Biographie

Alice In Chains

C’est à Seattle, qu’Alice in chains se forme, avec Layne Staley (chant), Jerry Cantrell (guitare), Mike Starr (basse) et Sean Kinney (batterie). En 1990 sort We Die Young, puis leur premier album Facelift. En 1991, ils sortent un album acoustique Sap, et  participeront à la BO de Singles avec Would qui figurera dans le prochain album Dirt. Par la suite Mike Starr est remplacé par Mike Inez.
En 1995, sort un éponyme d’Alice In Chains, en même temps Layne Staley travaille sur son side project avec Mad Season qui sort l'album Above. En 1998, ce sera le tour de Jerry Cantrell d’enregistrer son album solo Boggy Depot. En 1999, un coffret best of Musik Bank sort. En 2002, Layne Stanley décède. Jerry Cantrell poursuivra sa carrière solo.

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16 commentaires (16.84/20).
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Black Gives Way to Blue ( 2009 )

Quand on parle de grunge, il y a deux écoles : les puristes qui pensent que ce mouvement américain (car c'était bien un mouvement contestataire à l'origine) est mort et enterré avec sa figure emblématique en avril 1994, et les autres, qui continuent à considérer des groupes comme Pearl Jam, Alice In Chains et Soundgarden pour ne citer que les plus connus, comme les dignes représentants "post mort de Kurt Cobain" de ce genre musical qui connut son apogée dans les années 90. Appelons cela grunge, rock alternatif, tout ce que vous voulez, rares sont les albums et les groupes pouvant se targuer de suivre, au moins musicalement, ce qu'il se faisait de mieux en la matière dans les années 90. La raison est simple : tous ces groupes (ou presque) ont cessé leurs activités, été évincés du devant de la scène ou oubliés du public : entre le split de Soundgarden en 1997, la mort de Layne Staley en 2002, le manque d'inspiration de Mudhonney fin 90's ou encore les Screaming trees qui se sont séparés en 2000, il s'en faut de peu pour que les gens de la première école n'aient raison. Seul Pearl Jam a réussi avec brio à passer le cap des années 2000. Dix ans plus tard, alors qu'on ne les attendait plus, Soudgarden, Alice in Chains et Hole(lol ?) reviennent sur le devant de la scène. Le retour du grunge ? On ressort nos chemises à carreaux et nos coupes crasseuses ? Sans aller jusque là, attardons nous sur Black gives way to Blue, dernier album en date d'Alice in Chains depuis la mort de leur chanteur exceptionnel Layne Staley.

Non franchement, jamais je n'aurais cru qu'ils reviendraient, avec la mort (par overdose d'héroïne) du chanteur, une page semblait avoir été tournée, nous perdions là une figure emblématique de la musique rock alternative des années 90 et une voix magnifique, ainsi qu'un des meilleurs groupes de son temps. Et on les comprend, revenir sans Layne, voilà une décision certainement difficile à prendre, comment peut on décemment remplacer un chanteur aussi brillant... Hé bien voilà une question qu'il ne faudra désormais plus se poser. Je vous rassure ils n'ont pas trouvé un sosie ou réussi à synthétiser sa voix, ils ont simplement fait du Alice in Chains, sans se prendre la tête, sans fioritures, à l'ancienne j'ai presque envie de dire. Oui, Alice in Chains sans Staley n'est plus tout à fait Alice in Chains, oui c'est bel et bien un come back, et non ils n'ont pas vendu leur âme au démon marketing. Black gives way to blue est un vrai album d'Alice in Chains, tout y est : ambiance malsaine, atmosphère pesante, ballades acoustiques sirupeuses, riffs puissants et mélodies aériennes, on retrouve dès les premières notes les caractéristiques sonores de la formation de Seattle, un son puissant, glauque et étouffant, qui déjà à l'époque leur a permis d'être rangés dans la catégorie "grunge mais pas tout à fait" : grunge parce que c'était la mode, mais surtout heavy metal / hard rock parce que leur son était bien loin des cacophonies plaintives (mais jouissantes) d'un groupe comme Nirvana. Cette note

