talent incontestable du quatuor de Belfast. Avec de tels antécédents, autant dire que cette nouvelle livraison était fermement attendue.

La première chose qui frappe à l’écoute de ce Gangs est le rendu sonore, clair et précis sur BEAUTIFULUNIVERSEMASTERCHAMPION, ciselé et percutant sur les riffs puissants de Gang (Starting Never Stopping) et Search:Party:Animal, ou encore lumineux sur l’hymne 7 Billion People All Alive At Once. Les contrastes entre les ambiances sont en général rondement menés. Quoi qu’il en soit, le groupe a gagné en maîtrise et ne se gêne pas pour nous éclabousser généreusement son génie technique à la face, peut-être un peu trop sur les premières pistes d’ailleurs.
Globalement le son se fait plus lourd et métallique mais les structures des titres restent semblables aux précédents albums, dans une progression entre post rock ensoleillé, math rock furtif et heavy rock, interrompue par un morceau double : Homes - Ghost Parlor KA -6 to… ; Homes - …Samara To Belfast, deux parties qui constituent les sommets qualitatifs de l’œuvre. La première introduit la seconde en nous installant dans un confort atmosphérique délicat et planant, pour nous embarquer ensuite vers une randonnée musicale qu’on imagine entre Samara et…Belfast donc. On y découvrira un paysage tour à tour désertique, chatoyant, montagneux, tropical, entraînant une explosion de couleurs plus ou moins vives… La fin de ce périple (Lifeproof) voit le retour d’un post rock nerveux et toujours optimiste, flanqué d’une assise rythmique redoutable, se terminant naturellement sur une samba.

Malgré une production quasi-parfaite, la première moitié de Gangs peine à convaincre sur la durée. La faute à un trop grand désir d’étalage de virtuosité, dont les gars d’ASIWYFA ne manquent pas et qui se fait remarquer par quelques moments de bravoure intenses (Search:Party:Animal). De ce fait on peut regretter un certain manque de spontanéité dans la composition d'un album qui reste tout de même de très bonne facture bien qu'il ne se livre réellement qu’à mi-parcours et rayonne surtout grâce au duo Homes, renversant.

Une oreille peut se jeter sur le bandcamp.

A écouter : Search:Party:Animal, Think:Breathe:Destroy, Homes - Ghost Parlor KA -6 to..., Homes - ...Samara To Belfast.
15.5 / 20
2 commentaires (18/20).

The Letters EP ( 2010 )

On n'arrête plus And So I Watch You from Afar. A peine les laissait on après un s/t furax, les voilà repartis entre la route et le studio, toujours la banane aux lèvres. Un split avec les très recommandables Talons plus tard, voilà que quatre nouveaux titres viennent à leur tour secouer des nuques à peine remises de la précédente livraison. Nouvelle confirmation?

Evidemment. C'est même à se demander pourquoi on se pose la question.
The Letters EP est ouvertement là pour en rajouter un couche, annonçant une nouvelle fois la couleur dès l'ouverture (S is for salamander). Un titre dynamique, très stop & go, mené de main de maitre par un Chris encore une fois en grande forme, agrémenté de ce qu'il faut de guitares mathy, d'accalmies Post occupées par une basse qui dispute les premiers rôles aux autres instruments et de murs sonores abrasifs. Grosse débauche d'énergie et de folie positive dans la droite lignée de l'éponyme. D is for Django the bastard le bien nommé prend la suite amenant son lot de breaks impressionnants et de changements rythmico-stylistiques enchainés à une allure folle: 2'31 entre Math Rock jazzy, accès de furie punkisante, vrombissements et percussion(s) et l'affaire est pliée. Plus ça va et plus ça ramone chez les Irlandais.
Même quand B is for B-side vient remettre un peu de légèreté après un démarrage de feu, c'est sans oublier de mettre à l'épreuve les pédales d'effets, faisant remonter à la surface un Post Rock noisy du siècle dernier. Puis enfin K is for killing-spree (an ode to) clot le bal. Retour au format long: chacun peut y aller de son petit plaisir sans avoir à se préocuper d'une structure pesante. ASIWYFA a réglé ce problème il ya longtemps maintenant. Un plan en entrainant un autre, And So I Watch You From Afar fuse comme toujours, souffle, retient sa respiration, feinte, repart, maintient en haleine. Plus de six minutes de Rock instrumental cathartique ultra expressif distribuant rires et larmes, dégringolades, envolées, soli, superpositions de mélodies et clins d'oeils amusés plus tard... il ne reste qu'à relancer les quatre titres.