heavy faisait toute la différence, et on la sent bien dès les premières secondes de All secrets known, le premier titre de l'album.Et quelle introduction, Cantrell (le guitariste) qui signe ici toutes les compositions fait passer le message à merveille :
Hope,
A new beginning
Time,
Time to start living -
like just before we died.
There's no going back to the place -
We've started from.
C'est bien résumé, on recommence, on ne regarde pas en arrière et on avance. Après une courte introduction planante, Cantrell se décide à montrer que la partie chant de l'album bénéficiera d'un soin tout particulier : mélodie soignée, chant hypnotique, et surtout, on ne s'en aperçoit pas tout de suite, mais une deuxième voix pointe le bout de son nez sur le refrain, pour former un duo parfaitement maitrisé. Il faudra désormais compter sur William Duvall, nouveau chanteur / guitariste venu s'intégrer à la formation, qui même s'il ne remplacera jamais Layne Staley au chant, s'en sort plus que bien, mention spéciale à cette espèce de symbiose entre Duvall/Cantrell vraiment magnifique. Check my brain, deuxième morceau et single de l'album est un morceau dans la plus pure tradition : riffs heavy, refrain entêtant, et rythme syncopé, un hit en puissance. L'album fait la part belle aux morceaux musclés, qui même s'ils ne sont pas aussi "heavy" que pouvaient l'être Them bones ou We die young en leurs temps, sont tout de même très appréciables, l'album ne tournera donc pas musicalement uniquement autour du pathos, et ça fait plaisir. Last of my kind est dans cet esprit là, et prouve que Duvall a bien le talent requis pour intégrer un tel groupe. Your decision, quatrième chanson et première ballade de l'album est vraiment très réussie, dans la même lignée qu'un Nutshell son refrain est vraiment touchant, "no one plans to take the path that brings you lower and here you stay before us all and say it's over " une petite pépite de mélancolie avant le déferlement d'énergie qui approche. A looking in view est une des meilleures chansons de l'album, atmosphère oppressante, riffs dévastateurs et voix s'entrechoquant à l'unisson, donnant l'impression d'être au coeur du cyclone sonore que constitue cette chanson riche et puissante. On ne s'attardera pas sur When the sun rose again, une ballade sans grand intérêt. Le plus intéressant est à venir : Acide Bubble. Il y a toujours eu sur les albums d'Alice des chansons atypiques (Love Hate Love, Dirt, I stay away), des chansons qu'on n'oublie pas, jamais vraiment des hits, jamais vraiment mises en avant, juste des chansons excellentes. Acid Bubble fait partie de ces chansons. Intro aguicheuse toute en lourdeur, complaintes vocales, et refrain magnifique. Rien d'exceptionnel jusque là me direz vous. Puis au bout de quelques minutes, Cantrell en chef d'orchestre inspiré emmène le groupe vers une sorte de bridge à la guitare et nous pond là un passage heavy inatendu, avant de reprendre cette déprimante chanson à la noirceur délectable où le groupe se montre plus incisif que jamais. Bravo !
Take her out et Private Hell, avant dernière chanson de l'album, même si elles ne sont pas des chansons exceptionnelles, témoignent du talent musical qu'a développé le groupe pendant toutes ces années, les solos de guitare y sont d'une précision et d'une beauté saisissantes. Enfin, Black gives way to Blue vient clôturer ces 55 minutes de pur bonheur, en laissant une petite note d'espoir au beau milieu de cet océan de noirceur et de sonorités cinglantes.

Un petit point sur le thème abordé, évidemment vu ce qui leur est arrivé, les circonstances tragiques du décès de Layne Staley, la mort est omniprésente tout au long de l'album, et le moins que l'on puisse dire c'est que sur le plan émotionnel, tout est là pour vous faire vibrer : que ce soit les paroles vraiment touchantes, ou la musique qui oscille entre ambiance malsaine et mélancolie étouffante, c'est une réussite émotionnelle incontestable, et tous les fans de la première heure s'en rendront compte...

Alice in Chains est de retour, c'était inattendu, mais une chose est sûre, c'est un come back des plus réussis, il fallait des couilles pour sortir un album après la mort de Staley, et incontestablement le pari est réussi. Peu importe l'étiquette, grunge, rock, rock alternatif, heavy, il faudra désormais compter sur eux. Un des meilleurs albums du genre depuis plus d'une décennie !

A écouter : Tout, à volonté.
18 / 20
22 commentaires (17.86/20).
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Alice In Chains ( 1995 )

Etrange. Tel est le premier mot qui vient à l’esprit lorsqu’on se trouve avec cette oeuvre entre les mains. Un chien dépourvu d’une de ses pattes nous regarde d’un air abattu, alors qu’un drôle de joueur de ukulele muni d’autant de pattes que l’animal (!!) arbore lui un sourire radieux. Etrange, en effet. La musique n’est pas en reste à ce niveau, puisque l’on a affaire à l’album le plus décalé d’Alice In Chains.

Il débute in medias res, comme le veut apparemment la tradition (cf We Die Young sur Facelift et Them Bones sur Dirt), mais au lieu d’un riff grunge ravageur, c’est un riff malsain et dérangeant qui s’insinue vicieusement jusque dans nos oreilles. Justement à propos de grunge, ce dernier est mort et enterré depuis bien longtemps ; nous sommes en 1995 et le groupe s’est ici considérablement marginalisé en empruntant bien plus au métal ou au stoner, comme en témoignent des titres comme Brush Away ou Sludge Factory perles sabbathiennes soutenues par le chant d’outre-tombe de Layne Staley et les ululements effrayants de Jerry Cantrell, qui une fois de plus s’expriment sur les drogues et le mal de vivre comme jamais auparavant. Ceci s’explique par le fait que Staley est de plus en plus dépendant, que le groupe n’a pas fait de concert en 3 ans et cela se ressent jusque dans l’artwork utilisé pour l’album, constitué de gravures bizarroïdes et obscures pour la plupart issues du Dictionnaire Infernal (encyclopédie du XIXème siècle traitant de démonologie et autres sciences occultes). Le témoignage le plus poignant de cette condition est Head Creeps, le seul titre de cet éponyme entièrement écrit et composé par Staley, morceau qui respire le mal-être et la souffrance, mené par une rythmique lourde et des vocaux hallucinés.

On pourrait tout également s’attarder sur chacune des chansons de cet album tant elles sont empreintes de tourment et admirablement composées, de la balade dépouillée qu’est Heaven Beside You à l’énergique So Close, en passant par le saccadé et désespéré God Am ou par le psychédélique Nothin’ Song (où le beurre de cacahouète attaque le cerveau…). Mais la plus belle partie de l’album est à réserver aux deux chefs-d’œuvres qui la concluent. Le premier d’entre eux est le fantastique Frogs, morceau poisseux, fangeux au possible, d’une noirceur absolue évoquée par les arpèges de génie de Jerry Cantrell et de Mike Inez ainsi que la batterie de Sean Kinney, ici toute en subtilité ; le morceau se termine d’une manière déroutante : en effet, les dernières minutes semblent avoir été enregistrées pendant un bad trip de Layne qui prend véritablement aux tripes. Pour terminer cet incroyable album, une ode mortuaire résonne dans l’intro d’Over Now, poursuivie par une chanson émouvante, où la guitare de Jerry Cantrell gémit, comme une triste prémonition pour l’avenir du groupe…
« Yeah, it’s over now ».

A écouter : Ne serais-ce que pour sa culture.
18 / 20
32 commentaires (18.25/20).
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Dirt ( 1992 )

REQUIEM FOR A DREAM

Le 5 avril 2002, disparaissait Layne Staley, chanteur d’Alice In Chains, d’une overdose vraisemblablement intentionnelle. En réécoutant Dirt, qui est peut-être l’album le plus fascinant du groupe, tout semble évident. Fuite, impossibilité d’être et de naître, mort : avec son rock sombre et décadent, le quartet de Seattle renouait avec des thèmes chers aux Romantiques.

« [La vie est] un incessant processus purgatorial : ni récompense ni châtiment, rien qu’une série de stimulants qui permettent au chaton de s’attraper la queue. »
Samuel Beckett
 
« La vérité, c’est une agonie qui n’en finit pas. La vérité de ce monde c’est la mort. »
Louis-Ferdinand Céline

Depuis Joy Division et The Cure, on sait que les chants les plus désespérés sont parfois les plus captivants. La scène dite grunge fut peut-être le dernier sursaut collectif de l’esprit rock originel en tant qu’expression du malaise adolescent, mais poussée jusqu’à la conscience de l’Absurde et de la vanité de toute révolte et, en définitive, de la vie elle-même. Alice In Chains, dont la musique exsudait mélancolie et désespoir, fut certainement l’une des formations les plus fascinantes de cette scène et, a fortiori, de l’histoire du rock.