Plus rageur, plus métallique, plus technique, The Letters EP continue de tracer la voie d'And So I Watch You from Afar, (ré)inventeur d'un style entre Post-électrique et du Math-sourrire. La mutinerie se poursuit en Irlande. Trois ans que ça dure et toujours rien ni personne pour les arrêter. A croire que tout le monde n'attendait que ça.

A écouter : S, D, B & K
17 / 20
16 commentaires (17.94/20).
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And So I Watch You From Afar ( 2009 )

And So I Watch You From Afar est de retour ! Enfin ou déjà, peu importe. Tout ce qui compte c’est que les Irlandais soient prêts à en découdre une nouvelle fois avec la vieille dame du Post rock pour notre plus grand bonheur.

Set guitars to kill : le premier titre résume en quatre mots l’esprit And So I Watch You From Afar. Judicieuse ouverture pour un album qui n’en est pas moins bien senti : l’image est parlante et reflète largement ce premier titre comme ce premier effort éponyme. Les Britanniques, toujours la banane aux lèvres, continuent ici leur œuvre de déconstruction massive pour réveiller la belle endormie qui, l’âge aidant, s’était un peu flétrie et renfermée sur elle-même.
Il y a quelques années de cela, le Post Rock des années 90 n’avait pas encore oublié ses racines et tapait le bœuf avec des styles alors limitrophes dans un mélange qui méritait pleinement son nom. On pensera notamment à Bark Psychosis, Tortoise, Long Fin Killie, Slint , Cerberus Shoal ou, exception qui confirme la règle, aux inventifs Crippled Black Phoenix, héritiers non revendiqués de cette première vague perdus dans le 21ème siècle. On ne l’appelle désormais plus qu’à la demande, au moment de nous tirer une larmichette entre deux murs de son - bonjour à la famille Postcore - ou pour pour s'évader religieusement, le regard perdu au loin, alors qu’un frisson est sensé nous parcourir l’échine. Et la vieille dame nous ravit encore à l’occasion, lorsqu’elle n’est pas trop lasse, avant de s’en retourner seule dans son coin.

And So I Watch You From Afar, a décidé d’inverser les rôles, c’est désormais évident. Non pas que la jeune formation se pose en défenseur de quelconque scène ou conception de la chose, non, c’est juste qu’il en est ainsi. Chez nos Irlandais c’est la vielle dame qui invite. Et puisqu’on la laisse pleinement s’exprimer, elle ne va pas se faire prier. Dans son élément et du haut de son expérience elle va nous montrer qu’elle en a encore des choses à dire… et qu’il ne faudrait vraiment pas l’enterrer trop vite car elle en a vu d’autres. Pour être franc les rejetons les plus agités d'Isis comme de Godspeed You! Black Emperor ont bien du soucis à se faire.
Avec And So I Watch You From Afar, le Post Rock donne donc la mesure et c’est aux autres genres (Math Rock et Postcore notamment) de se mettre au niveau car il se veut plus virulent que jamais, d’avantage même que sur leur second EP. On retrouve d’ailleurs trois titres issus de leurs premières sorties, légèrement remaniés pour mieux s’ancrer dans le moule de ce premier album. Encore plus affirmé que par le passé, le groupe maintient toujours plus fermement le cap et dicte nerveusement sa loi à grands coups de juxtapositions de guitares intenables et de batterie littéralement déchainée (très gros travail de Chris). Les mélodies sont balancés avec une énergie folle, rattrapées à la volée avant de repartir de plus belle dans une nouvelle direction Ca remue sec chez ces irlandais.