Qualifié de « Joy Division metal » par certains journalistes, AIC partageait avec le combo mancunien un son froid, oppressant et angoissant, dépeignant un univers lugubre et désolé — et pour tout dire : morbide. Ses compositions étaient marquées par une intensité tragique rare, qui place ce groupe aux côtés des Nirvana, Cure, Joy Division, Tool ou Radiohead dans le Panthéon du rock.

Après Facelift (1990), premier album dans lequel le groupe jouait un rock tourmenté, où affleuraient tour à tour révolte et mélancolie, la dope fait son entrée dans la danse. Elle marquera de sa morbide empreinte la musique du quartet. Et mènera lentement le groupe à sa perte [1]. Aussi, il n’est pas surprenant que la drogue soit au cœur du second album.

Vertige romantique

C’est avec Dirt (1992), que le nom du groupe prend toute sa signification : Alice, comme l’héroïne de Lewis Carroll, symbole de l’enfance. Dans le conte, Alice évolue dans un monde imaginaire, enchanté : celui du rêve ; elle ignore encore le monde des adultes. Dans le cas du groupe, il y a une conscience exacerbée du monde adulte, un monde refusé. Aussi, musique et paroles traduisent une fuite, une élévation hors de ce monde écrasant, non dans le rêve mais dans la dope (« God name is smack for some », God Smack).

Alice In Chains, c’est le rêve, l’enfance et la vie enchaînés. C’est le désespoir face à l’Absurde. Le désespoir ou la double fascination pour la mort et la naissance. Une indécision entre un profond désir de vivre, dans l’exaltation et l’ivresse — de la drogue ou de l’amour — et un refus de vivre dans la laideur fade et insensée de ce monde. Dans les paroles, à plusieurs reprises se confondent mort et naissance : « Some say we’re born into the grave » (Them Bones), « Bury me softly in this womb » (Down In A Hole). Il y a la pesanteur écrasante d’un Beckett et l’inextricable d’un Céline dans le metal d’AIC. Alors que la section rythmique est écrasante, étouffante, la guitare de Cantrell esquisse, par ses riffs lyriques, une quête d’élévation, de naissance. Mais toujours, les chaînes subsistent — la conscience de sa propre mort (« What’s the difference ? I’ll die in this sick world of mine », Sickman). Et, seul se profile l’échec de toute tentative d’élévation (« I’d like to fly, but my wings have been so denied », Down In A Hole). Ce même désespérant vertige hantait déjà les Romantiques, qui eut raison de Nerval.

Un combat contre l’idée de sa propre mort

La pochette de l’album est éloquente, qui résume la musique du groupe. Un corps d’adolescente (est-ce Alice ; est-elle vivante, morte ou défoncée ?), fantomatique, happé par le sol du désert. Une atmosphère délétère émane de cette photo, exsudant morbidité, isolement et solitude. On ne sait trop s’il s’agit de naissance ou de mort. Car peut-être est-ce le retour à la  terre-matrice (« Bury me softly in this womb », Down In A Hole), une régression vers l’enfance, vers la naissance, vers le non-être. Comme l’évoque la couverture de l’album, le son Alice In Chains a quelque chose d’un enfoncement, d’un marécage : toute fuite est vouée à l’échec (« Seems every path leads me to nowhere », Rooster). Car comme chez les héros du film de Darren Aronofsky, Requiem for a dream [2], au bout de la défonce, de ses mirages, de cette enfance que l’on croit retrouvée, ne subsistent que l’enfance et le corps saccagés, enchaînés. Et la mort.

À la chanter avec tant de persistance, Layne Staley cherchait-il à apprivoiser l’idée de sa propre mort ? Rien n’est sûr. Reste que la vie de Layne Staley, à laquelle la musique de Alice In Chains fut un écho évident, apparaît comme un combat contre la mort, contre l’oubli, contre l’Absurde.

Dirt, et plus généralement, l’œuvre de Alice In Chains sont d’une beauté envoûtante ; c’est un chant funèbre, un requiem à l’enfance. Un requiem pour un rêve de poésie et d’innocence.

[1] Du fait des probl

A écouter : L'album, dans son int