On retrouve ici l’après-rock : inventif, croisement de moult influences, ancré dans son époque et de ce fait voué à évoluer constamment avec le temps. Evoluer au sein même d'une composition ou au fil des albums qu’importe. Tout ce qui compte c’est que, dans sa forme la plus dépouillée comme la plus folle, la "Musique" subsiste, plus vivace que jamais. Quitte à sacrifier la tradition. If it ain’t broke, break it nous conte ASIWYFA. Ils ont foutrement raison. Reprendre le Post Rock à leur compte, briser d’avantage les attaches, larguer les amarres pour se libérer et jouer… intensément. De la furieuse Clench fists, grit teeth… go! à l’enjouée Don’t waste time doing things you hate (et ces cœurs libérateurs enregistrés avec leurs amis et connaissances), en passant par la plus classique The Voiceless déjà vieille de deux ans et qui continue de renvoyer la concurrence à ses gammes, l’intensité est le maitre mot de ce disque.
Ce groupe est doté d’une personnalité unique dans le genre, illustrée dans chaque note de ces morceaux de sans paroles mais ultra riches et à l’insurrection communicative. En l'absence de mots, c'est la musique qui (s')exprime. Les irlandais y  déversent sueur et passion par seaux entiers et chaque titre prend alors une signification qui va bien au delà de ce que l'on peut y lire à première vue. Cet album fera date.

And So I Watch You From Afar, groupe frondeur et moderne, sur le fond comme dans la forme, sort le Post Rock de sa retraite: la vieille dame "vit" de nouveau. These riots are just the beginning… ils l’avaient annoncé il y a deux ans et le réaffirment plus fort encore. Magistral. Puissent-ils continuer longtemps encore.
And So I Watch You From Afar... «The shape of Post Rock to come» ?

A écouter : si vous n'avez encore jamais headbangu� sur du Post Rock
16 / 20
2 commentaires (14.5/20).

This Is Our Machine And Nothing Can Stop It EP ( 2007 )

Honnêtement je dois bien dire que ces derniers temps j’ai eu ma dose de courses à la note qui fissure l’âme et que, comme certains, il faut maintenant se lever tôt pour me faire apprécier un énième ersatz larmoyant de GY !BE ou de Sigur Ros. Je suis probablement un peu buté et ronchon mais toujours est il qu’il en est ainsi.

Si vous êtes dans une situation semblable, il se pourrait que les britanniques de And So I Watch You From Afar viennent à votre rescousse pour vous replonger dans le bain. Oui, car ASIWYFA, un peu à la manière d’Up-C Down-C Left-C Right-C ABC + Start (cette chronique risque de piquer les yeux) est là pour secouer le cocotier. Le format ultra étiré et contemplatif n’a que peu droit de cité ici : This Is Our Machine And Nothing Can Stop It fait enfin passer la seconde à un style regorgeant déjà d’une foule de références emplies de montées cristallines vaporeuses.
Déjà, sur  Tonight The City Burns paru la même année, le quartet faisait étalage de son potentiel sur un terrible These riots are just the beginning pas loin de totalement éclipser les cinq titres l’accompagnant. Les britanniques vont donc judicieusement garder le cap sur ce second EP et nous servir un peu moins d’une demi heure d’un Post Rock enlevé, entièrement instrumental, qui n’hésite ni à se faire virulent, ni à prendre du volume (Holyhands, 4am, The machine) tout en jonglant habilement avec les codes du genre (qu’ils maîtrisent assurément – WPB 6am, The voiceless). Virages serrés, décrochages inattendus, compositions constellées de notes (I capture castles, The machine), TIOMANCSI collectionne les coups de poker et s’offre un tour de grand huit musical des plus jouissifs à parcourir. Entre accès de fièvre et accalmies, ASIWYFA trouve un juste milieu dans la zone de turbulence et en ressort avec un EP de grande classe, déjà fort d’une identité bien affirmée. Lumineux.

Profondément Post dans l’âme mais souvent « mathy » et fougueuse dans les formes, cette sortie de And So I Watch You From Afar amène une véritable bouffée de fraîcheur qui, loin de se faner au fil des écoutes, ne fait que rendre plus intenable l’attente de la parution de leur prochain effort. This Is Our Machine And Nothing Can Stop It nous disent ils… force est de constater qu’il n’y a pas grand chose à contester dans cette affirmation. Reste à voir où ils vont la mener par la suite. Mais à vrai dire il n’y a surement que peu de craintes à avoir à moins que nos britanniques ne se décident à faire comme tout le monde pour s’en aller rouler sur le coté droit de la chaussée. Vous y croyez vous ? Moi, pas une seule seconde, surtout vu la teneur des compositions lâchées en écoute sur le net depuis la sortie de cet EP… et c’est bien pour cette raison qu’il serait plus que judicieux de ne pas perdre de vue ces quatre  là.

A écouter : Comme l'avenir du genre?